Joueb.com
Envie de créer un weblog ?
ViaBloga
Le nec plus ultra pour créer un site web.
Débarrassez vous de cette publicité : participez ! :O)

L'En Dehors


Quotidien anarchiste individualiste





Crée le 18 mai 2002

Pour nous contacter : endehors(a)no-log.org



D'où venons-nous ?


Nos références
( archives par thèmes )


Vous pouvez nous soutenir en commandant nos brochures :

Les éditions de L'En Dehors



Index des rubriques

Les collaborateurs et collaboratrices de l'En Dehors

Liens

A noter

Recherche

Archive : tous les articles

Session
Nom d'utilisateur
Mot de passe

Mot de passe oublié ?

Entre les USA et le Canada : histoire d'émigration et d'anarchie 3
Suite et fin du récit d'Attilio Bortolotti (1903-1995), enregistré au Canada en 1980, et qui couvre les vingt premières années de son histoire américaine.
Puis, en 1928, ce qui devait arriver arriva. En effet les fascistes voulaient nous faire défiler en chemise noire pour le Colombus Day, et ces imbéciles de commerçants - pour la plupart des pourris qui faisaient payer le double des autres - étaient justement ceux qui organisaient ces manifestations d'italianité. Alors nous avons organisé une contre-manifestation pour empêcher les fascistes de défiler en chemise noire.

Mais sur des centaines d'antifascistes nous nous sommes retrouvés à la fin à dix-huit contre cinquante soixante ordures en chemise noire. Quand l'orchestre commença à jouer nous les avons attaqués et celui qui avait le fanion s'est mis a tirer, tuant le camarade Barra et blessant Ventricchia. Mois j'avais attrapé un fasciste par les cheveux quand, au milieu des coups de feux et des sirènes de police, un camarade qui avait un magasin de fruits en gros m'a appelé sur le coté. Il s'appelait Mancini et il m'a caché pendant une heure sous des gros paniers de pommes, et puis il m'a dit de sortir... une heure après j'avais encore dans la main les cheveux noirs du fasciste. Malgré tout on continuait à faire de la propagande pour ce qu'il était possible de faire, même si les fascistes étaient toujours plus forts, d'autant qu'ils avaient en plus l'appui de l'Eglise.
[...]
Le 27 août, tous les ans, on organisait des réunions pour le souvenir de Sacco et Vanzetti. En 1929 s'était constitué un groupe anarchiste international qui avait décidé de les commémorer par une grande distribution de tracts.
Carter, un camarade de Cleveland, déclara qu'étant donné qu'il y avait un grand nombre d'immigrés illégaux, ces derniers ne pourraient pas participer à la distribution de tracts étant donné qu'à Detroit la loi l'interdisait. Mais ce jour là nous n'étions que trois pelés, et quand je suis allé en voiture apporter les tracts aux camarades je me suis énervé en voyant la situation, j'en ai pris un paquet et j'ai filé les distribuer à la sortie des ateliers.
C'est là justement que j'ai été arrêté par les flics et mis dans une cellule. [...] Après on m'a emmené à la prison du canton et soumis à un procès pour être expulsé ; après trois semaines de prison ils me déclarèrent expulsable vers l'Italie en application de la loi de 1903.
Au procès ils me demandèrent : «Tu crois en Dieu ?», «Non, je suis athée» ; «Tu crois que pour le bien d'une nation il faille un gouvernement ou bien es-tu un anarchiste ?», «Oui, je suis anarchiste»... si j'avais répondu non ils auraient du me libérer, mais tu sais comment c'est...Puis les camarades ont recueilli trois mille dollars pour la liberté provisoire en attente de l'expulsion, suite à quoi je suis retourné au Canada et j'ai disparu pendant un moment. [...]
Je suis allé à Toronto ou je ne connaissait personne, je savais seulement qu'il y avait quelqu’un de la Carnia qui avait travaillé avec mon frère.

Je suis arrivé avec une petite valise que j'ai laissé à la consigne de la gare et je suis sorti...heureusement j'ai tourné du bon coté et je me suis retrouvé dans la rue de l'université. Je me suis baladé entre les bâtiments de l'université et j'ai découvert entre autre une énorme bibliothèque ou les étudiants allaient travailler. Un peu plus loin, dans le Convocation Hall, j'ai vu une affiche qui disait que tous les Samedi il y avait une rencontre avec un professeur. Je décidais de rester là et je me suis trouvé une chambre avec deux finlandais pour quatre dollars par semaine. J'ai commencé à passer mes journées en bibliothèque à lire et parler avec les étudiants. Je mangeais dans un petit restaurant grec à 25 cents ou je liais d'amitié avec d'autres étudiants. Et puis le samedi j'allais aux conférences. Mais je fus contraint de trouver un travail, j'en trouvais un à quelques kilomètres de la ville. Je ne travaillais que trois jours par semaine : la crise de 29 avait déjà éclaté, mais je l'ai gardé pendant toute cette période. Et c'était une période de grandes restrictions : si je mangeais le matin je n'avais pas l'argent pour prendre le bus...

Ce fut à cette époque que j'ai rencontré l'ami de mon frère, le gars originaire de la Carnia, qui me dit qu'il y avait un subversif, de Trieste, qui parlait toujours de s'unir contre les fascistes.
Un soir il m'emmena le voir, mais dès les premières phrases j'ai compris qu'il s’agissait d'un communiste, et au bout de dix minutes de discussion je lui ai dit : «Tu es un communiste et pour moi tu es l'équivalent d'un fasciste».
Et puis j'ai rencontré un camarade : Nicola Leone. On s'est rencontrés un 1er août et nous sommes devenus amis lui et moi. Nous avons décidé tout de suite d'écrire et publier un tract, et bien que nous n'avions aucune idée d'ou se trouvait la communauté italienne nous avons décidé d'en imprimer mille exemplaires. Grâce à la soeur de Leone nous avons découvert qu'il y avait une communauté et nous y avons rencontré un socialiste marchigiano qui nous a accompagné chez Ruggiero Benvenuti, des Marches lui aussi, qui une fois dépassé la timidité initiale admit être un sympathisant anarchiste. [...] Apres avoir rencontré Ruggero et quelques autres nous avons commencé à fréquenter le Cercle Mazzini qui se rassemblait le dimanche, et nous avons demandé à en devenir membres.
La première réunion - il devait y avoir cent personnes - nous sommes entrés et nous avons commencé à poser des questions, et à intervenir sur ce qui se passait en Russie...et ce fut tout de suite l'affrontement.[...] Pour être plus organisés nous avons alors décidé de fonder un groupe international, comme nous l'avions fait à Detroit, et en 1931 nous avons fondé aussi une troupe de théâtre à l'exemple de celles qui existaient à New York et à Detroit.[...]
Puis, en 1934, Emma Goldman se transféra à Toronto. Depuis 1923 déjà j'avais commencé à lire ses livres mais ce fut en 1935 que nous sommes devenus amis.[...]

Avec le déclenchement de la guerre d'Espagne nous avons eu de nouveau l'occasion de faire beaucoup et d'influencer beaucoup de personnes : on récoltait des fonds pour la révolution espagnole et les sous passaient par Paris ou Marseille et allaient directement à la Fai ou à la CNT. A Bruxelles Mario Mantovani fut celui qui après la débâcle trouva les moyens pour envoyer les camarades en Amérique ou au Mexique. Toujours en 1939 Emma revint d'Espagne avec l'objectif non seulement de faire savoir la vérité sur les événements d'Espagne mais également celui de récolter des fonds pour aider les camarades enfermés dans des conditions misérables dans les camps de concentration du Sud de la France.
Nous avons organisé deux pique-niques pour des collectes et lors du dernier, le 20 août, Emma parla devant 400 personnes, dont 70% étaient italiennes. Emma fit un beau discours abordant les points essentiels et mettant en lumière comment la démocratie européenne s'était comportée vis-à-vis de la tragédie espagnole : qui cherchait la liberté trouva la mort. Nous avions aussi construit des jeux pour ramasser des sous et moi j'avais construit trois bonhommes avec un cercle rouge au milieu dans lesquels j'avais mis les visages de Hitler, Mussolini et Staline, avec Staline au centre. Vers trois heures passèrent les communistes, plus pour regarder qu'autre chose, et tout de suite nous nous sommes affrontés à cause de ce qui s'était passé en Espagne. Et puis nous sommes allé chez Emma boire un café et nous avons allumé la radio : la première nouvelle fut la signature du pacte entre Molotov et Van Ribbentrop. Quand la guerre éclata, il y eu immédiatement au Canada une censure du courrier.
Avec Mantovani nous avons essayé de donner un coup de main à tous ceux qui tentaient de s'échapper au Mexique. Moi j'étais d'accord avec quelqu’un des Alpes carniques, Luigi Mancini, que si des camarades arrivaient on les aurait aidés jusqu'à ce que l'on puisse les faire partir.
Après le début de la guerre les camarades commencèrent à arriver, mais peu après ce fut aussi le désordre dans le groupe de Toronto, car un camarade avait écrit quatre lettres, deux pour Genève, une pour Paris et une pour Bruxelles, et elles furent toutes interceptées. Au matin du 5 octobre les policiers fédéraux et locaux envahirent ma maison en me disant : «Lève-toi et mets tes vêtements du dimanche car tu ne va pas aller travailler pendant longtemps»...

La presse fit un peu de bruit, aussi parce qu'ils avaient trouvé deux pistolets sans gâchette. Un mois plus tard, quand un avocat qui défendait toujours les ouvriers apprit que j'étais anarchiste et ami d'Emma Goldman, il décida de défendre ma cause. Sa défense fut excellente - il fit perdre la face au procureur - mais malgré cela ils me refusèrent la liberté provisoire. Emma se donna du mal auprès de ses amis, parmi lesquels un pasteur protestant. Bien que je lui eu dit quelles étaient mes opinions, il m'assura qu'il m'aurait donné un coup de main. Le lendemain je fut convoqué par le conseil protestant : ils me demandèrent depuis combien d'années j'étais anti-fasciste et je répondis que je l'étais déjà avant la marche sur Rome ; alors ils se réunirent et déclarèrent : «Nous pensons que Bortolotti a plus de droits que nous de rester au Canada : lui il a combattu le fascisme depuis le début, tandis que nous nous devons encore commencer».
Je risquais donc la déportation en Italie, mais peu après éclata la deuxième guerre mondiale. Nous fumes tout de suite contre la guerre. Nous cherchions à parler avec tous les jeunes pour les inviter à boycotter la guerre et à ne pas partir pour le front. Et nous avons continué en paroles et en actes à être contre la guerre, en aidant concrètement les déserteurs, même ceux américains qui s'enfuyaient au Canada. En fait toute cette période nous l’avons passée occupés à faire un très beau travail antimilitariste.

Texte original en italien publié dans le numéro 24 du bulletin
du Centre d'Etudes Libertaires - Archives Centre Pinelli.
http://www.centrostudilibertari.it/

Traduction Rokakpuos

Première partie
Deuxième partie
Ecrit par rokakpuos, à 12:13 dans la rubrique "Culture".



Modèle de mise en page par Milouse - Version  XML   atom