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Depuis quelques années, l'itinéraire du touriste, à Londres passe par une nouvelle étape.
Royaume des boutiques depuis la fin des années 50, King's Road est devenu le centre permanent d'un spectacle inédit : c'est le seul endroit où les visiteurs sont sûrs de trouver ce qu'ils sont venus chercher, le fantastique plumage d'un des plus fameux gibiers britanniques. C'est là que les punks - coiffures et vêtements profilés jusqu'au stéréotype - docilement rassemblés, demandent quelque argent aux photographes qui exposeront leurs tirages devant Buckingham Palace, sur les présentoirs de cartes postales : Ils sont les symboles de l'Angleterre, au même titre que le Beefeater, les hordes de fans de football et l'Union Jack.
Malgré les prétentions archaïques de la Grande-Bretagne à demeurer une puissance mondiale, ce ne sont ni ses gouvernants, ni son régime qui intéressent le monde, mais les styles adoptés par sa jeunesse. Là, les tensions de l'Angleterre post-impériale et post-industrielle trouvent une expression physique, presque théâtrale. Encodés par la mode, la musique et une gamme complète de produits de consommation, ces styles, ainsi que les idéologies qui les sous-tendent, ont inondé le monde d'une série capricieuse d'images chatoyantes. Pourtant, dans leur pays d'origine, ils sont toujours méprisés et marginalisés. Les messages qu'ils transmettent sur le présent et l'avenir de l'Angleterre sont étouffés par le système des valeurs traditionnelles.
L'histoire des mouvements culturels de la jeunesse anglaise recouvre celle de l'après-guerre, période où la Grande-Bretagne a été dominée par ses relations très particulières avec l'Amérique. Depuis le jour où le premier GI américain mit le pied en Angleterre, en janvier 1942, l'Amérique est devenue le symbole de l'avenir. Tout comme l'aspect physique des jeunes Américains, frais et bien nourris, en fit des dieux aux yeux des Européens épuisés par la guerre, le système économique qu'ils répandirent alors - le capitalisme et la consommation - proposait les images d'une nouvelle société. La consommation devint un modèle de jouissance et de démocratie - accessible à tous - mais difficile à réaliser dans l'Angleterre d'après-guerre. Tout le monde en voulait.
Cette colonisation culturelle qui allait de pair avec la domination économique de l'Europe - ratifiée par le plan Marshall en 1947 - fut, en Angleterre, particulièrement forte. Ceci sans doute à cause de la similarité linguistique et d'une position géographique particulière : I'île, depuis longtemps, est une sorte de relais physique et métaphorique entre l' Amérique et l'Europe. Mais la fécondité des mouvements culturels de la jeunesse anglaise vient aussi de son statut particulier dans la société. Par rapport à l'Europe, les jeunes fréquentent beaucoup moins les institutions scolaires et vivent plus nombreux dans les villes. Il s'est donc formé une large classe urbaine, flottante, qui, ne pouvant accéder à la culture dominante, fut obligée de trouver ses propres solutions. L'Amérique lui donna l'élan nécessaire.
La société de consommation ne se développa pleinement aux USA qu'à partir des années 20. C'est alors que la jeunesse devint une catégorie distincte. Réunie dans les campus, stimulée par l'émergence des études de marché, la jeunesse commença à se considérer comme un genre à part, soudée par une seule catégorie commune : l'âge. Ce mouvement embryonnaire fut arrêté par la dépression de 1929, mais il fut réactivé par le réarmement qui donna une nouvelle vigueur à l'économie américaine. En 1942, un technicien des études de marché, Eugène Gilbert trouva une appellation symbolisant parfaitement l'extension du pouvoir des jeunes : les teenagers.
Les visions de l'abondance américaine avait toutes les chances de séduire l'Angleterre exposée aux privations de l'après-guerre : rationnement, petites restrictions de tous ordres et consensus étouffant dans l'ordre des valeurs. Il n'est pas étonnant qu'en 1948, 58 % des jeunes Anglais au-dessous de trente ans aient voulu émigrer. Une culture officieuse naquit des « Spivs », héros du marché noir et petits truands qui donnèrent au style « Zoot » ses grandes lignes et ses couleurs maussades. Les jeunes Anglais créèrent donc leur premier mouvement à partir d'une culture hors-la-loi.
Au début du siècle, les jeunes étaient organisés en bandes locales et perpétraient leurs petits crimes dans les quartiers populaires de Londres comme Elephant and Castle, Tottenham et Brixton.
A partir de 1950, ils se mirent à développer leur propre style vestimentaire et à en faire l'emblème de leur différence. En 1947, l'establishment britannique lança le style Edouardien (d'après le roi Edward VII) ; nostalgie de l'âge d’or précédant la première guerre mondiale, le socialisme et le formica. Cette mode eut la faveur de la haute société. Les Edouardiens s’en approprièrent les détails les plus évidents, cols de velours, gilets, pantalons tuyau de poêle, et les marièrent aux lignes outrées du style Spiv/Zoot. Le résultat était incendiaire.
Que les enfants des bas quartiers londoniens affectent le dandysme et empruntent ses tenues aux classes supérieures ne pouvait que provoquer une Angleterre très attachée aux différences de classes. Les premiers Edourdiens devinrent à la fois célèbres - partout dans le pays, les jeunes cherchèrent à les imiter - et réprouvés ; c’étaient des « enfants gâtés », des « criminels » et des « tueurs » ; pour la première fois, et non la dernière, l’équation était faite entre une jeunesse affichant sa différence et la menace d’un comportement anti-social.
Et pourtant les photographies des premiers Edouardiens révèlent non pas la laideur, plus tardive, mais une fierté, une affirmation de soi, une revendication qui étaient des signes précurseurs. S’il était difficile d’accepter les Edouardiens, c’est qu’ils étaient encore organisés d’après le monde obscur des gangs.
Le marché des jeunes n’était pas encore né en Angleterre et tout changea en 1955 et 56 avec l’introduction du rock'n’roll américain. La publicité massive faite aux succès de Bill Haley, plus tard d'Elvis Presley, ouvrit l'industrie du loisir au marché potentiel d'une clientèle de jeunes. Ce phénomène coïncida avec la naissance de la télévision commerciale en Angleterre qui encouragea fortement l’avènement de la culture de consommation.
En s'alliant aux vêtements et attitudes des Edouardiens (On parlait maintenant plus volontiers de Teddy Boys), le rock'n’roll donna à la consommation des Jeunes sa première image de marque : c'était tout un style de vie. La sortie du film « Rock Around The Clock » avec Bill Haley qui fit immédiatement cinq succès au hit-parade anglais donna aux jeunes l'occasion, pour la première fois, de manifester publiquement leur nouveau pouvoir : comme des animaux échappés de leur cage, des centaines de teenagers envahirent les cinémas et perturbèrent la projection du film. Ce n'était qu'un excès d'exaltation ; on parla d'émeute dans les journaux. Tout le monde, dès lors, voulut en être.
Malgré les alarmes générales, le message fut bien compris par l’industrie. Entre 1957 et 1958, Mark Abrams, entreprit de réunir les éléments de ce qui devait devenir une des bibles du marketing durant les années 50 et 60. Publié en, juillet 59 « The Teenage Consumer » donnait aux industriels des perspectives alléchantes, fondées d’une part sur l'essor démographique - l'arrivée du baby boom d'après 1946 - pour une autre fondé sur l'observation et enfin sur l'imagination de l'auteur.
Le sens était clair : « Le teenager (qui a, selon Abraham, entre 15 et 24 ans) est depuis peu, affranchi économiquement ». Dès la fin de cette décade, l'infrastructure industrielle nécessaire à l'essor de ce nouveau marché était solidement implantée ; les résultats ne tardèrent pas à s'afficher, idéalisés, sur les murs des chambres à coucher de tous les adolescents du pays. L'afflux d'argent dans des secteurs économiques qui étaient auparavant considérés comme marginaux, eut des effets aussi profonds qu'amusants. La musique anglaise - jusqu'alors terriblement médiocre, à la traîne de la variété et surtout destinée aux adultes - fut revitalisée à la fin des années 50 par des hommes comme Larry Parnes qui produisit des imitations des rock'n’rollers américains, plutôt fades au demeurant.
Le côté artificiel et « camp » qui a toujours existé dans la pop music anglaise date de cette époque.
Le milieu homosexuel de l'industrie de la pop ainsi que la formule classique de réussite (Jeunes gens courtisés et lancés par les producteurs afin d'exciter les convoitises des adolescent(e)s) eurent pour effet de développer une sorte d'androgynie qui triompha avec les Beatles et les Rolling Stones et qui reste très prisée en la personne de Boy George par exemple. Cette origine ambiguë vient à la fois du courant homosexuel, plus manifeste dans les années 60, et de l'adoption, à travers la pop music, d'une sensibilité que Susan Sontag, la fée Carabosse un peu folle… ; du post-modernisme définit comme « camp ».
Cette note « camp » se manifesta dans les noms des premiers rockers anglais - Vince Eager, Marty Wilde, Billy Fury - avant-goûts des « Pop names » de Andy Warhol, et des trouvailles punks de pseudonymes comme Billy Idol. Mais, à part Billy Fury, la pop anglaise ne produisit rien de remarquable avant les Beatles. Ils provoquèrent avec d'autres pop stars à l'ancienne mode, comme Billy J. Kramer, protégé de Brian Epstein, une orgie de consommation. En 1964, les ventes atteignirent des records qui ne devaient pas se reproduire avant 1975 ; dans le monde entier, on ne manqua pas de noter la conjonction de la jeunesse et de l'argent ; l'Angleterre (et les Beatles) était devenue le point de mire. Le succès extraordinaire et imprévisible de la pop music anglaise au milieu des années 60, eut de nombreuses implications. Ainsi les Beatles vendirent tant de disques aux USA - déclenchant ce qu'on appela « l'invasion britannique » des groupes pop, que la reine anoblit en l'honneur de leurs bons et loyaux services dans l'export.
Les politiciens, la cour et l'establishment britannique s'empressèrent de courtiser une jeunesse qui a jouissait d'un pouvoir qu'elle n'avait jamais eu auparavant. L'hégémonie des jeunes allait de pair avec la libéralisation de la société en général : l'argent affluait en Angleterre et l'idéal du consommateur - accessible tous - devenait réalité. Pendant une brève période, les barrières sociales et sexuelles tombèrent. Naturellement, les problèmes surgirent lorsque les jeunes, commencèrent à s'organiser, confondant pouvoir d'achat et pouvoir politique. La fragile union de l'art et du commerce, qui avait, dans le milieu des années 60 fait la puissance des groupes pop, commença à se briser en 1966. Le gel des salaires annonça la fin de l'expansion économique ; l'humeur était à la restriction et la musique pop devint, en réaction, de plus en plus sauvage. Le « Have You seen Your Mother Wilde Baby » des Rolling Stones sortit en septembre 1966 avec le film qui ne laissait aucun doute sur la menace véhiculée par la chanson : il s'y dessinait une vision d'anarchie, sexuelle et sociale, excitante pour quelques-uns, dérangeante pour beaucoup. On trouva qu'ils allaient trop loin.
L'histoire d'amour entre la société et sa jeunesse avait atteint son apogée. L'arrestation des Rolling Stones pour usage de drogues tout au cours de l’année 1967, symbolisa l'attitude du pouvoir à l'égard des jeunes dont les revendications étaient devenues bruyantes. Ce qui ne veut pas dire que les mouvements de jeunes en Angleterre étaient véritablement politisés. A la différence de la France et des USA, en 1968, la jeunesse anglaise, traditionnellement écarté d'une éducation et d'une expression politique, ne chercha pas à s'organiser mais à élaboré un style ; l'équivoque se joua sur le « Street Fighting Man » des Rolling Stones. Les véritables effets politiques du boom de la décade ne se révélèrent pas dans « l'underground » ou dans une politique des jeunes mais dans des bouleversements sociaux et sexuels qui, grâce aux lois de libéralisation de 1967 et 1968, balayèrent certains des anachronismes les plus manifestes de la société.
Le côté caméléon de David Bowie montre parfaitement quelles étaient les batailles de la jeunesse britannique entre la fin des années 60 et le début des années 70. D'abord col boutonné bas, cravate étroite et coiffure « choucroute », dans le style Mod's qui fut un des plus célèbres des années 60 car il coïncida avec la période où l'Angleterre fut le centre de l'intérêt mondial. Bien que ses sources fussent enveloppées de mystère, ce style s’inspirait en fait des modes italiennes de la fin des années 50 qui furent reprise, plus tard, par quelques stylistes et par les « West End Boys », hantant les clubs londoniens et le district du sexe, Soho.
Le style Mod’s portait le costume de l’homme d’affaires jusqu’à des extrêmes obsessionnels et androgynes qui le détournèrent complètement du modèle original pour en faire une parodie de l'organisation et de la consommation des adultes. Très populaire, il conquit tous les milieux sociaux. Quant à la mode hippie, nouvellement importée des USA, elle fut adoptée par le public pop de l'époque, alors que l'histoire d'amour entre la société et sa jeunesse était sur son déclin. Les longs cheveux des hippies et leurs vêtement souples eurent surtout du succès auprès des classes moyennes ; leur musique reflétait l'intérêt qu'on portait aux nouvelles techniques sonores (la stéréo devint vraiment accessible en 1966) et véhiculait des notions artistiques plus traditionnelles (on n'entendait alors parler que de « progrès »). Le premier grand succès de David Bowie, « Space Oddity » date de cette époque et on y perçoit, en écho, sa fascination pour les astuces techniques.
En 1970, la célèbre et perturbante tenue de David Bowie, « Mr. Fish dress », ne fit qu'annoncer le choix délibéré d'une image de pop star androgyne. Celle-ci, parfaite par un maquillage très prononcé, des cheveux teints, fut une réponse typiquement anglaise aux problèmes du marché du disque de l'époque. Après le boom des années 60, le public, moins important, s'était morcelé tandis que l'industrie musicale, après une expansion aussi considérable qu'imprévue, s'était corporatisée. Il en résulta une fragmentation du marché, des tendances et des intérêts : depuis le reggae des « Skinheads » - variante agressive des Mod’s - jusqu'au « country rock » californien, en vogue chez les hippies, en passant par le « rock progressif » des classes moyennes.
Le « Glam rock » du début des années 70 tenta de réunir ces divers courants en stimulant les ventes. Avec comme chefs de file Marc Bolan, T. Rex, David Bowie et Roxy Music, il n'eut de succès qu'en Angleterre. L'Amérique ne pouvait changer que très lentement, bloquée par la politique des cartels de l'industrie musicale. La mode Glam qui inaugura en Angleterre une approche culturelle post-moderne avec ses ironies, ses références et le statut d'objet d'art accordé à son propre « soi », n'eut d'implications vraiment perceptibles que quelques années plus tard. Entre-temps, David Bowie avait changé de style, oh, disons au minimum, trois ou quatre fois.
Le problème du corporatisme de la pop est que dans un terrible consensus, il était devenu rock définitivement. Les promesses données aux teenagers : liberté dans les années 60, autonomie dans les années 70, avaient été reniées. Les jeunes ne formaient plus cette prétendue communauté unie par des intérêts communs, mais un groupe de consommateurs.
Le style punk, par la théâtralisation des tabous touchant au sexe et à la violence, chercha à faire bouger une industrie musicale complaisante et à dénoncer la comédie du consensus.
La mode punk prit naissance dans la boutique de Malcom McLaren et Vivienne Westwood, « Sex », où des tenues fétichistes - souvent achetées pour un usage « sérieux » - côtoyaient des vêtements venus ou datant des années 40, 50 et 60. McLaren était particulièrement attiré par la splendeur des premiers Edouardiens et les « trucs » des pop managers anglais des années 50. Tout cela réussissait à se combiner en une sorte de collage vestimentaire tenu par des épingles de sûreté empruntées au style new-yorkais.
Immédiatement, cela représenta en quelque sorte le résumé et l'épitaphe de trente ans de modes anglaises. La violence et le désespoir affirmés par la musique punk reflétaient les tensions croissantes qui, en dehors des parcs d'attraction pour teenagers, agitaient la société dans son ensemble. Un autre credo des années 60 était en train de perdre tout son charme : avec les difficultés économiques, le grand appel démocratique à la consommation eut de plus en plus l'air d'une mystification étant donné qu'un nombre croissant de gens en étaient exclus, faute de moyens. La ville des années 60, avec ses tours et ses blocs de béton, apparut plutôt comme un exemple de sauvagerie que de progrès. Cela fournit à l'iconographie « socialement consciente » des punks, et du groupe Clash en particulier, un thème privilégié.
Plus le rock punk s'imposa, plus sa critique dépassant le domaine de l'industrie musicale, atteignit la société anglaise dans son ensemble anticipant sur l'augmentation du chômage et le durcissement politique. Mais il échoua dans son projet de tuer la consommation chez les jeunes : bien que les punks lui aient porté un grand coup, l'industrie musicale rassembla ses forces et lança sur le marché une version acceptable et dépolitisée : la New Wave.
En fait, le rock punk eut pour conséquence de donner un dernier essor au marché des jeunes : les distorsions apportées par les punks à toutes les modes d'après-guerre autorisèrent de nombreux mini « revivals » : on se mit à exhiber, une multiplicité de styles individuels. Et c'est bien ce que les touristes viennent chercher. Aujourd’hui, on peut trouver, en arpentant King's Road, n'importe quelle tendance ; Teddy Boy, Skinhead, Mod, Punk, Rockabilly, Gothique, « Italienne », Hippie, Glam… La grande époque de la jeunesse (anglaise) est révolue.
La raison n’en est pas culturelle mais économique. L'idée d'une mode jeune et d'une consommation de jeunes - les teenagers - était un concept de marketing, et c’est le marketing qui est en train de la tuer. La cible du marché anglais actuellement n'est plus le classique teenager (qui a entre 15 à et 24 ans) mais une clientèle plus âgée (qui a entre 25 et 45 ans). Ceci s'explique pas l'évolution démographique - la génération du second baby boom, qui culmina en 1964, sort de l'adolescence actuellement - et aussi par le désir de toucher une tranche d'âge jouissant d'un véritable pouvoir d'achat. C'est aujourd'hui un truisme de dire que le chômage a surtout touché le groupe des 16-20 ans : les teenagers n’ont plus les moyens de maintenir les industries du disque, de la mode et des médias au niveau auquel elles s’étaient habituées.
Tel est bien l’avertissement donné par le BPI, l’organe officiel de l’industrie musicale britannique : « Les effets du chômage sur les dépenses discrétionnaires ont des conséquences désastreuses pour l’industrie musicale. Confrontée à la menace conjointe du chômage des jeunes et du nombre décroissant de teenagers, elle sera obligée d’orienter en conséquence ses stratégies de marketing. »
L'histoire des mouvements culturels des jeunes en Angleterre est pleine d’histoires individuelles et de promesses non tenues. L'idée que la jeunesse représente une catégorie distincte était issue d'une conjonction de circonstances économiques aujourd'hui périmée. Ce qu'on a considéré comme un droit ne semble plus maintenant qu'un privilège éphémère. Les « plaisirs » de la consommation que l'on faisait miroiter aux yeux des jeunes se sont répandus dans toute la société, en larguant quelques-uns de leurs membres fondateurs. Leur frustration, leur rage de se voir exclus s'est exprimée en Angleterre lors des manifestations de 1981 et de 1985.
La consommation, dont l'attrait principal était une apparente vertu démocratique, se révèle aussi élitiste que ses promoteurs, lesquels préfèrent une minorité acharnée et gloutonne à une majorité consommant maigrement. Ce parallèle s’affirme en Angleterre, le gouvernement tentant de faire marche arrière et de revenir au « statu quo » d'avant les années 60.
« La jeunesse doit servir à quelque chose » ; elle était utile en tant que fer de lance de la société de consommation et les mouvements culturels qui en ont surgi ont été remballés comme si de rien n'était. Les démons sont sortis de la boîte de Pandore et se rassembleront plus dangereusement encore, à moins qu’on ne trouve une définition de la jeunesse, non pas fondée sur son pouvoir d'achat mais sur quelque chose de plus durable.
Jon Savage
Article paru dans le magazine « The Face » en septembre 1986. Titre original : « 1946-1986 British youth culture »