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sortie de l’économie : Pistes et stratégies existantes
Lu sur forum décroissance info : "Si être objecteur de croissance, ce n’est pas seulement remettre en cause la croissance économique dans ses conséquences négatives (que maintenant même les non-objecteurs de croissance ne contestent plus !!), mais déployer une vie quotidienne matériellement plus indépendante de l’économie, plusieurs stratégies semblent possibles :

1) Pluri-activité artisanale et rurale, autogérée/coopérative

Ce sont par exemple Ambiance Bois ou d’Oxalis (1), où la volonté de « vivre et travailler autrement » ou d’inventer un « autre système économique » se rapprochent nettement d’une réappropriation et d’une autonomisation du fait de la dimension rurale de ces projets. On est là au croisement du militantisme (éducation populaire) et de l’entreprenariat, avec la volonté de mettre la personne au centre des activités, de faire tourner les tâches, de décider ensemble, de casser la frontière entre vie privée/familiale et vie professionnelle, etc.

La sortie de l’économie gagnerait à y être théorisée, du fait de poids très important de la dimension économique de ces initiatives, sur laquelle s’aligne à l’évidence la vie professionnelle dans ses structures, même si on peut considérer que les activités professionnelles y sont d’avantage choisies qu’ailleurs, puisque créées.
Et inversement ces projets très originaux (en comparaison de n’importe quelle entreprise où la plupart d’entre-nous travaillent) sont autant d’expérience où des personnes redéfinissent leur rapport à l’économie en se rendant solidaires les unes des autres : c’est là d’ailleurs un aspect trop peu développé dans les livres qui sont parues sur ces expériences (2).

En effet, c’est au sein et à partir de cette vie solidaire communautaire que toutes ces initiatives se déploient. A la limite les activités économiques concrètes déployées sont beaucoup moins intéressantes que cette vie communautaire qui, très concrètement, permet que les personnes s’activent au quotidien, sans comptabilité ni de temps, ni d’argent, ni d’échange d’aucune sorte. Les activités bénévoles se mêlent aux activités rémunérées/rentables, un peu comme au sein de n’importe quelle entreprise familiale, sauf qu’ici la grande originalité est que le groupe dépasse cette frontières familiales.

On peut d’ailleurs penser que cette situation où se mêlent activités non comptabilisées et activités économiques rentables est très banales dans beaucoup de petites entreprises, et mêmes les plus grandes, où il n’y a jamais un recouvrement exacte entre le temps comptabilisé et la rémunération, entre le temps d’activité et le chiffre d’affaire qui peut en découler. Et c’est bien pour cette raison qu’il y a à mon sens un gros travail de réflexion à mener sur ces entreprises collectives/solidaires…

2) Activités d’autoconsommation et autoproduction complétant une activité rémunérée

C’est ce que l’on appelle le « travail à côté » (Florence Weber) très présent chez les ouvriers jusqu’à récemment avant la vague désindustrialisation des années 1980, mais bien-sûr très présent ailleurs sans toutefois être théorisé. Car on peut distinguer, justement, les cas où le « travail à côté » n’est volontairement pas comptabilisé, et celui où il résulte d’un arbitrage économique classique du style « ça me revient moins cher de poser mon carrelage moi-même dans ma salle de bain ».
Globalement, l’autoconsommation dans la plupart des cas ne dépasse pas la limite familiale, tandis que le « travail à côté » des ouvriers allait au delà.
Quand les ouvriers sont tombés au chômage, leur autoproduction s’est monétarisée en devenant travail au noir (3). La faute à qui/quoi ? A creuser.

3) Bénévolat associatif, prosommation

Là encore, le domaine est très large, riche en expériences qui ne sont pas suffisamment théorisées en tant que « substruction » (4) face à l’économie.

Je distingue le bénévolat, où l’activité non rémunérée cible un autre public que les bénévoles, de la prosommation, qui recouvre des activités également non rémunérées mais dont les destinataires sont les personnes qui s’activent. La prosommation est à distinguer de l’autoproduction car elle se déroule dans un cadre économique marchand : c’est l’exemple des Amap qui recouvrent tout ce que font les amapiens, et que le producteur ferait hors Amap et donc devrait rémunérer. A noter que cela pourrait être considéré comme du travail au noir (le cas s’est produit en Amap dans le sud-est semble-t-il).

Cette articulation bénévolat associatif et activité économique est un domaine de réflexion à part entière (gros d’ennuis fiscaux potentiel aussi, on peut le supposer).

On le retrouve dans le cas de la pluri-activité artisanale décrit plus haut, sauf que dans ces situations les destinataires ne sont pas les travailleurs de cette pluri-activité (clairement : on produit pour vendre et la recherche de rentabilité guide cette pluri-activité). Ceci dit la démarche associant bénévoles et travailleurs rémunérés est très intéressante dans la logique de sortie du salariat et de création de sa propre activité profesionnelle... Elle est beaucoup moins évidente du point de vue d’une sortie de l’économie : en effet, la synergie recherchée entre bénévolat et activité rémunéré fait que le bénévolat est dépendant de l’activité économique en question. A creuser, là encore.

4) Squat, perruquage

On entre là plus dans l’illégalité (mais l’illégalité pend aussi au nez des solutions précédentes, pour peu qu’elles se développent en atteignant un certain seuil…). Cela concerne donc les lieux de vies, d’habitation ou de terre. Mais aussi le matériel utilisé dans un cadre professionnel (perruquage).

5) Etre nourri blanchi, bolo

C’est sans doute la voie la moins explorée, mais la plus logique et celle proposée dans Bolo’bolo.
Des personnes, au lieu de recevoir de l’argent pour leur subsistance, jouissent directement d’un « socle de subsistance » minimale, à la production de la laquelle elles participent et à petite échelle (Bolo cite 300 personnes), mais de façon non comptabilisée (à la hauteur de leur capacité).
C’est aussi une voie pertinente dans une optique décroissance/écologique car la question subsistance touche la culture matérielle et notre capacité à reproduire localement et durablement des conditions de survie minimales (de façon à ne dépendre économiquement de l’extérieur que pour le « luxe », disons).

On peut trouver à l’état non théorisé de telles pratiques, chaque fois qu’un membre de la famille ou un ami est hébergé, pendant un certain temps et le temps de (re)devenir « productif ». Ou encore chaque fois qu’un travailleur rémunéré reçoit un « avantage » en nature, qui peut être ou non chiffrable en argent. C’est aussi le cas d’ouvriers agricoles parfois (logé chez leur patron) ou du Wwoof (5)/

Conclusion :

Une réflexion à mener pour éclaircir le rôle possible de différents critères et stratégie, qui sont autant d’ingrédients pour cuisiner la recette de sortie de l’économie. Sachons y goûter… mais comme tout goût, ça s’apprend, ça n’a rien de naturel.
Donc il faut bien également avoir en tête l’analyse anti-économie de base : séparation producteur/consommateur, impossibilité de l’échange et critique de la valeur-travail.

Entrées pour un tableau récapitulatif des stratégie de sortie de l’économie

- théorisé/non théorisé
- Pluri-activité/collectif autogéré
- Articulation bénévolat/activité économique
- Prosommation
- Séparation producteurs/destinaires-consommateurs
- Squat
- Nourri/blanchi (bolo)
- …

Deun


(1) http://www.oxalis-bauges.org/
(2) Lulek, « Ambiance Bois, Scions travaillait autrement ? »
Béatrice Poncin, « Trajectoires Indicibles, Oxalis, la pluriactivité solidaire »
(3) Florence Weber, « Le travail au noir : une fraude parfois vitale ? »
(4) Construction et subversion, selon le néologisme de Bolo’bolo.
(5) http://www.wwoof.fr/
Ecrit par libertad, à 09:54 dans la rubrique "Economie".



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