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L'islamophobie ou le fournisseur officiel du racisme officieux
Lu sur ainfos : " En rétrospective à la lutte contre la loi sur le voile, nous republions un texte paru sous une première version en décembre 2004. Pourquoi "s'acharner" à revenir sur une affaire du "passé" alors que la lutte du moment semble être d'un autre domaine ? La "bataille du voile" et la "bataille du CPE" pourraient avoir plus de liens contrairement à ce qu'un a priori pourrait laisser croire... Ne serait-ce d'abord que parce qu'elles ont les mêmes protagonistes qui se font les tenants d'une logique de domination "implacable" qui s'appelle l'Etat. Ne serait-ce aussi que parce les discours qui appuient cette logique sont relayés par une armée de journalistes incitant sans cesse à la résignation. Certains de ces journalistes ont même bradé leur passé soixantehuitard, confondant sans doute "faire table rase du passé colonial, capitaliste, sexiste..." et "faire table rase de leur passé révolutionnaire". D'ailleurs, au fond, ceux d'entre eux qui ont pris quelque "liberté" éditoriale en fustigeant le gouvernement, ont sans doute dû trouver le cpe, au début, comme une mesure "sympa". Constater qu'on est largement dépassé par celles/ceux à qui on est censé pourtant imposer un rythme de rumination, impose quelque remaniement de ligne éditoriale. Le texte que nous proposons ici peut être lu comme une invitation à la convergence des luttes sociales. La "bataille du voile" fut l'occasion du dépassement de la question d'un "fichu" pour démontrer la persistance des structures racistes et patriarcales, sexistes et coloniales. La "bataille du cpe" doit être de cet ordre. Dépasser la question même du "cpe" pour remettre en question l'ordre du travail. Dès lors que nous élargissons les domaines de lutte, c'est tout un engrenage qui s'emmêle et qui s'en mêle pour mettre sérieusement le doigt dans l'Engrenage. Nous arrivons alors à faire plus clairement le lien entre le salariat jetable imposé par des mesures patronales comme celles du cpe, et l'immigration jetable menée par des politiques racistes comme le projet de loi « CESEDA » que le gouvernement s'apprête à adopter en douce dans le contexte du "cpe". Comme dit l'autre, il ne s'agit pas de savoir à quelle sauce nous voulons être mangé-e-s ; il s'agit de savoir dans quelle société nous voulons exister.
Virons, dé(con)truisons, construisons ! ___________


L'islamophobie ou le fournisseur officiel du racisme officieux
par Kandjare Bayn Asnan (collectif On lâche pas l'affaire)


Vendredi 24 octobre 2003. Sur la chaîne de télévision Bouygues-LCI. Claude Imbert éructait son racisme en toute quiétude. Sûr de sa probité, il ne faisait là “que” revendiquer sa “tendre” islamophobie dans un contexte où se dessinait l'enjeu d'une loi excluant des filles voilées de l'école. Claude Imbert, c'est un peu l'exemple du gratin politico-médiatique, un plat qui renifle le roussi mille lieux à la ronde. Membre du “Haut Conseil à l'Intégration”, cette éminence grisée d'islamophobie est aussi directeur d'un de ces puissants médias si fidèles à l'idéologie capitaliste : l'hebdomadaire Le Point. Propos :

« Il faut être honnête. Moi, je suis un peu islamophobe. Cela ne me gêne pas de le dire [...] Nous avons le droit de combattre le racisme, d'accepter une pratique paisible de l'islam. Et j’ai le droit, je ne suis pas le seul dans ce pays à penser que l’islam - je dis bien l’islam, je ne parle même pas des islamistes - en tant que religion apporte une débilité d’archaïsmes divers, apporte une manière de considérer la femme, de déclasser régulièrement la femme [et] en plus un souci de supplanter la loi des États par la loi du Coran, qui en effet me rend islamophobe. »


Il précisait plus loin que « la religion chrétienne [le] gênait moins parce qu'elle n'a pas cette prétention ». « Il n'y a aucune raison sous le prétexte de la tolérance de s'abaisser jusqu'à renier des convictions profondes », ajoutait-il.

Si on reproche à l'islam d'être une religion qui tente d'appliquer tous ses préceptes dans le champ de la vie quotidienne, pourquoi ne le reproche-t-on pas non plus aux autres religions qui s'immiscent aussi intégralement dans les domaines sociaux temporels. L'enjeu d'une religion est de s'ériger en système. Sa raison d'être est d'ordre profondément politique : tenter de s'épancher dans tous les domaines où les individus se débattent. On nous fait croire que depuis la loi sur la séparation de l'Église et de l'État en 1905, la religion chrétienne a cessé de se développer dans le domaine public pour se confiner dans des sphères intimes et purement “spirituelles”. C'est oublier de considérer que même l'intime a des répercussions politiques. Des préceptes comme le mariage, l'hétéro-normalité, la culpabilisation, la punition, le jugement moral, etc., sont loin d'être effacés des consciences et des pratiques collectives. Or, ces préceptes sont aussi (et peut-être avant tout) des formules religieuses ancrées dans l'héritage des sociétés qui se disent “laïques” ou que je préfère appeler “post-religieuses”, dans la mesure où elles n’ont pas tout à fait abandonné avec le fait religieux en dépit des
apparences. Le problème n'est pas ici de s'en prendre à une seule religion. Ce serait l'arbre qui cacherait la forêt... Le problème est plus structurel que cela, tant les mécanismes sous-terrains des religions perdurent, y compris lorsque ces religions disparaissent des champs du visible ecclésial et du consommable liturgique…[1]

Or, Claude Imbert avoue ici que la “religion chrétienne”, pour lui, est “moins gênante” que l'islam. Pour étayer cette affirmation, il n'hésite pas à élever ce christianisme qu'il chérit tant, au rang de religion antisexiste et ne désirant pas s'immiscer dans les sphères publiques. Tout le contraire de l'islam, quoi. Comme tout bon petit (et grand) soldat du journalisme[2], notre “cher” Imbert va aussi vite qu'une formule 1 en besogne, et oublie d'aller vérifier ses dires. Pour le contrer, nulle besoin d'aller bien loin. Sans doute Claude Imbert ignore (ou feint d'ignorer) le propos unanime des papes et de la plupart des clergés chrétiens sur la condamnation de l’avortement et du préservatif. Sans doute Claude Imbert ignore (ou feint d'ignorer) les enjeux théocratiques des Églises chrétiennes, qui ont jalonné l'histoire de l'Occident. Par ailleurs, ces enjeux ressurgissent dans le monde contemporain quand la situation politique le permet comme dans l'Italie actuelle où le gouvernement Berlusconi n'hésite pas à accueillir des conseillers du Vatican[3]. Le Vatican, qui rappelons-le, est un État de tout ce qu'il y a de plus séculier, puisqu'il siège à l'ONU, alors qu'il est en même temps le porte-parole d'une religion, le catholicisme[4]. En novembre 2002, le pape put faire de nouveau la démonstration de cette large autorité en prononçant un discours devant le parlement italien, l'occasion, pour lui, de rappeler les principes chrétiens censés régir la vie quotidienne (amour de la famille, de la procréation, de l’anti-avortement, etc.)[5].
“L'affaire Buttiglione” est venue par la suite apporter sa contribution pour illustrer les affres de ces liens politico-religieux en cette Europe contemporaine si “sentimentalement” attachée au christianisme. Ce ministre italien des Affaires européennes fut proposé, en août 2004, par Silvio Berlusconi, pour être le commissaire désigné aux “libertés, à la sécurité et à la justice” de la Commission européenne. La notice oubliait de préciser que Rocco Buttiglione est aussi l’un des fondateurs de Communion et libération, un mouvement réactionnaire italien très proche des milieux ultra-catholiques américains qui gravitent autour du président Bush[6]. La
réaction n'a cependant pas tardé à se signaler, tant ce bon notable était généreux en incantations homophobes et sexistes : « La famille existe pour que les femmes puissent avoir des enfants et puissent être protégées par un mâle. C’est la vision traditionnelle du mariage que je défends » ; « (Le SIDA est un) châtiment divin pour punir l’homosexualité et l’usage de la drogue »[7]... En matière de « souci de supplanter la loi des États par la loi » d'un livre sacré, le christianisme et les États européens sont plutôt bien placés, non ?

Autre exemple : dans son projet de Constitution européenne, le PPE (Parti populaire européen, rassemblant les partis de droite, majoritaires au Parlement européen), insiste sur « ce que l’Europe doit à son héritage religieux »[8]. Propos qui viennent en droite ligne alimenter les prémices du “débat” concernant l'entrée (ou plutôt le refus de l'entrée) d'un pays de tradition musulmane comme la Turquie dans l'Union européenne.

Jusqu'ici n'a été évoqué que le contexte institutionnel européen. À ceux/celles qui préfèrent se focaliser à une échelle franco-française, peut-on leur rafraîchir la mémoire en évoquant l'agitation réactionnaire autour de la création du Pacs en 1998-1999, contexte qui a vu des défilés d'opposant-e-s qui en appelaient au meurtre, par le bûcher, des gays et des lesbiennes, ces autres “sorcières” de la norme sociale ? Toujours pour mémoire : ces défilés n'étaient pas seulement le fait d'une frange intégriste discrète ; ils avaient des chef-e-s de file qui siégeaient et siègent encore dans les instances de la république, et parmi eux/elles, une certaine Christine Boutin, députée et présidente d'une association (Alliance pour les droits de la vie) proche de l'organisation réactionnaire Opus dei, et ouvertement contre l'avortement et l'usage du préservatif.

En outre, si le Coran a sans aucun doute des prescriptions incitant à la domination patriarcale, on ne peut que mépriser la malhonnêteté intellectuelle de ceux qui, comme Claude Imbert, refusent d'élargir l'analyse à d'autres religions, notamment au christianisme. En guise d'illustration, voici quelques citations très peu équivoques, extraites de la Bible et d'écrits de théologiens chrétiens. Gageons que celles-ci ont dû laisser, en Occident, quelques séquelles en matière de sexisme :

« Soyez soumis les uns aux autres dans la crainte du Christ. Que les femmes le soient à leurs maris comme au Seigneur : en effet, le mari est le chef de sa femme, comme le Christ est chef de l'Église, lui le sauveur du Corps; or l'Église se soumet au Christ ; les femmes doivent donc, et de la même manière, se soumettre en tout à leurs maris. », “Lettre aux Éphésiens” (5:21-24), Le Nouveau Testament.


« La femme est la porte de l'enfer », Tertullien (né en 155).


« La femme est l'instrument qu'emploie le diable pour posséder nos âmes », Saint Cyprien (210 - 258).
« Les femmes sont des démons qui font entrer en enfer par la porte du paradis », Saint-Cyprien.


« Homme, tu es le maître, la femme est ton esclave : c’est Dieu qui l’a voulu », Saint-Augustin (354-430).

« Les femmes n'ont qu'à se souvenir de leur origine, et sans trop vanter leur délicatesse, songer après tout qu'elles viennent d'un os surnuméraire où il n'y avait de beauté que celle que Dieu y voulut mettre », Bossuet, évêque de Meaux (1627-1704).


Claude Imbert, tout “laïc” qu'il était, n'en restait pas là pour autant. Car il pouvait aussi justifier son islamophobie en invoquant “maître” Voltaire et “maître” Houellebecq :

« L'islamophobie, depuis les Lumières — et de Voltaire à Houellebecq — se porte bien et ne mérite en rien d'être ostracisée. On peut combattre le racisme, respecter la pratique privée, paisible de l'islam et garder, je l'espère, la liberté intellectuelle de résister non seulement à l'islamisme, mais à l'islam lui-même, la liberté de dénoncer ses obscurantismes, son déni des vérités scientifiques [et] a fortiori, ses tentatives de défier, à l'école, [la] laïcité. »


En terme de « déclassement régulier des femmes », ces deux-là pourraient pourtant se targuer de posséder un riche catalogue. Dans ses romans, qui ne sont rien d'autre que des textes en premier lieu autobiographiques, Michel Houellebecq rend les feministes coupables de son malaise de dominant remis en question par les luttes antipatriarcales. Les femmes sont pour lui presque toutes des “salopes”, et les femmes voilées, des « gros tas de graisse informes qui se dissimulent sous des torchons » (Plateforme). La “musulmane” ne peut alors être pour Houellebecq que l'incarnation de ce qu'il qualifie ouvertement comme « la religion la plus con » (dans un entretien avec le magazine pivotien Lire). Et lorsqu'il tente de rattraper le tir, il se fait le chantre colonial de la blanche et bohême bourgeoisie, espérant ainsi voir passer la “musulmane” du “bon” côté de la barrière et “la” voir rembarrer violemment ses « cons » de père et frères qui ont en plus la “tare” d'être « pauvres » (Plateforme).
C'est alors seulement que la “musulmane” pourra compter aux yeux du héros houellebecquien. Mais ce qu'attend alors le héros houellebecquien de la “musulmane”, c'est ce qu'attend Houellebecq de toute femme : être un gros tas baisable : « intellectuellement, je parvenais à éprouver une certaine attraction pour le vagin des musulmanes » (Plateforme)[9].

Quant à l'autre philosophe médiatique des Lumières, bouffon des despotes européens à ses heures éclairées, il pouvait aussi être très “charmant” :

« Les femmes ressemblent aux girouettes : elles se fixent quand elles rouillent », Voltaire (1694-1778).


« La femme coquette est l'agrément des autres et le mal de qui la possède » (du même auteur).


« Le seul secret qu'une femme puisse garder, c'est celui de son âge », (toujours lui).


« La femme est un être qui s'habille, babille et se déshabille », (encore lui).



Claude Imbert cultive donc ce qu'on pourrait appeler l'art de l'abus de référence (voir aussi le texte qui suit en annexe). Au-delà de cette malhonnêteté intellectuelle, l'islamophobie affichée sans vergogne sur les plateaux de télévision, est d'une habilité bien commode. Elle sert d'habillage idéologique à un racisme que beaucoup d'intellectuels ont trop longtemps retenu par enjeu de respectabilité. Dire qu'on « déteste l'islam » est quand même plus chic que dire « mort aux bougnoules ». Il fut un temps où Claude Imbert était peut-être un peu plus explicite que cela. En tout cas, il est de ces partisans de l'exclusion qui officient depuis le début des années 1990 et l'émergence de la première “bataille du voile” en 1989. Le vœu d'une loi contre le foulard à l'école résonnait déjà. Claude Imbert fourbissait alors ses armes en mettant ouvertement sur un même plan “voile” et “immigration”, ces deux mamelles d'un “cheval de Troie” rongeant soi-disant la France en ces temps de folle célébration d'un bicentenaire républicain, de fin officielle de la lutte des classes et de régime médiatico-policier qui achève la mise au pas de l'expérience révolutionnaire de 68 :

« De même que les vannes grandes ouvertes à cette immigration incontrôlée auront jadis noyé l'espoir d'une intégration patiente, harmonieuse et réussie, de même la reculade de l'école publique devant les tentations envahissantes de l'islam laisse installer, au cœur du principe républicain, un germe pourrissant. Ne pas dénoncer aujourd'hui ce vice politique, c'est perpétuer l'inconscience de ceux qui, depuis plus de vingt ans, ont fait de l'évitement et de la dérobade une méthode de pouvoir. C'est entretenir, dans les tréfonds de la société française, une poche de grisou qui explosera un jour ou l'autre »[10].


Il est certain que si cette "poche de grisou" explosait, Claude Imbert et ses nombreux accolytes baignés de racisme b.c.b.g. et b.o.b.o., auront beaucoup contribué à allumer la mèche...

décembre 2004 (retouché en mars 2006)
Kandjare Bayn Asnan
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Notes

[1] Encore qu'il faudrait se pencher beaucoup plus que cela sur cette distinction entre "religion" (concept lié à la croyance en une transcendance) et "intégrisme" (concept désignant plutôt la volonté de faire de cette croyance quelque chose qui régit l'intégralité des existences individuelles). On peut néanmoins lancer des pistes de réflexion en remarquant que la limite entre ces deux termes peut être très floues, surtout si les variations des éléments qu'ils peuvent avoir en commun ne sont pas prises en compte. Il y a du "vrai" quand on dit qu'il n'y a pas d'intégrisme sans religion. Sauf qu'entre les deux, il y a tout un monde de variation fait d'application de dogmes, d'enjeux de conviction personnelle, collective et eschatologique (d'un soi-disant salut final), et d'érection ou non d'une croyance en système de pensée et de pratique. Et toute la problématique autour de laquelle se construit une "laïcité", réside dans la considération de toutes ces variations...

[2] Pour une radioscopie de la "meute" journalistique, voir François Ruffin, Les petits soldats du journalisme, Paris, Les Arènes, 2003.

[3] Si on veut s'amuser à remonter le plus loin possible dans les confins de la théocratie chrétienne, on peut consulter cet ouvrage : Marcel Pacaut, La Théocratie. L'Église et le Pouvoir au Moyen Âge, Paris, Desclée, 1989. Sans aller aussi loin : « Italie : Le pape demande des mesures sociales adéquates en faveur de la famille », http://www.zenit.org/french/visualizza.phtml?sid=11284 ou encore, « L'Église catholique sur tous les fronts en Italie... », http://www.le-national.com/breves46.html.

[4] Pour être plus précis, c'est le Saint-Siège (ensemble des institutions de l'Église catholique romaine) et non l'État de la Cité du Vatican qui dispose d'un siège d'observateur à l'ONU. À ce titre, le catholicisme est la seule religion qui soit officiellement représentée à l'ONU en tant que telle (source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Vatican).

[5] Stéphane Arlen, « Dieu dans la Constitution européenne ? Le pape en Italie : spectacle et propagande », 18 novembre 2002, http://www.fairelejour.org/article.php3?id_article=12.

[6] Et en matière de théocratie, les USA ne sont pas en reste, à en croire Tom Delay, chef du groupe républicain à la chambre des représentants : « Dieu a placé George Bush à la Maison-Blanche et se sert aujourd'hui de lui pour promouvoir une vision biblique du monde ». [ http://atheisme.free.fr/Citations/Bible.htm]

[7] http://www.temoignagechretien.fr/journal/article.php?num=3128&categ=Croire

[8] Stéphane Arlen, op. cit.

[9] Pour un petit décryptage de cette imposture médiatique que constitue Houellebecq, voir David Zerbib, « Houellebecq, routard de la pensée dominante ? », L'Humanité, 7 septembre 2001 ; « Houellebecq, écran publicitaire. Plateforme de la publicité », http://echo.levillage.org/160/2272.cbb ; Mona Chollet, « Aïcha et les
“gros tas”. Fortune médiatique des “Ni putes, ni soumises” et des filles voilées », Périphéries, 30 octobre 2003, http://www.peripheries.net/e-voile.htm.

[10] Claude Imbert, Le Point, 10 septembre 1994 [cité par Thomas Deltombe, L'Islam imaginaire. La construction médiatique de l'islamophobie en France, 1975-2005, Paris, La Découverte, 2005, p. 220].

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Annexe

Imbert n'a pas lu (du) tout Voltaire

Sur « l'islamophobie » que Claude Imbert prête à Voltaire, ce dernier pourrait lui-même le désavouer formellement. Dans Catéchisme de l'honnête homme (1763), même si Voltaire passe au crible les religions du livre, il passe la plus grosse partie de son texte à s'en prendre au catholicisme, la religion dominante dans le contexte où l'auteur s'établit. Il n'hésite pas pour cela à exprimer une relative préférence pour les protestants et
leur reproche fait à la tradition romaine d'avoir dévoyé le message évangélique d'origine : « C'est peut-être celle [la religion protestante] que j'adopterais le plus volontiers, si j'étais réduit au malheur d'entrer dans un parti (...] Il me semble qu'elle se rapproche plus de sa source que la religion romaine, qu'elle n'adopte que ce qui se trouve expressément dans l'Évangile des chrétiens, tandis que les Romains ont chargé le culte de cérémonies et de dogmes nouveaux »[a]. Ce raisonnement puriste, il le confond aussi dans l'islam pour lequel il marque également sa préférence vis-à-vis du catholicisme : « Encore la religion musulmane est-elle après douze cents ans ce qu'elle fut sous son fondateur : on n'y a rien changé. Les lois écrites par Mahomet lui-même subsistent dans toute leur intégrité. Son Alcoran est autant respecté en Perse qu'en Turquie, autant dans l'Afrique que dans les Indes ; on l'observe partout à la lettre ; on ne s'est divisé que sur le droit de succession entre Ali et Omar. Le christianisme, au contraire, est différent en tout de la religion de Jésus »[b].

On remarque d'ailleurs que ce raisonnement puriste tourne vite chez Voltaire à l'obsession universaliste. On peut le voir dans ce passage où il tarit presque d'éloge l'islam qu'il voit comme un bloc religieux unitaire et transnational (du bon usage du panislamisme pourrait-on s'amuser à dire). À travers cette obsession, le catholicisme fait figure de mauvais élève : « J'ai cent fois souhaité que Jésus-Christ, en venant s'incarner en Judée, eût réuni toutes ces sectes sous ses lois »[c] ; « Toute la terre était alors divisée en petites associations, égyptiennes, grecques, syriennes, romaines, juives, etc. (...) Presque toutes les sectes se sont ainsi établies, excepté celle de Mahomet, la plus brillante de toutes, qui seule, entre tant d'établissements humains, sembla être en naissant sous la protection de Dieu, puisqu'elle ne dut son existence qu'à des victoires. »[d].

Dans la citation qui précède, on ne peut pas dire qu'il s'agit d'un tour de passe ironique pour ridiculiser l'islam. L'évocation de ce « Dieu » qui, selon lui, semble avoir protégé la naissance de l'islam, n'est pas considérée à la légère. Voltaire, même s'il développa une théorie de l'anticléricalisme, était loin d'être athée. Il n'était pas même de ces agnostiques[e] qui attendent de voir pour croire. Voltaire est déiste. Il croit à un « Dieu » et lui voue un culte ; ceci est dit d'entrée par l'entremise de « l'honnête homme » : « J'adore Dieu »[f].

Ce déisme se situe aux confins de la métaphysique de Descartes et de la mystique franc-maçonne. C'est l'idée d'un « Dieu » géomètre, un « Dieu » qui se retire du monde qu'il aurait orchestré, une espèce de grand architecte à la Matrix. Ce que Voltaire reproche alors aux autres religions, c'est d'avoir introduit de la superstition dans cette orchestration. Il tente alors le paradoxe (que d'autres avant lui avaient déjà tenté) d'une « Transcendance » qui se voudrait « rationnelle ». Dès lors, ce vœu d'une religion déiste est appuyé par son obsession universaliste. Ce « Dieu », du fait de sa rationalité supposée, a tout ce qu'il faut pour être au final « le Dieu », « l'Unique ». Une entité qui devrait s'imposer, selon lui, à toute personne :

« Adorons Dieu sincèrement, simplement, et ne trompons personne. Oui, il faut une religion ; mais il la faut pure, raisonnable, universelle : elle doit être comme le soleil, qui est pour tous les hommes et non pas pour
quelque petite province privilégiée »[g].


« ce n'est point aux hommes que je dois m'adresser, c'est à Dieu seul : il parle à tous les cœurs ; nous avons tous un droit égal à l'entendre. La conscience qu'il a donnée à tous les hommes est leur loi universelle »[h].


« j'ajoute qu'étant homme je vous propose la religion qui convient à tous les hommes, celle de tous les patriarches, et de tous les sages de l'Antiquité, l'adoration d'un Dieu, la justice, l'amour du prochain, l'indulgence pour toutes les erreurs et la bienfaisance dans toutes les occasions de la vie. C'est cette religion, digne de Dieu, que Dieu a gravée dans tous les cœurs ; mais certes il n'y a pas gravé que trois font un, qu'un morceau de pain [l'hostie, ndlr] est l'Éternel, et que l'ânesse de Balaam a parlé »[i].


Au fond, après avoir critiqué l'oppression religieuse à partir d'une analyse des religions du livre, Voltaire ne fait rien moins que proposer une religion qui laisse dessiner les lignes d'une entreprise de domination sous couvert de rationalité et d'universalité. C'est du pur irrationnel (pour reprendre sa terminologie puriste), ce qui est peut-être le propre de toute métaphysique (j'en profite pour faire un peu de propagande athée).

Ce paradoxe est par ailleurs souligné autrement. Dans le Catéchisme de l'honnête homme, Voltaire renoue avec une vieille ficelle du folklore orientaliste qu'il aime bien mettre en scène dans ses contes depuis au moins Zadig (1747). La discussion imaginaire entre « l'honnête homme » et « le caloyer » se déroule ainsi à Alep, en Syrie. Le tableau est volontairement placé dans l'espace géographique musulman, un espace qui semble refléter pour lui l'idéal où s'appliquent les thèses qu'il exprime la même année dans son Traité sur la tolérance (1763). C'est d'ailleurs au caloyer à qui revient le rôle de poser le décor. Celui-ci accoste « l'honnête homme » en lui demandant de quelle chapelle il accourt au milieu d'un fatras religieux présenté comme une richesse symbolique : « (le caloyer) Puis-je vous demander, Monsieur, de quelle religion vous êtes dans Alep, au milieu de cette foule de sectes qui sont ici reçues, et qui servent toutes à faire fleurir cette grande ville ? Êtes-vous mahométan du rite d'Omar ou de celui d'Ali ? Suivez-vous les dogmes des anciens parsis, ou de ces sabéens si antérieurs aux parsis, ou des brames, qui se vantent d'une Antiquité encore plus reculée ? Seriez-vous juif ?
Êtes-vous chrétien du rite grec, ou de celui des Arméniens, ou des cophtes ou des Latins ? »[j].

Dans ce contexte, il est difficile de croire que la prétendue islamophobie de Voltaire à laquelle se réfère Imbert, ressemble à la considération, certes idéalisée, que pouvait avoir Voltaire du monde musulman dans ce
texte. On est en tout cas loin de l'image qu'il aurait pu donner du prophète de l'islam dans sa tragédie de 1741, Mahomet – par ailleurs, d'aucuns ont pu dire que l'auteur a surtout profité de cette pièce pour adresser une critique en filigrane à l'Église catholique, voire aux jansénistes, qui en tout cas ont cru lire entre les lignes et ont fait en sorte de perturber les représentations publiques de la pièce jusqu'à les empêcher. Dans cet autre monde musulman, on peut tomber sur un moine grec qui affiche ouvertement son appartenance minoritaire sans être réprimé, et avec qui on peut débattre calmement en confrontant des croyances religieuses, y compris quand on est « seulement » déiste :

« Quoi donc ! Ne pourrai-je faire en Europe comme ici : adorer paisiblement le Créateur de tous les mondes, le Dieu de tous les hommes, celui qui a mis dans mon cœur l'amour de la vérité et de la justice ? »[k].


La réplique serait d'ailleurs facile à donner aux islamophobes actuels qui se réfèrent à Voltaire pour balancer de grossières affirmations comme quoi « l'islam serait incompatible avec la laïcité ». Le “maître” auquel ceux-ci se réfèrent ne fait rien d'autre que décrire un monde musulman comme étant le territoire idéal d'une expérience de la laïcité. Un territoire que l'Europe des despotes est invitée à suivre, les plus éclairés dans cette histoire étant alors les « Turcs » :

« (le caloyer) Je déteste la persécution, la contrainte, autant que vous ; et grâce au ciel, je vous ai déjà dit que les Turcs, sous qui je vis en paix, ne persécutent personne. » « (l'honnête homme) Ah ! puissent tous les peuples d'Europe suivre l'exemple des Turcs! »[l].


Toutefois, derrière toute cette idylle, surgit un versant paradoxal déjà évoqué. « L'honnête homme » vient trouver à Alep les conditions favorables à l'expression sereine de son déisme parmi d'autres croyances. Mais en même temps, l'universalisme acharné qui émane de ce déisme, relève d'un enjeu uniformisant qui déplore la dispersion des formes métaphysiques (voir plus haut). Par cette religion rationalisante que Voltaire veut
promouvoir, c'est la disparition du mythe d'Alep et de son idéal de tolérance qui est annoncée. Grâce à Voltaire et à son universalisme, on a le parfait exemple d'un discours sur la tolérance capable de réactiver
l'intolérance (disons plutôt la domination), et d'une théorie de la rationalité qui débouche sur l'irrationnel. C'est ce qu'ont surtout décidé de retenir, depuis plus de deux cents ans, les partisans du dogme républicain...

avril 2006
K.b.A.
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Notes

[a] Voltaire, Catéchisme de l'honnête homme, 1763, p. 28-29 [éd. Mille et une nuits, 1996]. Les prises de position de l'auteur sont relayées ici par l'entremise de « l'honnête homme » qui donne la réplique à un autre personnage : « le caloyer » (moine grec du mont Athos).

[b] Ibid., p. 21-22.

[c] Ibid., p. 14.

[d] Ibid., p. 21.

[e] À ce titre, Frantz-Olivier Giesbert est un peu à côté de la plaque dans la tribune qu'il écrit une semaine après la déclaration télévisuelle de son ami Claude Imbert. Pour lui venir en aide, il le décrit comme un "agnostique voltairien" (Le Point, 31 octobre 2003). Il va même jusqu'à y mettre tout son cœur en le glorifiant d'être un "arabophile notoire". L'émoi rendant peu regardant, il est alors facile d'oublier que même des gens comme Le Pen ou des colons sont "arabophiles", car eux-aussi aiment les Arabes... surtout quand ils sont "chez eux" et qu'ils ne se révoltent pas [source : Thomas Deltombe, L'Islam imaginaire... op. cit., p. 311-312].

[f] Voltaire, Catéchisme de l'honnête homme, op. cit., p. 7.

[g] Ibid., p. 26.

[h] Ibid., p. 30.

[i] Ibid., p. 31.

[j] Ibid., p. 7.

[k] Ibid., p. 27.

[l] Ibid., p. 31.
Ecrit par patrick83, à 14:18 dans la rubrique "Pour comprendre".



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