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lu sur cequilfautdetruire. : " Il y a vingt ans, les agriculteurs étaient deux millions en France. Aujourd’hui, il faut diviser par quatre. Où en est la paysannerie aujourd’hui ? Sans prétendre être exhaustif sur le sujet, CQFD s’est attelé à la tâche et nous voilà avec ce numéro spécial fleurant bon le terroir et le maroilles artisanal. Car malgré tout, rien n’est perdu. Les campagnes se repeuplent, les campagnes bougent. Des bagarres vitales s’y livrent, peut-être moins archaïques et plus constructives que beaucoup de résistances urbaines. Alors que la mythique classe ouvrière, laminée, atomisée, précarisée, en est souvent réduite à se battre le dos au mur contre la détérioration accélérée de sa condition, les paysans semblent aujourd’hui placés au cœur des enjeux de l’époque. Menacés eux aussi d’extinction, ils ont encore à portée de main les moyens de faire bouger le monde dans le sens de la bonne vie et de l’intérêt commun. Néo-ruraux ou pécores vernaculaires, beaucoup remettent en questions la dépendance - devenue traditionnelle - aux banques, à l’industrie agroalimentaire et à la grande distribution. On murmure aujourd’hui que de nombreuses chambres d’agriculture pourraient tomber dans les bras de la Confédération paysanne lors des élections de janvier 2007. Pour quoi faire ? Que la Conf’ devienne la FNSEA du PS ? Ou pour généraliser la critique en actes des projets mortifères de la technocratie européenne, qu’il s’agisse des OGM, de la PAC ou de la parkerisation du vin ? À CQFD, on préfère de beaucoup la deuxième hypothèse, mais c’est pas gagné : les fesses du plus endurci des révoltés ont tendance à se ramollir dans le cuir souple des fauteuils à « responsabilités ».
On se souvient des actions de soutien de certains paysans de Gironde ou du Poitou aux jeunes anti-CPE du printemps 2006. Même si leurs gestes restèrent anecdotiques, ils eurent le mérite de jeter des ponts entre ville et campagne, comme l’alliance des paysans et des travailleurs en grève lors de « la commune de Nantes », en mai 68. Grâce à ces précédents, on peut rêver de contacts similaires avec, par exemple, les prolos liquidés dans les Ardennes. Non pas pour leur proposer un retour en masse à la terre, ni même leur prodiguer des conseils pour la réintroduction de jardins ouvriers (quoique...), mais par simple solidarité, et par souci de poser enfin les vraies questions. Comment voulons-nous vivre ? Que voulons-nous produire ? Qu’aimons-nous manger et boire ? Avec qui voulons-nous être en relation et, soyons fous, en association ? Ce qui amène inévitablement à poser aussi la question stratégique de la souveraineté alimentaire. D’un pays, d’une région, d’une commune. Cette souveraineté-là, indispensable à la souveraineté tout court, s’est perdue dans les pays « riches », mais a aussi été bradée dans les pays du Sud, où le super-gouvernement mondial qu’est la triade FMI-OMC-Banque Mondiale a imposé le « tout pour l’exportation ». Ce qui a eu comme résultat de rendre tout le monde dépendant, non pas des échanges entre pays voisins, mais des spéculateurs, des gros intermédiaires et de la haute finance.
Et voilà que le système en est rendu à calculer combien lui coûterait la fin du monde ! 5 500 milliards d’euros, selon le rapport de l’Anglais Nicholas Stern, ancien économiste en chef de la Banque mondiale, qui annonce en substance que le problème n’est pas que la planète étouffe, mais que si ça continue ça risque de coûter drôlement cher. Ce qui prouve que la maladie du monde commence dans leur tête. Les abrutis qui tirent profit des émissions de gaz à effet de serre croient sans doute que leur aberration économique est éternelle, qu’elle survivra à l’humanité, et même à n’importe quel cataclysme planétaire... Ils supputent déjà les dividendes de la reconstruction, comme dans un grand Irak universel... Depuis les jacqueries du Moyen-âge jusqu’aux sans-terre brésiliens actuels, en passant par les collectivités agraires d’Aragón en 1936, les mouvements paysans ont souvent, malgré de cuisantes défaites, portés en germe un retournement du monde enfin remis à l’endroit. Et sans forcément attendre la venue du grand soir, de nombreuses résistances mêlées d’expérimentations sociales se font jour et perdurent. Si, en prime, les fruits, les légumes, la viande, le pain, les fromages et le vin retrouvent leur saveur... Que demande le peuple ?
Publié dans le supplément "Total Rural" du n°40 de CQFD, décembre 2006.