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Lu sur l'Humanité : « Aujourd’hui, en France, selon les chiffres officiels de l’Assurance maladie et du ministère du Travail, le travail tue, blesse et rend malade, à raison de deux morts par jour dus à des accidents de travail, de huit morts par jour dus à l’amiante, de deux millions et demi de salariés exposés chaque jour dans leur travail à des cocktails de cancérogènes, de millions d’hommes et de femmes constamment poussés aux limites de ce qu’un être humain peut supporter, moralement et physiquement.
Aux deux extrêmes de cette mise en danger délibérée de la santé psychique et physique des travailleurs, on trouve les suicides et les cancers. La France vient en tête des pays dans lesquels le suicide est en croissance continue depuis 1975. Le nombre des suicides a atteint 11 000 par an en 2000, « soit plus d’un par heure », indiquent Christian Baudelot et Roger Establet (1). Quelle est la part due au travail ? À cette question, nulle statistique ne permet de répondre. Le suicide au travail comme tout acte de violence contre soi-même est une énigme difficile à déchiffrer. Des suicides de cadres et d’ingénieurs ont fait la une des médias, mais l’inégalité sociale est présente là aussi. Les suicides sont plus fréquents mais le plus souvent occultés chez les travailleurs les moins qualifiés pour qui les contradictions sont les plus fortes et les marges de manoeuvre inexistantes.
Pour la seule année 1995, le syndicat CGT de la centrale de Chinon avait dénombré huit cas de suicides chez des salariés d’entreprises extérieures intervenant dans la maintenance de la centrale… La sous-traitance des travaux est pratiquement toujours accompagnée d’une sous-traitance des risques, risques d’accident de travail, risques de suicides, risques de cancer.
L’incidence annuelle du cancer est passée de 150 000 en 1980 à 280 000 nouveaux cas par an en 2000. Un ouvrier a quatre fois plus de risque de mourir de cancer entre quarante-cinq et cinquante-quatre ans qu’un cadre supérieur. Un rapport de l’Académie de médecine récemment rendu public affirme que nos comportements sont les seuls en cause. Les caractéristiques même du cancer donnent des marges considérables à l’interprétation. Cette maladie n’obéit pas au modèle de causalité simple que chacun a dans la tête : une cause, un effet. Il faut souvent des décennies pour que le cancer se manifeste. Parmi les exposés à des cancérogènes, quelques-uns sont atteints, d’autres non. Le pire n’est jamais sûr. Or, c’est justement du caractère imprévisible de ce sinistre loto que se servent les industriels pour nier le plus longtemps possible l’évidence des risques.
Dans le cadre d’un programme de recherche pluridisciplinaire engagé depuis cinq ans en Seine-Saint-Denis, la reconstitution des parcours professionnels de 650 patients atteints de cancer montre que plus de 80 % d’entre eux ont subi une polyexposition professionnelle - longue et permanente - à de nombreux cancérogènes connus mais en majorité non inscrits dans les tableaux de reconnaissance en maladie professionnelle. Un sur six seulement a pu être reconnu et indemnisé. Il faut briser l’impunité des industriels et des actionnaires, responsables de milliers de victimes du travail dans le monde. C’est dans ce sens que je plaide pour le recours à la justice pénale en France mais aussi pour la création d’un tribunal pénal international du travail, devant lequel seraient traduits en justice ceux qui, sciemment, transforment le travail en un lieu de violence et de mort. »
(*) Auteure de Travailler peut nuire gravement à votre santé, La Découverte, 2007.
(1) Dans Suicide. L’envers de notre monde, Le Seuil, 2006.