Lu sur : La tribu du verbe « La publication d'un rapport sur le réchauffement climatique a suscité plusieurs commentaires dans les médias. Ainsi Louis-Gilles Francoeur, du Devoir, reprend, sans la discuter, la thèse soutenue par l'« équipe multidisciplinaire internationale », à savoir que le réchauffement du climat pourrait entrer dans une phase d'irréversibilité si les concentrations de CO2, actuellement de 379 parties par million (ppm), dépassaient les 400 ppm, éqivalant à un réchauffement moyen de 2°C.
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Au-delà de ce seuil, les « mécanismes naturels qui ont permis de stocker des milliards de tonnes de carbone au fond des océans, dans le permafrost arctique ou dans les tourbières et les marais commenceront à relarguer leur charge dans l'atmosphère terrestre », à quoi s'ajoutera « la libération de milliards de tonnes de méthane solidifié au fond des mers arctiques ».
Or, un article de Gavin A. Schmidt et Stefan Rahmstorf, paru sur le blogue Real Climate, sans nier la pertinence d'un tel scénario catastrophiste, s'attache à montrer qu'il ne repose pas sur une base scientifique solide. Pour ces deux scientifiques, le rapport Meeting the Climate Challenge représente une initiative d'un « goupe politique » qu'ils perçoivent de la façon suivante :
Existe-t-il un « point de non retour » ou « un seuil critique » qui sera franchi quand les forçages excèderont ce niveau, comme rapporté dans quelques médias ? Nous ne croyons pas qu'il y ait de base scientifique à cette hypothèse. Cependant, comme cela a été précisé l'année dernière à Beijing dans un colloque international à ce sujet par Carlo Jaeger : fixer une limite est une manière sensée de traiter collectivement un risque. Une limite de vitesse est un exemple typique. Quand nous fixons une limite de vitesse à 130 km/h, il n'y a aucun « seuil critique » -- rien de terrible ne se produit si vous allez à 140 ou 150 km/h. Mais peut-être à 160 km/h les morts excèderaient clairement les niveaux acceptables. Fixer une limite au réchauffement global à 2ºC de plus que la température pré-industrielle est l’objectif politique officiel de l'Union Européenne, et c'est probablement une limite sensée. Mais, comme pour les limites de vitesse, il peut être difficile d'y souscrire.
L'incertitude sur la sensibilité du climat ne va pas disparaître bientôt, et devrait donc être implémentée dans les évaluations du climat futur. Cependant, ce n'est pas une variable complètement libre, et les valeurs extrêmement élevées discutées dans les médias au cours des deux dernières semaines ne sont pas scientifiquement crédibles.
Un texte quelque peu technique mais qui apporte une lumière intéressante sur un débat social aux enjeux colossaux.
Attention, cet article ne réfute pas l'idée d'un seuil d'irréversibilité. Ce seuil existe bel et bien et doit servir d'horizon nous permettant de maintenir le cap, au nom du bien commun, vers de nécessaires et profonds changements de notre mode de vie. »