Lu sur
le blog du laboratoire : "Le plus dur, c'est de ne pas savoir. Et d'imaginer le pire. À 40 ans, Stephan Latil vit dans l'incertitude. "Celle d'avoir un cancer un jour", explique ce père de trois enfants. Quatre ans après l'"accident", comme il l'appelle, ce technicien de laboratoire de l'entreprise Melox, spécialisée dans la production de combustible nucléaire sur le site de Marcoule, dans le Gard, parvient enfin à raconter les faits comme il les a vécus. Et à dire son angoisse. Le 28octobre2004, Stephan Latil manipulait du plutonium et de l'acide fluorhydrique dans une "boîte à gants", un caisson étanche en verre, équipé de deux manchons pour traiter les produits sans contact direct.
"Ce jour-là, j'ai remarqué une fuite d'eau inhabituelle provenant du circuit de refroidissement. Sans retirer mes mains des gants, j'ai appelé mon supérieur. Il m'a dit de resserrer à la main le collier qui laissait passer la fuite. Sans outillage ni protection spéciale, je n'y tenais pas du tout: la présence d'acide fluorhydrique dans le caisson risquait d'avoir fragilisé le tube en verre." Les craintes du technicien étaient malheureusement fondées: le tube va exploser, un morceau de verre va entailler le gant et la main de Stephan Latil. "Je ne pouvais pas sortir ma main, sinon le plutonium serait sorti et aurait été inhalé par mes collègues qui étaient dans le labo", poursuit-il. Le technicien attendra ainsi 15 minutes jusqu'à l'arrivée des secours : "Il a ainsi subi une contamination de plutonium accentuée par la dépression qui s'était produite dans la boîte à gants", explique son avocat, M e Jean-Pierre Darmon.
"Après l'accident, j'ai subi quelques examens médicaux mais pas assez pour déterminer si j'ai été contaminé et à quel niveau", s'inquiète Stephan Latil. Qui craint qu'on lui annonce un jour qu'il est atteint d'un cancer du foie ou des os, sur lesquels se fixe le plutonium. "L'impact définitif n'a pas pu être décelé et la période d'incubation peut être particulièrement longue", confie son conseil, qui maintient que "les mesures nécessaires pour protéger les employés n'ont pas été prises par la société". Pour Me Darmon, pas question de considérer que c'est l'employé qui a commis une faute. "On m'a dit que tout allait bien, explique Stephan Latil, mais je suis terriblement angoissé. Pour savoir si j'ai été contaminé, il faudrait me faire des ponctions. En attendant, je ne sais rien." Ce papa ne cache pas qu'il s'attend au pire.
Contactée par La Provence, la société Melox assure que Stephan Latil n'a pas été contaminé par le plutonium: "Les médecins spécialisés du site ont fait les examens nécessaires, qui ont été confirmés par l'Institut de radioprotection et de sécurité médicale. M. Latil a été faiblement exposé et son seuil d'exposition a été inférieur à la limite annuelle réglementaire, qui est en France de 20 millisievert", insiste-t-on chez Melox. Stephan Latil aurait bénéficié d'un accompagnement médical et psychologique idoine. La société ajoute que l'ensemble du personnel subit régulièrement les examens nécessaires pour contrôler les niveaux d'exposition. "Et le but est de réduire au maximum les temps et les niveaux d'exposition", assure-t-on.