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Bangladesh : encore quatre accidents provoquant des centaines de morts et de blessés dans l’industrie textile
Lu sur Hacktivist news service : "En moins de deux semaines, quatre accidents ont causé des centaines de morts et de blessés au Bangladesh. Ces tragédies touchent une nouvelle fois les travailleurs et les travailleuses qui produisent les vêtements vendus dans les magasins européens. Ce drame démontre à quel point la question des mauvaises conditions de sécurité dans les usines d’habillement au Bangladesh reste d’actualité, un an après l’effondrement de l’usine Spectrum (11 avril 2005) dont les victimes attendent toujours une indemnisation décente. Le collectif De l’éthique sur l’étiquette regrette le manque d’intérêt et d’initiative du secteur industriel et commercial de l’habillement, tant localement que sur le plan international, pour garantir les plus élémentaires conditions de sécurité sur les lieux de travail. Il appelle toutes les parties concernées à faire preuve d’initiative et à prendre leur responsabilité pour que s’arrêtent ces pertes insensées en vies humaines.

Quatre accidents en moins de 15 jours

La série tragique a commencé le jeudi 23 février lorsqu’un incendie, vraisemblablement provoqué par un court-circuit électrique, a détruit l’usine KTS Textile Industries située dans la zone industrielle de Kalurghat, dans la ville portuaire de Chittagong. Les premiers rapports font état de 54 tués et au moins 60 blessés. D’après d’autres sources, le nombre de victimes pourrait s’élever à plusieurs centaines. Plus de 1000 travailleurs étaient à leur poste de travail à 19h00, au moment de l’incendie. Selon les travailleurs, les issues étaient fermées à clé. En 2005 déjà, deux électriciens sont morts suite à une électrocution dans cette même usine. Selon nos sources, cette usine produisait pour les entreprises états-uniennes Uni Hosiery, Mermaid International, ATT Enterprise et VIDA Enterprise Corp. Les autorités ont cependant révélé que d’autres sociétés étaient également établies dans les mêmes infrastructures (Vintex Fashion, Cardinal Fashion et Arena Fashion) faisant état de constructions illégales et de mesures de sécurité inadéquates concernant plus de 6000 travailleurs.

Samedi 25 février au matin, 19 personnes ont trouvé la mort et 50 autres ont été blessées dans l’effondrement d’un bâtiment industriel de 5 étages à Dhaka, capitale du pays. Le bâtiment Phoenix, situé dans la zone industrielle de Tejgaon s’est effondré alors que des travaux de rénovation non autorisés étaient en cours. Ces travaux devaient permettre la transformation d’espaces administratifs et industriels dont une fabrique de vêtements, en un hôpital privé devant héberger 500 lits. 150 ouvriers de la construction et un nombre encore inconnu de travailleurs de la confection étaient à l’oeuvre dans le bâtiment au moment de l’effondrement. Les opérations de secours, ralenties par le manque d’équipements, sont toujours en cours et l’on craint que de nombreuses personnes soient coincées sous les décombres. La société Phoenix Garments produit essentiellement des vêtements destinés au marché européen.

Toujours le 25 février, à Chittagong, 57 travailleurs du Groupe industriel Imam (qui selon les informations disponibles abrite les usines de Moon Fashion Limited, Imam Fashion, Moon Textile, Leading Fashion et Bimon Inda) ont été blessés lors de l’explosion d’un transformateur électrique provoquant un incendie. L’étroitesse de l’issue a provoqué la panique. Selon l’information en notre possession quatre travailleurs seraient dans un état grave suite au mouvement de panique.

Enfin, le soir du mardi 7 mars, un nouvel incendie a coûté la vie à trois femmes et en a blessé 50 autres dans une l’usine textile Saiem Fashion, à Gazipur ( 35 km de Dacca), qui partage ses bâtiments avec SK Sweater et Radiance Sweater. Encore une fois, les issues de secours étaient bloquées alors qu’environ 2000 travailleurs étaient à l’ouvrage .

Trop c’est trop !

Suite à ces accidents, seize fédérations syndicales des travailleurs de la confection du Bangladesh ont lancé des mobilisations dont un demi-jour de grève nationale qui a eu lieu le 1er mars. Une des fédérations qui conduit ce mouvement, la National Garment Workers Federation, exige le respect des droits des travailleurs de la confection et de meilleures conditions de travail. Elle réclame des indemnités correctes pour les victimes et leurs familles. Elle veut que les propriétaires soient jugés et que la fermeture à clé des portes des usines soit effectivement sanctionnée. On ne compte plus le nombre d’accidents survenus depuis 1990. le NGWF exige qu’un rapport soit établi sur les accidents industriels frappant le secteur et qu’une liste noire de bâtiments industriels soient établie après inspection. Les entreprises produisant dans ce type d’usines devraient être exclues de la fédération des employeurs du secteur (BGMEA).

Appel aux entrepreneurs, au gouvernement et aux clients

Il est urgent que des mesures concrètes soient prises pour remédier à l’extrême précarité des conditions de travail dans l’industrie textile et de l’habillement. Le mépris dans lequel l’intégrité physique des travailleurs est tenue fait en sorte que la mort et l’invalidité de travailleurs est devenue d’une banalité alarmante :

En 2000, 53 travailleurs de l’usine Choudury Knitwear sont morts. En 2001 24 morts dans l’usine Maico Sweater. En 2004, 9 morts dans le bâtiment de Misco Supermarket. En 2005, 23 morts à Shan Knitting et 64 morts dans l’usine Spectrum-Sharhiyar. Avec les deux incendies et ce dernier effondrement, 2006 s’annonce encore plus criminelle. Pour le collectif De l’éthique sur l’étiquette, les différentes parties tant locales qu’internationales doivent immédiatement agir pour :

Le soutien aux opérations de sauvetage et d’assistance adéquates et l’indemnisation financière des travailleurs blessés et des familles des travailleurs tués ; une enquête complète, indépendante et transparente, suivie d’effet ; des mesures structurelles immédiates pour prévenir des accidents similaires dans le futur. Le secteur de la confection textile, en collaboration avec les autorités publiques (sur les plans nationaux et internationaux) doivent s’engager à lancer une initiative immédiate pour prendre à bras le corps la situation de sécurité dans l’industrie de l’habillement au Bangladesh, y compris en menant une révision systématique de tous les bâtiments d’usine de plusieurs étages et en établissant des mécanismes d’inspection récurrente.

Sur ce point, le Collectif soutient les demandes exprimées par la Fédération syndicale internationale représentant les travailleurs du secteur textile et confection (FITTHC) pour qu’un programme soit mis en oeuvre afin de garantir la sécurité structurelle et la protection contre les incendies dans le secteur (cf. annexe)

Les leçons de Spectrum

Ces accidents arrivent alors que les victimes de l’effondrement de l’usine Spectrum-Sharhriyar viennent de terminer un séjour en Belgique, en France, aux Pays-Bas et en Allemagne. Au cours de ce séjour, ils ont rencontré des représentants des entreprises européennes clientes de Spectrum. Ils leur ont demandé de contribuer au fonds d’indemnisation des travailleurs aujourd’hui invalides et des familles des travailleurs défunts. Ils ont également insistés pour que des mécanismes crédibles soient mis en place pour assurer le respect de bonnes conditions de travail.

En France, trois entreprises s’étaient approvisionnées auprès de Spectrum ont donc été contactées : Carrefour, Solo Invest et CMT-Windfield :

-  la PME Solo Invest a réagit favorablement aux demandes des victimes, quelle a reçues le 14 février ;
-  Carrefour a réservé sa réponse concernant le fonds d’indemnisation, tandis que le dialogue peine à s’instaurer sur les aspects plus généraux de la responsabilité sociale de l’entreprise ;
-  s’agissant de CMT-Windfield, l’entreprise refuse toute discussion voire tout contact concernant le respect des droits humains.

Qu’il s’agisse de Spectrum ou des accidents de ces dernières semaines, le Collectif rappelle que le dialogue social est la meilleure garantie pour éviter d’autres drames et assurer le respect des droits de l’Homme au travail dans cette filière. C’est dans cet esprit que la CFDT avec des associations membres du collectif, organisent des actions au sein de Carrefour France afin que cette entreprise s’engage auprès de ses sous-traitants pour améliorer les conditions d’emploi des travailleurs et pour le respect des libertés syndicales. Les démarches de responsabilité sociale qui ne tiennent pas compte des organisations représentatives des travailleurs se révèlent inefficaces, comme en témoigne l’échec des audits sociaux qui - tels qu’ils sont pratiqués actuellement - ne cernent pas les situations réelles vécues par les ouvriers, et sont donc dans l’incapacité de contribuer à des améliorations substantielles (1). Le Collectif insiste à nouveau pour que les entreprises locales et leurs clients internationaux fassent du respect de la liberté d’association et de négociation collective une priorité.

9 mars 2006

(1) L’étude approfondie du cas de Spectrum montre que le groupe Shahriyar, propriétaire de l’usine, avait fait l’objet de plusieurs audits sociaux...
Voir aussi l’étude Looking for a quick fix, How weak social auditing is keeping workers in sweatshops, Clean Clothes Campaign, 2005
Ecrit par libertad, à 23:10 dans la rubrique "Actualité".



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