Lu sur
Fédération anarchiste :
"Le 26 février 1920 paraît à Milan, dirigé par Errico Malatesta, le premier numéro d’Umanita nova. Il est quotidien. Dès le début, les autorités essaient d’empêcher sa parution. Les papeteries gouvernementales retardent la livraison du papier déjà payé. A cette occasion, ce sont les mineurs de Valdarno qui débloquent la situation en menaçant de faire grève dans les mines de lignite (mines qui fournissent les papeteries).
Le premier mois, Umanita nova est tiré à 60 000 exemplaires par jour. Ensuite, le tirage moyen tournera autour de 30 000. Le premier compte rendu financier fait état de 16 737,48 lires en caisse. A Boston, une souscription rapportait 4 000 dollars pour acheter une rotative et une monotype. Le préfet de Milan écrivait au ministre : « c’est un journal réalisé avec l’argent des souscriptions des anarchistes et de leurs sympathisants des différentes régions d’Italie et de l’étranger. L’aide reçue d’Amérique est importante. Le journal est diffusé chez les ouvriers et son prix de 10 centimes en facilite la diffusion. Son imprimerie est située à Milan, 3 rue Goldoni. Les dépenses de rédaction ne sont pas excessives puisque le personnel de la rédaction et de l’imprimerie n’est pas nombreux. »
Après le grand espoir et la défaite du mouvement d’occupation des usines, le journal continue sa publication malgré l’emprisonnement de tous ses rédacteurs.
La réussite du fascisme est fortement liée à la suppression violente de toute opposition. Le décret sur la presse de 1924 et les lois spéciales pour la défense de l’Etat entérinent une situation existante. Les journaux anarchistes subissent la même destinée que les journaux syndicaux, socialistes, populaires et toutes les publications démocratiques. Les agressions visent en premier les journaux militants, ensuite ceux de réflexion culturelle et de débat. Les 28 titres de journaux anarchistes existant en 1921 se réduisent à 3 en 1926.
Après Milan, où le local d’Umanita nova est détruit, c’est aux compagnons de Rome que revient la charge d’envoyer une circulaire aux diffuseurs et aux correspondants avec l’annonce de la reprise. La fermeture définitive du journal, qui était passé de quotidien à hebdomadaire en août 1922 a lieu cette même année avec le numéro 196 du 2 décembre.
Les étapes qui ont abouti à cette fermeture sont : inculpation pour outrage, amendes pour de présumées irrégularités administratives, destruction de l’imprimerie par les fascistes et, pour finir, la mise en examen pour délit d’opinion de 20 personnes (rédacteurs, correspondants, membres du conseil d’administration), confiscation de documents et de la caisse du journal. Parmi les inculpés, il y a un certain Voline (« sujet russe non identifié »).
Umanita nova réapparaît de 1943 à 1945, avec 14 numéros tirés à 8 000 exemplaires, imprimés à Florence, Gênes et Rome. Dans ses pages, on prône l’insurrection armée antifasciste et l’opposition à la dictature militaire des alliés. C’était une réunion clandestine à Florence qui avait décidé la republication d’Umanita nova. C’est pour ces numéros que Lato Latini, imprimeur responsable du journal, est condamné à cinq ans de prison par le tribunal des alliés, peine réduite à un an et exécutée à la prison Le Murate de Florence.
Le premier numéro d’Umanita nova clandestin a comme éditorial : « salut à vous compagnons d’Italie et de tous les pays. Après le long silence qui nous a été imposé, nous reprenons avec la même foi notre place dans la lutte pour la libération de tous les opprimés. »
Il se réfère à Malatesta et, plus explicitement à la théorie du communisme anarchiste et à l’expérience de l’Association internationale des travailleurs et souligne de nouveau les principes très connus du front unique antifasciste. Les articles font le compte rendu des grèves ouvrières en cours « pour la paix et la liberté » et affirment que les horreurs de la guerre devront peser aussi sur la monarchie et le gouvernement monarchiste. On reproche à la Confédération générale du travail (CGIL), qui vient de se reconstituer, sa collaboration avec Badoglio et propose l’alternative suivante : « nos syndicats doivent réunir toutes les énergies de l’usine, du technicien au manœuvre. Ils doivent avoir leurs commissions internes, librement élues par les travailleurs et qui règleront la production pour préparer le passage à la propriété collective.
En juillet 1944, les anarchistes romains sortent leur Umanita nova, numéro unique signé Fédération communiste libertaire italienne.
A Gênes, où les dockers ont été les vrais centres de la résistance, à la veille de l’insurrection, la Fédération communiste libertaire lance un appel aux partisans anarchistes et au peuple – « L’heure est venue » – en distribuant pour l’occasion un numéro unique qui, comme à Florence et à Rome, reprend le titre du quotidien créé par Malatesta. A l’intérieur, il y a, avec l’invitation à renforcer le front unique des travailleurs, une lettre ouverte aux partis du CLN (Comité de Libération Nationale) dans laquelle est revendiquée une reconnaissance égale à celle des autres groupes antifascistes.
Dans ce même mois d’avril, l’édition de Florence annonce l’imminente constitution de la FAI et le programme à proposer aux « frères du Nord ». Les points principaux de cette déclaration d’intention reprennent le programme minimum déjà annoncé plusieurs fois. Il est fait d’un mélange de syndicalisme, de municipalisme fédéraliste, de communisme libertaire et de républicanisme social, avec une forte volonté utopique qui se réfère à la commune libre, au syndicalisme et au conseil de gestion.
Avec le congrès de la FAI (Carrare, 1945), est décidée la publication à Rome de l’hebdomadaire Umanita nova comme outil de propagande et de discussion à l’intérieur de tout le mouvement. Le journal se propose d’être le porte-parole du mouvement libertaire, présent avec des hauts et des bas dans le monde du travail, de la culture progressiste, de la gauche humanitaire, dans les manifestations d’antagonisme radical et de classes. Les changements de rédaction font également changer les perspectives. Au cours d’une première longue période, sous la gestion d’Armando Borghi, le journal se référait aux secteurs les plus avancés de l’opinion publique sensibles aux droits civiques et à la lutte pacifiste.
Après 1965, année où a lieu une scission à l’intérieur de la FAI qui voit la formation des Groupes d’Initiative Anarchiste, on entre dans une décennie très mouvementée qui part de la contre-information sur la Stratégie de la tension en 1969 à le reprise des contenus libertaires chez les jeunes étudiants et ouvriers.
1974 est l’année du changement. La rédaction est confiée à Milan et, selon les décisions du congrès, elle devient collégiale et prise en charge à tour de rôle par différents groupes (le fonctionnement est encore le même aujourd’hui). De Milan, elle passe à Bologne, à Palerme, à Carrare, de nouveau à Milan, à Livourne, à Spezzano Albanese et à Turin aujourd’hui. Cette rédaction turinoise est une rédaction collégiale nationale. Elle est composée de compagnes et compagnons de Turin, Milan, Reggio Emilia, Bologne, Spezzano Albanese qui correspondent entre eux via internet.
C’est encore en 1974 que le mouvement anarchiste décide de se doter d’une imprimerie à Carrare pour Umanita nova et beaucoup d’autres publications anarchistes. Aujourd’hui encore, Umanita nova sort des presses de l’imprimerie de Carrare.
Depuis 2005, le logo du journal a changé mais l’hebdomadaire reste un journal de lutte et de liaison. Des mouvements de 68 à ceux de 77 et à aujourd’hui, continue à se démêler dans le journal fondé par Malatesta le fil rouge et noir des propositions anarchistes.
Giorgio Sacchetti
Le site d'
Umanita nova