Lu sur
Alternative libertaire :
"Mayant Faty, déléguée SUD Nettoyage dans l'entreprise Arcade, sous-traitante du groupe Accor pour le nettoyage de ses hôtels, a été licenciée pour faute grave. Elle avait été la porte-parole de la grève des femmes de chambres contre Arcade et Accor qui imposent des cadences infernales et organisent l'exploitation des immigré(e)s dans le secteur du nettoyage. Ce conflit, débuté en avril 2002 dura plus d'un an.
Devant la détermination des grévistes, Accor avait été obligé de céder en mettant en place " une charte de bonne conduite professionnelle et sociale des sous-traitants du groupe Accor ", en imposant à Arcade la réintégration des grévistes licenciées et des réponses positives à leurs revendications.
Alternative libertaire : Mayant, nous nous étions rencontrés à la fin du conflit que vous meniez contre Arcade et le groupe Accor, le donneur d'ordres. Peux-tu nous dire ce qui s'est passé depuis ?
Mayant Faty : Au début, nous avons réintégré nos postes de travail et l'ambiance était plutôt bonne. Nos responsables de site étaient devenus très courtois et Arcade respectait ses engagements : Baisses des cadences, paiement de nos heures de travail et début de mise en conformité de nos locaux de travail. Cependant, notre direction avait oublié la raison essentielle de notre conflit : une amélioration des conditions de travail pour l'ensemble du personnel !
AL : Tu veux dire que seul(e)s certain(e)s salarié(e)s avaient connu de meilleures conditions de travail ?
M. F. : Exactement. L'amélioration avait été organisée dans les hôtels où travaillaient les anciennes grévistes. Ailleurs, peu ou aucun changement. Nous avons donc continué notre travail syndical au sein de l'entreprise pour expliquer aux camarades, sur les lieux de travail, les injustices qui régnaient encore chez Arcade. Nous leurs avons expliqué qu'il fallait que les acquis obtenus lors de la grève le soient pour tous.
AL : Et comment était ressentie votre approche syndicale de terrain par le personnel ?
M. F. : Bien, mais beaucoup de nos collègues ont très peur de parler aux représentants de SUD Nettoyage. La direction a mis en place un réseau de délateurs et les menaces de licenciement pèsent sur quiconque veut s'adresser à nous. Une campagne sur le thème que nous voulions faire couler l'entreprise a aussi été lancée par Arcade et relayée par certaines organisations syndicales.
AL : Comment Arcade a organisé votre licenciement ?
M. F. : Ils m'ont accusé d'avoir dépassé mon quota d'heures syndicales, ce qui est aberrant. L'inspecteur du travail, dont nous sommes en droit de nous demander quelles sont ses motivations, a accordé mon licenciement. Les recours juridiques sont en cours, mais nous ne nous faisons pas grande illusion sur les résultats.
Mon licenciement est dû au fait que la direction ne pouvait plus supporter ma présence. Pour eux, leur autorité était mise en doute aux yeux des salariés et il voulait rapidement " resserrer les boulons " pour éviter un nouveau conflit. En me licenciant, ils pensaient couper court à toute rébellion des travailleur(se)s contre leurs conditions de travail honteuses.
AL : Comment se déroule ton après-licenciement ?
M. F. : La lutte, toujours la lutte ! Avec SUD Nettoyage, SUD Rail, et l'ancien comité de soutien de la grève qui a repris du service pour la cause, nous menons régulièrement des actions contre le groupe Accor et l'entreprise Arcade. Rassemblements, manifestations, envahissements d'hôtels, etc. Comme pendant la grève, nous multiplions les actions. Le 23 juillet, grâce au réseau syndical international que SUD contribue à construire, nous avons organisé une action commune dans plusieurs pays qui a plutôt été bien suivie.
Nous exigeons ma réintégration immédiate et nous ne sommes pas prêts d'arrêter nos actions tant que celle-ci ne sera pas obtenue.
AL : Accor et Arcade, comment réagissent-ils à ces actions ?
M. F. : Du côté d'Arcade, aucune réaction, aucun contact. Il semblerait par ailleurs qu'ils connaissent certaines difficultés financières…
Du côté d'Accor, la directrice générale des ressources humaines dit vouloir " internaliser " le nettoyage de leurs hôtels et rompre avec la sous-traitance. Elle a aussi indiqué qu'Accor avait cassé plusieurs dizaines de contrats avec Arcade et que cesser définitivement leur collaboration avec Arcade était une hypothèse.
AL : Qu'en penses-tu ?
M. F. : Si Accor cessait la sous-traitance, ce serait en soi une grande victoire car la sous-traitance est le premier facteur qui engendre nos conditions de travail désastreuses. Accor ne serait pas dédouané pour autant du passif et de mon licenciement. Mais en tout premier lieu, peut-on croire Accor ? Pour ma part : non !
Propos recueillis par J.-P. Régime.
Merci Mayant pour cet entretien. Nous te souhaitons bon courage et bonne suite dans le combat que tu mènes et Alternative libertaire t'apporte toute sa solidarité, ses militant(e)s continueront à participer aux initiatives pour ta réintégration. Arcade/Accor, mais aussi Virgin, Maxi-Livres, Cap-Gemini, … le patronat a lancé une vaste opération de répression envers les militant(e)s syndicaux du secteur privé qui résistent et organisent la lutte des salarié(e)s. Construire une riposte interprofessionnelle, indispensable pour gagner, passe déjà par la solidarité active envers ces camarades, ces collectifs syndicaux de base, dont les luttes doivent être mieux connues et converger.