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Syndicalisme
Lu sur Le Forum anarchiste : Je pense que le discours anti-syndicaliste jette le bébé avec l'eau du bain, c'est à dire le principe de l'organisation syndicale avec la bureaucratie syndicale.

Pour moi, le principe de l'organisation syndicale, au départ, est tout simple : c'est un regroupement, une association de travailleuses et de travailleurs qui défendent leurs intérêts partiels et globaux, immédiats et futurs.



Ce regroupement se fait sur une base professionnelle, ou d'industrie, parce que dans le monde du travail, la première chose qu'on a en commun et qu'on peut discuter, ce sont nos conditions d'exploitations, qu'elles soient communes ou spécifiques, celles que l'on partages avec d'autres travailleuses et travailleurs sur notre lieu de travail, ou sur d'autres.



C'est à partir de cette nécessité matérielle -se défendre face aux patrons, sur le lieu même ou ils exercent directement leur pouvoir sur nos vies, l'appareil de production- que les travailleuses et travailleurs s'organisent, pour la plupart. Pas à partir de discours idéologiques abstraits.


La réflexion théorique, la prise de conscience de classe se fait en prise directe avec la situation quotidienne de face à face avec la hiérarchie, et des termes tels qu'exploitation, domination, prennent un sens matériel et réel dès lors qu'ils sont liés à l'éxpérience concrète des conditions de travail, de la hiérarchie, des ordres, etc...

 


Or, si dans les mouvements sociaux, il est possible de déborder les bureaucraties syndicales, que cela se fait en général dans des structures d'auto-organisation issues de la nécessité de la lutte elle-même, on peut constater plusieurs choses :

 
1/ En général, dans le monde du travail, les luttes émergent là où il y a la conjonction du ras le bol des travailleuses et des travailleurs et d'une conscience de la possibilité de l'action collective, du changement, l'embryon d'une conscience de classe. Et c'est justement tout le travail - d'information, de mobilisation, de défense individuelle et collective- effectué au quotidien dans les sections syndicales -fussent de syndicat soc-dem', réformards ou bureaucratique- que rend visible cette possibilité d'agir collectivement. Cela n'a rien d'un hasard si tous les mouvements sociaux d'ampleur, quant on parle du monde du travail, ont eu lieu et ont lieu- dans les secteurs où les syndicats sont encore présents -mêmes réformards-, et que dans les entreprises qui sont des déserts syndicaux, les grèves sont quasimment inexistantes, la culture de résistance cède la place à celle de la démerde individuelle.

Et cela, tous les discours antisyndicalistes ne peuvent le nier. Depuis 30 ans, on n'a jamais vu une combattivité aussi faible dans les boites, précisémment parce que les sections syndicales ont été désertées, et que les militant-e-s et militant-e-s s'investissent dans des luttes extérieures aux boites, parce que l'antisyndicalisme fait que le plus souvent ceux qui braillent sur les "vilains syndicats" (amalgamant bureaucratie et sections syndicales de base) dans des AGs de luttes se gardent bien d'ouvrir leur gueule sur le lieu de travail, que l'on préfère les incantations "révolutionnaires" que le boulot ingrat de la construction des conditions de luttes, que la prise de risque concrète et réelle face aux chefs et au patron (mais qui débouche sur des dynamiques collectives). Bien sur, il y a d'autres raisons (développement de la précarité, sous-traitance, multiplication des PME, mais cette situation existait également aux origines du syndicalisme, avec pourtant des grèves et mouvements sociaux importants)


Je ne pense pas non plus que, hors crise d'ampleur, la révolution soit un "grand saut" de l'inaction la plus totale à l'insurrection armée. Je pense que la conscience des possibilités de rupture qu'offre l'action collective se fait dans l'expérience de la lutte, et que les "conquètes" partielles immédiates, mêmes éphémères et dérisoire par rapport à la brutalité de l'exploitation capitaliste, ouvrent sur la volonté d'avoir plus jusqu'à rendre insupportable l'ordre existant et vouloir récupérér tout ce que le patronat nous vole, DES LORS que ces conquètes immédiates sont obtenues par l'action collective et directe.


Si on prends l'exemple de la révolution espagnole, justement, ce que l'on oublie ce sont le rôle des 80 ans de militantismes qui l'ont précédé (grèves partielles, interpro, insurrections localisées, etc...) autour de "revendications" très basiques : bouffer, bosser moins, etc... Etait-ce pour autant du réformisme ? Non, parce que jamais, tout en luttant pour ces améliorations immédiates, les camarades espagnols n'ont perdu de vue que c'est le capitalisme et l'Etat en soi qui étaient légitime et qu'ils ne devaient pas s'arrêteravant d'avoir les moyens de tout récupérer, qu'ils savaient qu'il s'agissait d'étapes dans la construction d'un mouvement révolutionnaire (la "gymnastique révolutionnaire", comme disait Pouget), et que le renversemment définitif et violent de la société de classe était une nécessité.

Une dose d'organisation permanente et de contre-information, une dose d'alternative réfléchie collectivement- une étincelle de ras le bol et de révolte ("spontanée", encore que même cela ne le soit pas toujours entièrement, la possibilité de la révolte dépend aussi du cadre social et historique), voici les ingrédients de la bombe révolutionnaire.


Souvent, les camarades formés à l'éxpérience des luttes étudiantes ou lycéennes- c'est aussi mon cas- sous-estiment cet aspect. tout simplement parce que ce qui est présenté comme des "syndicats" étudiants ne sont en fait que des association politiques, et que le rapport aux choses et à l'exploitation n'est pas du tout le même sur une fac ou un lycée : les lycéens ou étudiants ne perdent pas de salaire quand ils font "grève" -c'est à dire qu'ils manifestent, ils et elles n'ont pas en généal une famille à charge, et s'ils font quotidiennement l'expérience de l'autorité, la dynamique des mouvement n'est pas du tout la même.


Il est d'ailleurs significatif que beaucoup des étudiant-e-s et lycéen-ne-s ultra radicaux, quant ils entrent dans le monde du travail (s'ils y entrent, mais c'est le cas de la plupart) passent du révolutionnarisme verbal le plus "radical" à l'inaction la plus totale sur leur lieu de travail, parce que l'expérience nouvelle du rapport salarial montre que sur le lieu de travail, ce n'est pas la harangue qui marche pour mobiliser, mais le boulot quotidien, et que quand on fait face au chef, qu'on a des traites à payer -et éventuellement des mômes à charge- on y réfléchit à deux fois, et que le collectif -dans sa permanence aussi- est donc incontournable pour agir.

 


2/ Après les mouvements, quand ceux-ci "retombent", l'expérience de la lutte a tendance à se perdre en partie. Les sections syndicales, à la base, font office de mémoire collective (des pratiques de lutte, du raisonnement stratégique). De même, en période de calme, ce sont les sections syndicales qui sont un point d'appuis pour les travailleuses et travailleurs isolé-e-s, sur le lieu de travail, face à l'arbitraire patronale. Dans la plupart des boites où il y a résistance face au patron, c'est en leur sein qu'elle s'organise. Ce sont elles qui jouent au quotidien un rôle de contr-information sur le lieu de travail, en mutualisant les analyses.


Il existe encore des milliers de sections syndicales composées de prolos sincères et combattifs, qui s'organisent pour résister face au patron. Cela n'a rien d'un hasard.


Parler du syndicalisme comme "négociateur de la force de travail", c'est n evoir que le rôle que se donnent-elles-mêmsles bureaucraties, pas ce qui fait la force du syndicalisme, sa puissance de levier, c'est amalgamer l'optique trade-unioniste des bureaucrates et le syndicalisme de la base.


Il y a conflit entre deux cultures : le syndicalisme et le trade-unionisme. Malheureusement, aujourd'hui, le trade-unionisme est présenté comme du syndicalisme. c'est pour cela que les burocraties nous balladent avec es grèves de 24 heures, des grèves d'opinion lobbyistes.


Mais localement, il y a des conflits qui s'incrivent dans la durée. c'est au niveau interpro que les bureaucraties bloque, et c'est ce constat, sans rejetter le bébé syndicale avec l'eau du bain politicienne et bureaucratique, qui rend nécessaire l'organisation sur des bases intersyndicales et interprofessionnelles, pour dépasser l'esprit boutiquier des OS.

 


3/ Enfin, je pense que la dynamique d'un processus révolutionnaire, la possibilité d'une transformation révolutionnaire de la société dépend de la crédibilité d'une alternative. S'il est aisé de démontrer que le capitalisme et l'Etat sont incapable d'assurer les besoins et répondre aux aspirations de la populations, le passage d'un situation de refus à une situation d'action -dans une perspective de transformation de la société- n'est possible que si la majorité de la population croit en la possibilité d'une alternative. Elle n'est possible que si dans le moment révolutionnaire, les travailleuses et travailleurs sont capables d'abolir l'Etat, d'exproprier les patrons, mais aussi de ré-organiser l'économie par eux-elles mêmes et pour eux-elles mêmes. Que si également des améliorations rapides sont constatées. Or, la gestion directe des entreprise, l'autogestion, cela ne se proclame pas, ça s'apprends. Dans les pratiques quotidiennes, mais aussi, au niveau économique, dans la prise de conscience des rouages économiques. L'organisation syndicale est incontournable sur ce terrain : c'est elle qui permet aux travailleuses et travailleurs des différentes boites de se connaitre et de se mettre en lien, toutes choses précieuses dans une situation révolutionnaire, pour éviter la désorganisation de l'économie, des moyens de productions et de distributions, et la remettre en marche sans hiérarchie ni patron.



c'est justement ce qui faisait la force de la CNT espagnole (on peut revenir sur ses faiblesses, mais à mon avis elles ne sont pas inhérentes à la forme syndicale).


dans une situation révolutionnaire, la première nécessité qui se présente c'est : organiser la production et la distribution de la nourriture, des besoins essentiels, ce sont les conditions de bases pour la viabilité de la révolution. et ça, quoi qu'on en dise, cela ne s'improvise pas.
Berckman

Ces propos de Pierre Besnard me semblent encore d'actualité :

Citation:
Voyons, maintenant quelles sont les caractéristiques de la grève générale.

J’ai dit qu’elle marquait, d’abord et avant tout, la cessation de la production, l’arrêt du travail, en régime capitaliste.

Cela veut dire que les ouvriers, puis les paysans, doivent simultanément abandonner le travail ? Ceci implique-t-il qu’ils doivent quitter le lieu du travail, l’abandonner aux patrons ? Non. A l’encontre de ce qui se passe généralement en cas de grève, les ouvriers devront, en même temps qu’ils cesseront le travail, occuper le lieu de production, en chasser le patron, l’exproprier et s’apprêter à remettre en marche l’appareil arrêté, mais au compte de la révolution.

La cessation du travail, l’arrêt de la production n’ont donc pour but que d’exproprier les possédants capita-listes et de prendre en mains les instruments de produc-tion et d’échange, en même temps qu’on se débarrassera du pouvoir étatique.

De la durée de cet arrêt dépendra, tout l’avenir du mouvement révolutionnaire. Il conviendra donc :

1°) De réduire le temps d’arrêt au strict minimum ; 2°) De reprendre, aussi rapidement et aussi complè-tement que possible, les échanges entre les villes et les campagnes, et vice-versa.

Il ne faudra pas renouveler les expériences passées, perdre son temps à fêter la victoire. Il faudra l’organi-ser et immédiatement.

Du fait de la révolution, les besoins seront considéra-blement accrus. Il faudra les satisfaire aussi largement que possible.

De nos jours, une révolution qui ne permettrait pas d’augmenter rapidement la production, de réaliser un progrès tangible et presque instantané, serait infailli-blement vouée à l’échec.

On peut en conclure que, selon que les syndicats seront ou non capables d’accomplir les tâches ci-dessus, la révolution VIVRA OU MOURRA. C’est toute la révolution qui se jouera donc dès les premiers jours.

Comment peut-on réduire au strict minimum le temps d’arrêt de la production et reprendre au plus vite les échanges ?

En utilisant immédiatement, sur le plan syndical, les forces conjuguées qui, de tout temps, ont assuré et assureront la vie de la société : les manoeuvres, les techniciens ci les savants.

Si cette conjugaison est opérée au préalable, toutes les forces de la production seront à pied d’oeuvre et immédiatement - aussitôt la dépossession - la remise en marche de l’appareil de production et d’échange s’effectuera, sans à-coups, normalement, pour satisfaire les besoins de tous, pour donner à manger à la révolution.

Si cette concentration des forces n’est que partielle, le succès sera plus lent, plus difficile, moins complet. La vie de la révolution pourra être en danger. Si ces forces ne se soudent pas au plus tôt ; si, enfin, la conjonction n’est pas commencée, si les manuels, les techniciens et les savants n’opèrent pas, TOUT DE SUITE, leur groupement au sein du syndicat, c’en sera fait de la révolution. L’insurrection politique triomphera et, avec elle, un nouveau pouvoir étatique.

Il n’y a, à ce sujet, aucun doute à garder, aucune illusion à conserver. Le peuple se sera donné de nou-veaux maîtres. Sa libération ne sera pas encore pour cette fois.

* * * *
Ecrit par gyhelle, à 16:29 dans la rubrique "Actualité".



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