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L'En Dehors


Quotidien anarchiste individualiste





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Un récit perso de l'occupation de l'EHESS
Lu sur Anarkhia. 19h dans l'amphi, 400 personnes au moins se trouvent là, ensemble. Le bouche à oreille a fonctionné : à l'E.H.E.S.S., il se passe un truc étrange et inédit. Plein de gens y vont et discutent. On y examine le monde pas comme d'habitude. Les gens sont venus : étudiants, intermittents, chercheurs, professeurs, salariés, Rmistes, militants… Impossible de faire la liste tant les catégories pourraient être nombreuses et en définitive peu significatives au regard de ce que ces gens ont fait ensemble, c'est-à-dire, avant tout se retrouver là. En somme, nous étions tous des « pas content ». Mon père m'a souvent dit « que la vie est un gros tas de merde, dont on en mange un petit peu tous les jours », et bien ces gens en ont eu assez de cette merde et se sont retrouvés à l'EHESS pour la chier une bonne fois pour toute.



Pas de tribune dans cette sorte d'AG, pas de président ni de tour de parole. Nous fumons. Sur le tableau est écrit : « PAS DE PHOTO », « salle 7, deuxième étage ouverte », bientôt elles le seront toutes. La discussion est tournée vers l'action. Il s'exprime. Tout le monde l'écoute, puis un autre, et une autre…. Celui là la ramène trop, des voix s'élèvent pour lui demander de cesser de prendre la parole à tout va. Et puis ça continue : « faisons péter les standards téléphoniques des entreprises et de la police, c'est tout simple, il suffit de… », « Appelons à la grève générale ! », « Et au blocage surtout », « il faut bloquer l'économie, les voix de circulation, ce système ». « ce qui se passe ici est inédit, il faut qu'on fasse quelque chose de cette assemblée », « je propose le blocage du périphérique », « oui, c'est une bonne idée mais il ne pas faut laisser les gens se faire chier dans leur voiture, comme il pourrait le faire dans leurs bureaux, ils faut qu'on leur donne un truc à lire par exemple », « il serait nécessaire d'écrire ensemble un texte qui nous représenterait, pour expliquer qui nous sommes », « en petits groupes alors, on en fait plusieurs et on les soumet à l'assemblée des luttes », « non, on ne fait pas de vote !, c'est pas l'AG de la Sorbonne ici ! On va pas voter pour savoir si on vote ou pas ! ! ! Et finir par dire qu'il y a des gentils et des méchants manifestants ».

Quelqu'un porte un nez rouge.

Le CPE est un symptôme et on en parle peu ici, car tout le monde l'a compris depuis longtemps. Une maladie nous pourri et nous suce. Elle s'appelle capitalisme. Elle s'appelle illusion du distributeur de billets, illusion du fric à volonté. Elle s'appelle actionnaires qui s'en mettent plein les poches grâce aux mains et aux cervelles de milliers de gens qui luttent sur le marché pour se loger, manger, rêvant de toujours plus et de toujours mieux, obsédés à l'idée de gravir les marches pour atteindre un jour le sommet de la pyramide sociale.

Je ne veux pas être riche. Je ne veux pas engraisser mon proprio et lui payer ses vacances à Disney land. Je veux avoir un petit jardin, un arrosoir à remplir, voir mes salades pousser et qu'on arrête de m'en raconter. Je veux que les gens cessent de m'emmerder avec le fric que je n'aurais pas avec ma formation de sociologue. Cette putain de maladie… j'ai le sentiment de passer mon temps à produire des anticorps, à faire de la résistance intellectuelle et psychique pour ne pas la choper. C'est fatiguant et stressant. Je clope tout le temps.

« L'EHESS a été saccagé » disent les médias… oui, on peut dire ça, effectivement. Les serrures ont sauté, les portes se sont ouvertes et l'esprit s'est promené. Il a visité et voyagé en terre inconnue. Les tristes murs ont été tapissés d'éphémères idées que recouvrira demain de blanc l'institution. Notre tête est une usine. Notre pensée travaille à la chaîne, elle se répète. Parfois elles déraillent et nous réparons le disfonctionnement avec notre analyste. Mais ici, la mécanique éclate. Elle ne produit plus avec la même logique. C'est de la rationalité à temps partiel. Sur ces murs, la vie se raconte. Le refus, la lassitude, la révolte. L'idée se construit avec le marqueur dans la main. Pas le temps de penser si ce que je vais écrire est bien ou mal. J'exprime vite, avant qu'elle ne m'échappe, et fait sauter provisoirement le mécanisme d'autocensure. Je lis ce que d'autres ont écrit. Ca me fait réfléchir. Je reste parfois septique. Je ris de la légèreté qui s'affiche. J'écris : « détruire la forme et agiter le fond ». Je m'assois face à un mur encombré de mots et regarde. C'est fantastique cette superposition d'humanités. Je n'ai vu nulle part ailleurs une expression si spontanée et variée.

« Des ordinateurs ont été volés » disent encore les médias… à priori, oui. Peut être ont-il été destinés au business souterrain. Mais si ce commerce existe c'est que nous assistons tous au spectacle technologique que la pub nous présente comme accessible à tous. Nous ne faisons, en réalité, que baver devant, dans l'attente du premier jour des soldes ou jusqu'à ce que notre voisin nous propose un bon plan venu de l'E.H.E.S.S.

Au deuxième étage, dans une salle, une 50aine de gens discutent, s'affrontent, partagent leur vision du monde. C'est du haut niveau. Toute la réalité est moulinée, travaillée au corps. Au 4ème, un groupe prépare du riz et du potage. Ils sont allés au marché faire de la récup. Les gens se promènent avec leurs assiettes, passent le mot dans les couloirs « il y a à manger au 4ème ». Deux grandes bassines pleines d'eau sont posées sur une table. J'y plonge ma gamelle et ma cuillère et frotte. Dans l'escalier, résonnent les voix des trois femmes. C'est beau le chant lyrique. Je me promène. « Je peux te taper une clope s't plait », « ouais tiens ». Un homme dans un fauteuil roulant est au 2ème, l'ascenseur ne marche plus. « Tu veux que j'te descende ? Que j'te monte ? », « Non, je vais rester à cet étage pour le moment, t'a pas un marqueur par contre ? « Si, tiens ». Dans cette salle, un poste, du hip hop à fond les gamelles. Je me pose et papote avec eux. Les lignes téléphoniques n'ont pas été coupées. Il rit et fait semblant d'appeler New York. Je ris. En définitive, c'est sa copine qu'il réveille et il lui dit qu'il l'aime.

Au 3ème , un bureau de plus est ouvert. C'est madame Rose qui travaille ici d'habitude. Action contre la faim lui a écrit… mais elle n'a pas ouvert ce courrier. Sous des piles de livres et travaux de recherches sont cachés des « point de vu ». Les papiers glacés mettent en scènes de jolies princesses au destin tourmenté. Les pieds de Rose sentent mauvais et elle a semé dans tout son bureau des bombes désodorisantes « podoquelque chose » qui la soulagent. On lui a laissé un mot sur le mur à Rose : « chère Rose, pour les « point de vu », nous savons. Ne t'inquiète pas, nous ne dirons rien. Bien amicalement à toi ».

Sur un mur j'écris « quand le mot solidarité remplacera précarité, j'arrêterai ». Mes pensées si prévisibles habituellement, s'agitent et j'écris ce qui me vient à l'esprit. Un homme joue de la guitare. Une amie la lui emprunte. « on fait une chanson ? ». Il y a un mois, j'aurais dit, sans réfléchir à la question, que je ne savais ni chanter, ni écrire. Cette nuit, je lui souris et prends mon carnet. « je prends ce qui est à moi, le temps, l'espace et ma pensée », « j'occupe et je m'occupe comme jamais je ne l'avais fait », « ils s'inquiètent pour moi alors qu'enfin je sais ce que veut dire liberté », « parce qu'on a plus le droit, ni d'avoir faim, ni d'avoir froid, ni de se faire chier », « plus de calife à la place du calife », « TF1 parle de détérioration matérielle, pendant ce temps là, nous froissons nos esprit, les maltraitons, nous jouons avec les mots, les pensées, les réalités, énumérant les souffrances que produisent ce monde médiocre »

Ceux qui dorment ici, s'appellent les occupants, les autres ne font que passer, mais ne sont pas que des passants pour autant... Nous sommes une 50aine cette nuit. Une personne interpelle les autres et propose un petit moment de discussion autour du thème « que fait-on si les flics débarquent ? » Quel pragmatisme ! Immédiatement le débat commence. Les propositions s'enchaînent à coup de « moi je pense que ». C'est bruyant. Il faut choisir ensemble d'une attitude commune. Agressive, passive, entre les deux ? On peut : « Monter sur les toits car seul le GIGN peut le faire ». « Mais on aura l'air con pendant trois jours perchés là haut avec les poulets en bas qui nous attendent ! » « Alors on peut résister symboliquement en les ralentissant. » « Comment ? » « En transformant le sol de l'entrée en patinoire. T'as vu Bambi ? » « Non ! Moi je crois qu'il faut résister pour de vrai, on a un honneur ! » « On s'en fou de l'honneur, je te rappelle qu'on n'a pas de bombes lacrymo, ni de matraque, Nous ! » « On reste tranquille, on sort comme on est entré, cool. » « Oui, mais pas seul, en groupe, on ne se lâche pas et on oublie personne. » « Alors il faut qu'on se compte. » « Mais y'a pas tout le monde là, beaucoup dorment déjà dans les étages. On ne sait pas combien on est… » « Bon, s'ils arrivent, on réveillent tout le monde et on se réuni dans le hall. OK ? ! » « Mais on fait quoi dans le hall ? » « On verra bien. On fera de l'impro selon les circonstances »

Dehors, devant la grille un groupe garde la porte. Un feu réchauffe l'air. Je jette quelques cartons par la fenêtre pour qu'ils l'alimentent. Un ridicule cadenas de vélo sur la grille nous protège des potentiels assaillants. Nous ne sommes pas équipés comme des chefs ! Normal, il n'y en a pas ici. En face, un petit troupeau de flics en civils nous observent, nous photographient sans doute. Je vais peut être faire la couv' des « point de vu », chouette alors !

Les flics ne sont pas venus cette nuit. Ils viendront demain mais je n'y serais pas. Plus de 70 personnes seront interpellées.

J'ai dormi cette nuit là dans le bureau d'un grand chercheur. Nous empilons les feuilles éparpillées par terre sur son bureau. Un coup de balais pour virer les trombones et le verre qui tapissaient la moquette. Nous laissons un mot à Condo. Nous sommes trois. Une couverture sur le sol, une sur nous. On pose bien ses chaussures près de soi pour être prêt à les mettre et courir très vite. Les affaires sont rassemblées à ma droite. Pas de problème. Il est tard, mais nous ne cessons de raconter des conneries et de rire.

5h00 du matin. Je m'endors dans L'E.H.E.S.S.

Une occupante de l'E.H.E.S.S.
Ecrit par kiffinkos, à 23:25 dans la rubrique "Actualité".

Commentaires :

  toto2
06-04-06
à 13:33

occupation de l'ehess


peux tu confirmer que l'appel de raspail provient de cette occupation

comment ça s'est passé ?
Répondre à ce commentaire

  anonyme
06-04-06
à 16:32

Re: occupation de l'ehess

Tout ceci fait rêver: l'occupation de l'EHESS et s'endormir auprès d'une occupante...
Répondre à ce commentaire



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