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Lu sur Regards : "En réanimant leurs entreprises en faillite sous forme de coopératives, des ouvriers démontrent qu’ils sont capables de participer à la gestion. De telles initiatives pourraient-elles sauver plus d’emplois et remettre au goût du jour le statut de Scop ? Monsieur N’Guyen n’est pas un directeur comme les autres. A peine en finit-il avec le traitement des commandes qu’il dégage son bureau pour trier les fermetures éclair nécessaires à la production : « Dès que possible, je file ce coup de main à mon équipe tout en restant disponible au téléphone pour nos clients ! » Avant 2003, M. N’Guyen était un cadre administratif et logistique dans la PME de fabrication de sacs et de portefeuilles en cuir, Le Vacher. Aujourd’hui, il occupe le poste de directeur, élu pour trois ans par ses collègues et associés.
Cette entreprise familiale qui existe depuis les années 1940 a changé plusieurs fois de propriétaires. Le dernier a déposé le bilan suite à des d’erreurs de gestion. En février 2003, sa liquidation semblait pourtant inévitable et ses vingt-cinq salariés étaient en sursis. La plupart avaient des décennies d’ancienneté. Pour sauver leurs emplois, seize d’entre eux ont créé une société coopérative de production, Scop, (voir encadré) reprenant ensemble les rênes de leur entreprise en crise.
Le courage de ces ouvriers du cuir n’est pas si exceptionnel. La reprise ou « réanimation » d’entreprises en difficulté par leurs salariés est un combat historique du mouvement coopératif. « En règle générale, quand l’économie va mal, les Scop se multiplient ! », souligne Daniel Arnaudin, directeur de l’antenne Ile-de-France de la Confédération générale des Scop (CG Scop), dont la vocation est d’accompagner les coopérateurs et d’encourager le développement des coopératives dans chaque région grâce à des unions régionales (UR Scop).
En dix ans, cet organisme a comptabilisé 127 cas de réanimation soutenus par son réseau. Ces statistiques, cependant, sous-estiment le phénomène. En effet, quand une entreprise en difficulté interrompt son activité, puis donne lieu à la création d’une nouvelle personne morale sous forme de Scop, elle est considérée comme une création « ex-nihilo ». Ainsi, bon nombre de créations de coopératives (1 368 entre 1995 et 2005) sont des formes de réanimation pour sauvegarder l’emploi. D’autre part, 117 « transformations » ont été répertoriées en dix ans. Ce sont des entreprises passées en Scop après le départ en retraite du patron. Certaines étaient aussi en difficulté. Le taux de survie de ces entreprises réanimées ou transformées est de 80 % après cinq ans. Un bon score.
Partenaires
A la base de toute réanimation, l’idée doit germer au sein des travailleurs. Début 2003, M. N’Guyen contacte l’UR Scop dont l’équipe va animer une série de réunions avec les salariés. « Ces intervenants extérieurs sont nécessaires pour rassembler les individus », confie-t-il, avouant qu’il aurait été incapable, seul, de motiver le reste du personnel à la reprise.
Selon Daniel Arnaudin, un projet de réanimation a nécessairement besoin d’être porté par des meneurs. Le profil type de l’entreprise en difficulté susceptible d’être reprise par ses travailleurs serait donc une PME de taille moyenne, organisée socialement, avec un comité d’entreprise (CE) ou au moins des chefs d’équipe. « Trop petite, le patron y a toujours été omnipotent et les salariés sont trop habitués à lui obéir ! Trop grande, l’entreprise est difficile à financer et pâtit de conflits syndicats-patronat, voire de batailles inter-syndicales qui transforment le projet de reprise en enjeu politique au détriment de l’aspect économique. » Théoriquement, les syndicats seraient donc les partenaires de premier plan de toute réanimation. Toutefois, les confédérations n’ont pas toujours appuyé cette solution et les syndicalistes envisageant la reprise en Scop reçoivent parfois plus de mises en garde que d’encouragements de la part de leur organisation. « La forme de coopérative n’est pas bien conseillée par les syndicats parce que le rôle du syndicat dans une Scop est ambigu », rapporte Claude Doua. Ce cégétiste siège à la fois au CE et au conseil d’administration (CA) de la Scop Precial Casting, une fonderie réanimée en région lyonnaise à Civrieux d’Azergues. « C’est vrai que l’on conteste plus souvent dans une entreprise traditionnelle. Dans une Scop, il faut juste repenser son rôle sans rabaisser les revendications. D’ailleurs, un syndicat n’est jamais contre l’entreprise, il est pour, si elle redistribue bien ! » Son usine a appartenu à un groupe américain qui l’a vendue à un fonds de pension, qui l’a lui-même cédée à un groupe italien. Ce dernier a vidé les caisses de la fonderie pour combler les trous financiers de ses autres entreprises, menaçant soixante-seize personnes de licenciement sur ce site. C’est sous l’impulsion du CE que le redémarrage de l’activité en Scop a eu lieu dès janvier 2005.
Pour sauver cette fonderie, tous les ouvriers n’ont pas accepté d’engager trois mois de salaire au capital de la coopérative. Certains sont restés simples salariés de la Scop. S’ils peuvent bénéficier d’un accord d’intéressement aux résultats, ils ne seront pas associés aux décisions, ni au partage des dividendes. Certains hésitent, en effet, à miser sur un redémarrage. Comment seraient-ils plus doués que le patron pour la gestion ? Peuvent-ils croire au projet quand leur secteur paraît en crise ? Des productions des pays du Sud n’arrivent-elles pas sur le marché français à bas prix ? Les reprises difficiles
Dans un projet de Scop, il ne s’agit pas d’envoyer les travailleurs au casse-pipe : toutes les entreprises menacées de fermer ne sont pas récupérables par leurs salariés. Encore faut-il qu’un marché local existe pour certaines de leurs productions et que des moyens financiers soient accessibles. Or, lorsqu’une entreprise ferme, ce n’est pas forcément à cause d’une perte de marché. Cela peut être dû à une défaillance du manager ou à une stratégie du groupe. Selon Patrick Lenancker, le vice-président de la CG Scop, les délocalisations industrielles proprement dites sont toutefois des expériences de reprise difficiles, voire impossibles. « Dans ces situations, explique-t-il, il y a de très gros enjeux qui dépassent notre savoir-faire de base. Par contre, un groupe qui ferme un site, entraîne une série de sous-traitants. Ce sont des PME de moins de cent salariés dotées d’un savoir-faire spécifique. C’est là que nos outils en termes de conseils, de formations** **et de finances sont les plus appropriés ! »
La coopérative Le Vacher a su valoriser son savoir-faire : une marque de luxe confiante en l’expérience des ouvriers s’est engagée à renouveler ses commandes. A Precial Casting, c’est une grande enseigne informatique qui a recommandé des pièces d’aluminum. A l’heure de la constitution du dossier de reprise, ces garanties de clients servent à obtenir les crédits bancaires si ardus à décrocher. Plus sensibles à l’esprit Scop, les banques coopératives ne prêtent pas par humanisme, mais sur la base d’un projet solide. Leur engagement rassure les représentants des banques commerciales qui finissent, au mieux, par accorder d’autres prêts pour boucler le budget. Ainsi, les dossiers financiers des Scop se ficellent laborieusement, dans l’urgence. Patrick Lenancker regrette le manque de soutien politique et financier de l’Etat, persuadé que des milliers d’emplois pourraient être sauvés : « Les aides aux chômeurs à la création d’entreprise n’ont eu de cesse d’être modifiées par les gouvernements ! » regrette- t-il (voir encadré p. 46).
« Au nom de la sauvegarde de l’emploi, il faut une loi-cadre ! » martèle le vice-président de la CG Scop. Son contenu rêvé : un apport, une avance ou la transformation de ce que les repreneurs toucheraient au chômage, sous forme de capital. Le tout assorti de différentes formes d’abondement et d’un prêt bonifié. Pourquoi pas une incitation à l’épargne salariale pouvant être utilisée au financement des réanimations ? La dernière étape avant la reprise se déroule au tribunal de commerce. C’est là que se joue l’avenir de l’entreprise qui peut se solder par trois issues : la réanimation en Scop, le rachat par un repreneur ou la liquidation. Mais, selon les régions, ces entités juridiques sont constituées de dirigeants d’entreprise doutant fréquemment de l’esprit coopératif et de la capacité de salariés à devenir patrons. Dans le Nord-Pas-de-Calais, le mouvement coopératif se heurte à des rejets en série. « Ici, des décideurs pensent que Scop veut dire : société communiste de production ! », ironise Jean-Marc Florin, le directeur de UR Scop lilloise.
M. Florin sait que la pédagogie peut venir à bout des préjugés sur l’autogestion, même si cela doit prendre du temps. Ce qu’il incrimine avant tout est l’inadéquation des lois, en particulier d’un article du code du travail : le L.122-12. Il est censé protéger les droits des salariés dans le cadre du rachat de leur entreprise ou d’une externalisation de certains services. Cependant, la jurisprudence a favorisé des interprétations assimilant forcément la reprise d’une entreprise à une continuation d’activité. Avec deux inconvénients possibles dans le cadre d’une réanimation en Scop : d’une part, l’obligation de réembaucher les effectifs ; d’autre part, le non-droit aux indemnités et aux aides destinées aux chômeurs puisqu’il n’y a pas de cessation d’activité. Or, aucun projet coopératif de réanimation n’est capable d’assumer la reconduction de tous les contrats de travail, qui plus est, sans indemnités ni aides comme moyens de financement. « On ne peut blâmer des juges qui ne font qu’appliquer la loi », considère M. Florin. Il suggère : « Il suffirait d’assortir cet article de l’exception : sauf dans le cadre de la reprise d’entreprises en Scop par leurs salariés… » Autre frein légal : comme il n’existe pas de droit de préemption des salariés, ils sont parfois en concurrence avec des repreneurs traditionnels. En théorie, les tribunaux attribuent la reprise de l’entreprise en fonction de la pertinence économique du projet et du nombre d’emplois sauvés. Mais l’argument social passe souvent à la trappe et des tribunaux considèrent qu’une société nouvellement créée, la coopérative, est moins viable qu’un repreneur capitaliste ayant de la bouteille… De plus, le Medef a attaqué l’idée d’économie sociale, l’accusant de concurrencer les entreprises du secteur marchand en jouissant de privilèges soi-disant exorbitants.
Medef et économie sociale
Pourtant, les avantages fiscaux dont bénéficient les Scop sont ouverts à toutes les PME qui ont signé un accord de participation. « S’il trouve cela si avantageux, que le Medef fasse des Scop ! », lance M. Florin. En fait, les aides publiques que les Scop reçoivent dans le cadre de réanimations sont plutôt indigentes en comparaison avec les avantages qu’elles représentent en termes de sauvegarde de l’emploi direct et indirect ou de dynamique économique régionale. Soutien politique et aides à la formation sont les seuls appuis reçus de la région par la fonderie de Civrieux d’Azergues.
Dans la fonderie, il y a désormais moins d’absentéisme et plus d’entrain : « On travaille pour nous ! C’est plus intéressant. Les gens regardent moins la montre », rapporte Denis Delorme, responsable usinage. C’est bien dans cet esprit que Jean-Pierre Figari, le directeur élu, entend le sens de la participation, appelant à plus : « Trouver comment dialoguer ensemble n’a pas été simple. Au CA, j’ai tendance à présenter les choses et les gens à m’écouter. On a toujours dit aux salariés : tu t’exprimeras quand on te le demandera, sans jamais le leur demander. » En dépit des difficultés, la Scop Precial Casting s’en sort bien après un an de fonctionnement. Laurent Sanchez est confiant, lui qui assure les relations clients : « L’esprit Scop est un atout en termes de management. Les salariés font les choses d’eux-mêmes. Cela nous a permis de ré-atteindre rapidement les niveaux de prestation que nos clients attendaient. Aujourd’hui, il faudrait montrer à tous les costards-cravates du monde du travail qu’il n’y a pas que le portefeuille qui amène les résultats, il y a aussi la relation humaine. » A la maroquinerie, M. N’Guyen tient le même discours. « Il y a moins de barrières entre l’administration et la production. Les problèmes peuvent être résolus plus vite. Le client apprécie la réactivité. » Comme son équipe est plus petite, le CA réunit tout le monde et l’information est continue. Une assemblée mensuelle expose les résultats de l’entreprise. Puis, des discussions statuent sur la part des bénéfices à réinvestir et la part à partager.
Du coup, dans l’atelier, le moral est au beau fixe : « La Scop, c’est que du plaisir et du bonheur qu’avant on n’avait pas », témoigne Khider, en cousant des sacs en cuir avec le sourire. Avant, il travaillait dans son coin fabriquant un produit de A à Z. Aujourd’hui, les ouvriers ont réorganisé la répartition du travail à la chaîne et discutent ensemble. Lorsqu’il le faut, ils travaillent plus, puis rattrapent leurs heures sup. Les mauvaises langues verront là une forme d’auto-exploitation. Ils répliquent : « En deux ans, nos salaires ont augmenté de 27 % ! Croyez-vous qu’un patron aurait accordé ça ?
Scop et CGT : rabibochage
/Le secrétaire cégétiste à l’économie sociale, Gérard Quenel, reconnaît une frilosité de sa confédération pour les Scop à certaines époques : « Ce désintérêt est lié aux débats dans le mouvement ouvrier sur le rôle de l’Etat, incarné par la différence de conception entre de deux penseurs : Proudhon et Marx, entre un socialisme autogestionnaire ou un socialisme étatique. » Aujourd’hui, il tente de remettre la coopération au goût du jour sans pour autant renier le combat pour la maîtrise publique des grands besoins de la population. En partenariat avec la CG Scop, Gérard Quenel travaille à la mise en place de formations sur les coopératives, destinées aux militants de terrain, premiers au fait des difficultés de leurs entreprises. Une première qui fait suite au colloque confédéral inédit sur l’économie sociale de novembre 2005 !/
Scop, comme Regards
/Notre journal est une Scop. Les sociétés coopératives de production sont des sociétés de personnes, non pas de capitaux. Elles appartiennent à leurs salariés : ils en sont les associés majoritaires. En assemblée générale, ce sont eux qui décident des stratégies et élisent leurs dirigeants. La participation aux décisions est garantie par le principe démocratique « un associé = une voix », quel que soit le poste qu’il occupe ou la part de capital qu’il détient. Une part des bénéfices est redistribuée aux associés, voire aux salariés. Une autre doit être affectée aux réserves « impartageables » : elles appartiennent à la société assurant son indépendance et sa pérennité./
coopérative version latino
La Scop est une composante dynamique de l’autogestion sur le continent sud-américain. Pratiques.
En Argentine, la réanimation d’entreprises en faillite sous forme de coopératives a revêtu une sensibilité plus révolutionnaire. Avec la crise, des travailleurs menacés de chômage sans indemnités ont occupé leurs entreprises illégalement pour les remettre en route sans patron, en autogestion. Ces usines dites « récupérées » sont au nombre de deux cents actuellement et ont sauvé plus de 10 000 emplois. Des mouvements fédèrent leurs travailleurs qui réclament l’expropriation des patrons au nom du bien social, questionnant le sacro-saint droit à la propriété privée. Ces Argentins constituent l’une des composantes dynamiques des mouvements sociaux du pays, voire du continent. Lors de plusieurs rencontres à Caracas, certains de leurs représentants ont commencé à travailler à la conformation d’un mouvement sud-américain d’entreprises autogérées incluant les expériences brésiliennes, uruguayennes, vénézuéliennes… La politique de « développement endogène » d’Hugo Chavez a permis, en effet, de multiplier le nombre de coopératives par cent en six ans au Venezuela. Les Scop y occuperaient déjà 600 000 personnes. Ce renouveau coopératif était d’ailleurs un thème central du dernier Forum social à Caracas. Mais cet essor pourrait cacher des abus. C’est pourquoi le ministère de l’Economie populaire entend désormais renforcer les contrôles pour que le fonctionnement ne contredise pas la lettre et l’esprit coopératif. « L’Etat vénézuélien a-t-il bien compris ce qu’est l’essence d’une Scop ? », questionne Bruno Roelants, secrétaire général de la Cicopa et de la Cecop, deux organismes regroupant respectivement les confédérations de Scop au niveau mondial et au niveau européen. S’il observe avec intérêt l’effervescence latino, il pense qu’une Scop doit être autonome, pas contrôlée par l’Etat. Voilà donc un vieux débat réactivé./
Aides de l’Etat, c’est pas l’Eden…
L’un des rares dispositifs français destiné à susciter des vocations d’entrepreneurs chez les chômeurs a été institué en 1979 : l’Accre (l’aide aux chômeurs créateurs d’entreprises). Entre 1982 et 1989, son montant a augmenté et cette aide, étendue aux personnes en difficulté, a accompagné bon nombre de réanimations. Sous la cohabitation Mitterand-Balladur, entre 1993 et 1995, les petits projets individuels ont été encouragés, plutôt que les sociétés. Plus de 80 000 personnes bénéficiaient alors annuellement d’une Accre ouverte aux chômeurs non indemnisés et aux RMistes. Le taux de mortalité de ces entreprises était comparable à la moyenne : 50 % après cinq ans. Pourtant, le gouvernement Juppé révise le dispositif, le recentrant sur les chômeurs de moyenne et longue durée. En 1996, c’est Jean-Pierre Raffarin, alors ministre du Commerce, qui attaque cette mesure phare. Le nombre d’entreprises créées chute. Le gouvernement Jospin réinstaure une aide similaire en 1997 : l’Eden, un prêt sur cinq ans à taux zéro. En 2001, l’Eden redevient une prime jusqu’à ce que Raffarin, premier ministre, la retransforme en avance remboursable. Entre temps, l’Accre a été réinventée sous forme d’exonération de cotisations. Kafkaïen ! En 2003, seules 16 000 personnes ont bénéficié de l’Eden…/