Quelques douzaines d'officiers de police d'Ontario (Californie) ont débarqué sur le camp de SDF connu comme Tent City, lundi matin, pour séparer ceux qui étaient autorisés à rester, de ceux qui seraient expulsés.
Des longues queues de gens souvent troublés se sont formées dans le désordre derrière des barrières érigées par les policiers qui délivraient des bracelets colorés. Quand ils étaient bleus, cela voulait dire que les personnes venaient bien d'Ontario et qu'elles pouvaient rester. Orange signifiait qu'il fallait plus de preuves pour éviter d'être expulsé, et s'ils étaient blancs, on devait partir dans la semaine.
Beaucoup de ceux qui s'étaient réfugiés au camp – qui avait grandi de 20 résidents à plus de 400 en 9 mois – n'avaient pas les papiers, les factures ou les certificats de naissance qui prouvaient qu'ils avaient, un jour, été résidents d'Ontario.
« Quand mon mari sortira de prison, il amènera son certificat de mariage ; ça sera suffisant ? » a demandé une femme en pleurs.
Une autre résidente, évidement troublée, s'est montrée satisfaite de recevoir un bracelet blanc – sans comprendre que cela impliquait qu'elle devait partir.
Pattie Barnes, de 47 ans, dont le camping car avait été évacué la semaine précédente, tremblait de rage.
« Ils nous étiquettent parce qu'on est SDF », dit-elle en regardant son bracelet orange. « on dirait un camp de concentration ».
Des fonctionnaires de la ville, en invoquant des problèmes de santé et de sécurité, disaient qu'il est nécessaire de limiter la population de Tent City. Cette attitude était pourtant contraire à la tentative affichée l'année précédente de fournir un camp approuvé par la commune où les SDF ne seraient pas persécutés.
Un terrain avec des tentes, des toilettes et de l'eau avait été mis à disposition des SDF près de l'aéroport international d'Ontario. Les fonctionnaires pensaient limiter le camp et ses services aux SDF locaux, sans trop prendre garde à faire respecter cette règle, et le camp s'était très vite étendu, attirant des gens qui pouvaient parfois venir de très loin – de Floride, par exemple.
« Nous devons être raisonnables, et nous laissons aux gens le temps de trouver les papiers nécessaire » dit Brent Schultz, le directeur en charge de l'habitat et de l'urbanisme à la ville. « Mais nous avons toujours dit que c'était pour les SDF d'Ontario et pas pour ceux de la région. On ne peut pas accepter toute la contrée. »
Des agents municipaux estimaient le nombre de SDF locaux à environ 140, moins de la moitié de ceux qui étaient là. Schultz voudrait limiter Tent City à 170 personnes dans une zone réglementée, délimitée, plutôt que se retrouver avec le camp ouvert et sans limite qu'il est devenu.
Aucune autre ville n'a accepté d'accueillir les SDF dont les agents d'Ontario ont décidé qu'il devaient partir.
« Je n'ai de nouvelle réponse sur ce sujet. » affirmait Schultz.
La semaine précédente, les policiers avait même expulsé les ex-prisonniers sous probation et ils avaient évacué une vingtaine de camping cars délabrés. Une liste de règles de sécurité, y compris l'interdiction d'y garder des animaux de compagnie, a été affichée. la ville raconte que des chiens risquent de mordre et qu'on peut craindre que les animaux amènent des maladies contagieuses.
Cette interdiction d'animaux a mis en colère ou attristé beaucoup de monde car des SDF disent qu'ils ne pourraient imaginer la vie sans leur chien. Certains en ont 3 ou 4 et ils ont juré de quitter Tent City plutôt que les abandonner.
« J'irai en prison avant qu'ils ne me prennent mon chien » clamait Diane Ritchey, de 47 ans, très émue. « Elle fait partie de moi autant que le reste. Les chiens sont aussi SDF que nous. »
Cindy Duke, 40, serrait dans ses bras Ritchey en sanglots.
« J'ai déjà dû renoncer à mon fils de 6 ans parce que j'étais SDF et je refuse de renoncer à mon chien aussi » dit Duke
Celeste Trettin, 53 ans, était dans une chaise roulante. Elle et son mari ont bien une adresse à Ontario mais ils vivent depuis des années dans un camion, en stationnant où ils peuvent. Strettin, qui a reçu un bracelet orange, a dit qu'elle pense pouvoir trouver une preuve écrite qu'elle vient bien de Ontario.
« On pensait que si on venait ici on pourrait toucher un peu d'argent, mais maintenant nous sommes coincés. » dit Strettin qui souffre de fibromyalgie, une maladie douloureuse.
Marty Tovar semblait se moquer de tout. Cet homme de Mentone, de 53 ans, avait le visage couvert de bosses et de coupures après la dernière échauffourée. Il semblait prendre son explusion à la lègère.
« ça ne me met pas en colère, beaucoup d'autres gens enragent, mais pas moi » disait l'homme sans chemise sous sa salopette bleue. « Si je dois partir, je prends le prochain bus jusqu'à une ville voisine. Toutes les villes ont un terrain ».
Pourtant à midi, seul un homme avait accepté pour lui l'offre générale d'un retour en taxi gratuit jusqu'à leurs villes d'origine, en revenant à Victorville, à quelque 80 km, a affirmé Det. Jeff Highee, porte parole de la police d'Ontario.
« Lundi prochain, tous ceux qui sont supposés être partis devraient l'être » dit Highee. Les bracelets sont seulement temporaires pour indiquer qui est qui. »
Pendant que les agents en charge des SDF étaient en train de le diviser, d'autres construisaient la clôture autour du nouveau camp. Les SDf autorisés recevront des permis renouvelables de 90 jours.
Peter Bibring, délégué de la America Civil Liberties Union of Southern California (LDH locale), visitait Tent City et parlait avec des agents de la ville.
« Nous sommes préoccupés par le fait que même s'ils essaient de limiter le peuplement du camp, ils ne dépendront pas des arrestations ou des saisies pour faire partir des gens qui n'ont nulle par où aller et qui cherchent juste un endroit où dormir. » dit-il « on va continuer de contrôler ».
Même si personne au camp n'ait l'air content de la tentative de réduire Tent City,certain essayaient de voir les choses du point de vue de l'administration communale.
Tina Gove, 39 ans, s 'était retrouvée expulsée de sa maison de Pomona et elle résidait dans le camp depuis 3 mois. Comme beaucoup de résidents du camp, sa vie était marquée par des problèmes de drogue et de maladie mentale.
Elle avait dû se séparer de ses 4 enfants parce qu'elle avait connu des problèmes de dépendance à la méthamphétamine.
« s'ils m'expulsent, je serai à nouveau à la rue et je veux éviter ça parce que ça me fait peur » dit-elle, « mais je pense qu'il faut être reconnaissant parce que si Ontario ne nous avait pas ouvert ce terrain, où serions-nous aujourd'hui ?
By David Kelly, Los Angeles Times Staff Writer
March 18, 2008
david.kelly@latimes.com
Traduction par
Borogove d'un texte paru en anglais : http://www.latimes.com/news/local/orange/la-me-tents18mar18,1,7073495.story
voir aussi une vidéo sur :
http://www.youtube.com/watch?v=jmeHiFZUWtE