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Lu sur : Regard Conscient « La répartition arbitraire de la vie communautaire entre privé et public est présentée, selon les besoins des hommes, comme une préservation respectueuse de l’intimité, une sécurité pour le couple et la famille.
Elle est imposée dans toutes les relations. Sous couvert d’une situation naturelle, puisque vieille comme les sociétés organisées, il s’agit d’un ordre et donc d’une gestion des relations des hommes avec les femmes et leurs enfants.
Privé de conscience
Le sens du mot privé nomme précisément le regard de l’homme sur la femme et ses enfants : ceux «qui vivent dans l’intimité» et «qui n’ont pas part aux affaires publiques» (1). S’il est naturellement juste que les enfants vivent dans l’intimité de leur mère et que le père protège celle-ci, il n’est pas juste de s’approprier ce lieu de l’intimité et d’en faire une prison dans laquelle l’homme imposerait ses rejouements. S’il est juste que les pères travaillent pour nourrir leur famille et gèrent les relations dites publiques, il ne l’est pas qu’ils coupent les liens existant naturellement entre tous les humains, quels que soient leur âge, leur sexe et leur condition, et s’arrogent de décider qui aura accès ou non aux décisions qui engagent la communauté.
La sphère dite privée est dès lors celle dans laquelle ceux qui en dépendent sont livrés au bon vouloir de l’homme avec l’accord de ses semblables. L’essor des sociétés patriarcales et de la bourgeoisie est tout entier fondé sur cette base, qui met au-dessus de tout la propriété privée. En interdisant à tous de regarder et de nommer ce qui se passe dans la famille, l’autoritarisme masculin se donne l’espace nécessaire pour briser la conscience des femmes et des enfants et ainsi asseoir le pouvoir qu’il revendique publiquement.
Rejouement public
La sphère publique était celle que se réservaient traditionnellement les hommes. Dans ce cas aussi, les sens du mot dévoilent exactement ce que les hommes pensent et donc agissent. Est public ce «qui concerne le peuple» et ce «qui appartient à l’état». Le Pouvoir s’arroge donc la propriété de ce qui concerne le peuple. Sachant que public est un dérivé des mots latins populus, le «peuple», et pubes, la «population mâle seule autorisée à participer aux assemblées», il est aisé de saisir que toute femme voulant participer à la vie publique devra penser comme un homme, se comporter comme un homme et agir en fonction de la névrose des hommes, c’est-à-dire du Pouvoir.
Nos sociétés dites évoluées ont développé un humanisme intellectuel fondé sur la négation systématique de la conscience humaine. Dans ce cadre réduit, les femmes ont revendiqué d’être prises en compte. Pour leur interdire toute remise en cause des comportements masculins, les hommes leur ont accordé le droit d’être égales à eux, c’est-à-dire de devenir aussi inconscientes qu’eux. Ainsi séparées de la conscience et de la vitalité de leurs enfants, les femmes embourgeoisées passent d’une soumission de force contre laquelle elles avaient la force de se rebeller à une association tacite avec le Pouvoir, qui les nie et détruit leurs enfants. Dès lors en concurrence, les hommes et les femmes ne font plus qu’obéir aux injonctions muettes de leurs pères et grands-pères : Refoulez ! Compensez ! Mourez ! Mais ne nous remettez pas cause !
Communauté humaine
Chacun sait que vie privée signifie ce qui se passe dans la maison du père et que l’on doit taire. Chacun sait que vie publique signifie ce qui se passe dans le palais des gouvernants et qui est tenu secret. Pourquoi dès lors garder un silence qui pèse à tous ? La cause en est la peur. La peur d’être jugé comme traître parce qu’on a parlé. La peur d’être jugé coupable de ce que l’on a fait ou pas... et d’être condamné. La cause de cette peur est l’ignorance de la réalité consciente de l’humain.
La mère ignore que son bébé est un être sensible et conscient, et elle agit comme si cela n’avait pas de désastreuses conséquences. L’homme ignore que la femme est un être sensible et conscient, et il agit – notamment dans la sexualité – en niant que cela a des conséquences terribles qui se reporteront sur ses enfants, sur les futurs hommes et femmes. L’homme ignore qu’il est un être sensible et conscient, et il agit comme si cela n’avait pas de conséquences sur lui-même, alors qu’il se maintient dans la souffrance et se mène lui-même et toute l’humanité à la destruction.
Des êtres humains reconnaissant la réalité consciente de leur nature ne posent pas la vie relationnelle en termes de privé ou public, ils vivent dans la reconnaissance mutuelle de la présence de l’autre. Ils accueillent le regard et la parole de l’autre comme un éclairage et un accompagnement dans la réalisation de leur conscience commune. Sachant que toutes leurs souffrances ont leurs causes premières dans le comportement parental, ils ouvrent la connaissance du vécu privé à l’expérience des autres et gèrent les affaires publiques selon cette seule et unique priorité : travailler sur son histoire, résoudre celle du groupe, vivre ensemble.
Bernard Giossi
Note :
(1) Définitions du Dictionnaire historique de la langue française, Le Robert, 1998.