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Gardons-nous cependant des élans euphoriques et irrationnels suscités par une victoire électorale. L’Histoire est pleine de ces moments éphémères qui, tout en étant bons d’être savourés, ont été souvent suivis d’une profonde déception. En effet, la victoire de SYRISA n’est qu’électorale, et l’écart entre les promesses, au demeurant tout à fait correctes, faîtes et les possibilités économiques et politiques de leur réalisation, est considérable.
Une victoire électorale donne une légitimité mais pas le pouvoir. Confondre les deux c’est faire peu de cas de la puissance, de l’inertie et des capacités paralysantes, pour tout changement, du système en place.
C’est toujours bon à prendre dira-t-on,… certes, mais encore faut-il garder cet avantage.
Ne soyons pas naïf : le système économique et politique, le capitalisme, est fait de telle manière que si on joue son jeu, on perd à tous les coups (des exemples ?).
Ce qui fonde véritablement le pouvoir dans le système, ce n’est pas le personnel politique qui en est le garant, mais les rapports sociaux, les relations sociales (le lien social) qui constituent la trame de la société civile. Négocier avec les Banques, les Etats, la Troïka, les marchés financiers,… c’est in fine jouer perdant. Ce sont eux qui ont les atouts en mains et leurs intérêts sont considérables au regard des intérêts des peuples.
Doit-on se priver de toute négociation ? Certainement pas ! Ne serait ce que parce qu’ils détiennent des éléments dont on ne peut, à court et moyen terme, se passer ou éviter : la monnaie, les crédits et un pouvoir de nuisance non négligeable à l’égard de toute velléité de changement. Mais il n’y a aucune illusion à se faire sur le résultat de ces négociations.
Il
y a pourtant une chose qui leur échappe et qui est essentielle : la mise en place de nouveaux rapports
sociaux, fondés sur la coopération, la solidarité dont des embryons ont vu
le jour avec la crise. Elaborés comme éléments de survie pour échapper aux
rigueurs des politiques économiques mortifères, ils constituent en fait un
espoir, par leur développement, leur extension, leur perfectionnement,
d’émergence de nouveaux rapports sociaux. Ils constituent le socle sur lequel
peut se bâtir et se développer une alternative aux diktats des banquiers et
financiers.
La question qui demeure est : SYRISA prévoit-il d’intégrer cette dimension alternative dans ses perspectives de changement ? Question qui est valable pour tous les partis progressistes qui veulent une alternative à l’Europe du capital.
Si cette dimension est traitée de manière marginale, comme elle l’est généralement par ces appareils politiques, alors on sait ce qui va se passer : le nouveau pouvoir va réorienter ses exigences, modérer ses positions, et finalement reproduire ce qu’il a naguère combattu.
Si au contraire, cette dimension est l’axe essentiel d’une stratégie de changement, alors, tous les espoirs sont permis… pour les Grecs, mais aussi pour les autres peuples européens qui auront la démonstration, sous leurs yeux, qu’un autre monde est possible.
Un échec de SYRISA dans les semaines et mois à venir porterait un coup terrible aux espoirs d’un changement en Europe. Les extrêmes-droites à l’affût auraient alors le champ libre. Le pire serait une fois encore, à craindre.
17 janvier 2015 Patrick MIGNARD