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Le Cycle de Doha est mort ! L’heure de la souveraineté alimentaire a sonné
Lu sur infoblog.samizdat: L’échec de l’OMC annoncé à Genève par Pascal Lamy est une victoire pour Via campesina qui s’est toujours opposée à la libéralisation des échanges des produits agricoles. Le cycle de négociations de Doha est mort ! Vive la souveraineté alimentaire !

Les accords de Marrakech, signés en 1994, ont marqué une aggravation de la crise économique qui prévalait dans les zones rurales. La libéralisation des marchés des produits agricoles, l’ouverture forcée des frontières et la baisse des droits de douane ont placé les paysans dans un système global de concurrence illimitée dont les seuls bénéficiaires sont les multinationales de l’agroalimentaire et leurs actionnaires. La chute des prix de la plupart des produits agricoles a entraîné la ruine de millions de petits paysans. Cette crise s’est soldée par l’explosion de l’exode rural et l’augmentation exponentielle des flux migratoires. Ce développement d’une agriculture recherchant le profit à court terme a entraîné l’augmentation de la déforestation, la concentration du foncier, l’érosion des sols, la destruction de la biodiversité et la pollution des eaux. Elle a été rendue possible par l’augmentation de la répression dont ont été l’objet les mouvements sociaux dans de nombreux pays.

Les pêcheurs traditionnels ont été également confrontés à une destruction des ressources halieutiques et maritimes sans précédent. Dans de nombreuses zones de la planète, la pêche industrielle a fait des dégâts considérables, laissant les filets des pêcheurs désespérément vides.

Le libéralisme, contrairement à ce qui avait été promis, n’a pas été en mesure de garantir le droit à l’Alimentation pourtant inscrit dans le Pacte relatif aux Droits Economiques Sociaux et Culturels des Nations Unies. D’ailleurs l’OMC, n’a jamais considéré que s’attaquer à la famine faisait partie de ses objectifs. Aujourd’hui, plus de 850 millions de personnes souffrent toujours chroniquement de la faim à des degrés divers, et les trois-quarts d’entre elles sont des paysans, des paysans sans terre et des ouvriers agricoles. L’objectif, insuffisamment ambitieux, de réduire ce nombre de moitié, que la FAO s’était fixé en 1996, ne sera malheureusement pas atteint en 2015. Nous ne pouvons accepter cette situation, car il ne s’agit pas de chiffres qui souffrent, mais bel et bien d’enfants, de femmes et d’hommes qui meurent chaque jour dans un monde ou la production alimentaire est pourtant suffisante pour couvrir les besoins de tous.

La libéralisation des marchés des produits agricoles a fragilisé durablement l’économie de nombreuses familles paysannes et de nombreux pays. L’Afrique, présentée comme la zone qui devait le plus bénéficier des accords de Marrakech, a été laissée sur la touche. Les pays de la zone sahélienne, contraints par la Banque Mondiale de développer les cultures de coton pour rembourser une dette extérieure inique, ont vu leurs recettes d’exportation s’effondrer du fait du maintien des subventions de pays riches comme les USA. La mise en culture de millions d’hectares de soja en Amérique du sud s’est faite aux dépends des paysans et de l’agriculture vivrière locale. L’Argentine, qui comptait 17 % de personnes en dessous du seuil de pauvreté en 1994, a vu ce chiffre exploser. Aujourd’hui 40 % des habitants de ce pays souffrent de la faim. Les agricultures vivrières des pays d’Afrique de l’ouest ont été balayées par les importations. Le Sénégal importe désormais 500.000 tonnes de brisures de riz. Des pays comme les Philippines, qui étaient autosuffisants en 1994, doivent maintenant importer un million de tonnes de céréales. Pour sa part, l`Indonésie a vu une multiplication par trois de la valeur de ses importations de céréales entre 1994 et 2004. Ces dernières sont en effet passées de 60 à 180 millions de dollars. Des centaines de milliers de paysans en Inde et en Chine sont sur les routes à la recherche d’un hypothétique emploi. Les amendements faits par l’Union européenne et les Etats-unis à leurs politiques agricoles n’avaient pour seul objet que de tromper le monde. Ils n’ont pas permis de limiter les exportations bénéficiant de subventions, ni de redistribuer plus équitablement les revenus agricoles.

Sous la coupe de l’OMC, ce sont l’ensemble des activités humaines qui étaient réduites à des marchandises. L’approvisionnement en eau, la santé, l’éducation, pour ne citer que les principales d’entre elles, étaient bradées à des multinationales. Ces privatisations ont eu un impact terrible sur les couches les plus défavorisées de la population. Le cynisme de leur mise en oeuvre a provoqué des conflits très durs, comme par exemple sur l’eau en Bolivie, qui ont permis l’émergence de gouvernements porteurs d’une véritable alternative.

C’est en définitive cette arrogance et ce mépris de la part des puissances économiques du nord, prêtes à co-opter un petit groupe d’élites dirigeantes de pays émergeants, qui a grippé le mécanisme de l’OMC.

Depuis 1995, Via campesina lutte et dénonce ces accords de libre-échange. De Seattle à Doha, en passant par Cancun puis Hong-Kong, Via campesina a manifesté dans les rues pour s’opposer à l’OMC. Selon Pascal Lamy, l’organisation qu’il dirige est dans un état d’hibernation. Nous espérons qu’il s’agit en fait d’un coma profond qui débouchera sur une mort rapide. Le libéralisme économique est comme une pieuvre, l’OMC étant la tête et les Accords de libre échange les nombreux tentacules qui continuent d’asservir les peuples. Via campesina va bien entendu poursuivre et amplifier la lutte contre le libéralisme en mettant tout son poids contre les dizaines d’accord de libre-échange qui sont entrain d’être élaborés au quatre coins de la planète. Via campesina prendra sa place parmi les organisations de la société civile pour continuer la bataille contre la libéralisation des échanges.

Parallèlement à sa stratégie de lutte, Via campesina a développé, avec de nombreux partenaires, une proposition alternative, la souveraineté alimentaire, pour sortir de la crise. La souveraineté alimentaire propose une gestion internationale des marchés agricoles basée sur la concertation et la responsabilité pour garantir un prix juste aux producteurs comme aux consommateurs. Le droit à la souveraineté alimentaire repose sur le renforcement de l’agriculture familiale et sur un accès juste aux moyens de production que sont la terre, l’eau, les semences, la formation et le crédit. Elle suppose le développement de l’agriculture vivrière et la mise en place de circuits courts de commercialisation.

La faillite de l’OMC ouvre de nouvelles perspectives pour les mouvements sociaux. Avec ses partenaires, Via campesina organisera au Mali, au mois de février 2007, le Forum Mondial pour la Souveraineté Alimentaire. Cette rencontre ambitieuse aura pour objectif d’une part, de préciser certains aspects de la souveraineté alimentaire, et d’autre part de réfléchir à un plan d’action global qui permettra de faire avancer ce nouveau droit des peuples tant au niveau des gouvernements que des instances de gouvernance internationale.

Déclaration de La Via Campesina

Genève, le 28 juillet 2006

http://www.viacampesina.org
Ecrit par rokakpuos, à 08:27 dans la rubrique "Actualité".



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