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De retour du Crifa [1], nous proposons une petite incursion dans le contexte militant, social et économique évoqués par les militants des trois fédérations anarchistes tchèques, belarus et bulgares, présentes à Prague.
Tchéquie : anarchie au ralentit
Après dix années de luttes acharnées tous azimuts, après la chute du Mur en 1991, l’activité anarchiste semble subir, selon nos camarades praguois restant fédérés, un ralentissement dû à plusieurs facteurs. Le premier relève d’une désillusion de plus en plus marquée, face au consumérisme à l’américaine qui s’installe dans la vie des Tchèques, mais également due à une lassitude des militants, après qu’ils aient organisé et participé à de grands événements, comme l’anti-G7 de 2000, qui fut un succès international. Un autre problème local réside dans le fait que les anarchistes fédérés sont surtout des étudiants anti-globalisation, qu’il ne reste pratiquement aucun ancien militant, encore moins de travailleurs et que les jeunes ne restent pas assez longtemps pour intégrer la transmission de l’expérience. C’est surtout vrai pour Prague, tandis que les choses semblent plus organisées en Moravie et en Slovaquie [2]. Les camarades praguois considèrent leur présence aux grandes manifestations, la tenue de tables de presse ou la vente de leur journal comme des activités de « train-train » récurrentes et artificielles, ne présentant aucune perspective sur le long terme. Aujourd’hui en Bohème, il semblerait que l’investissement anarchiste prenne une forme plus individuelle et activiste, les militants rejoignent les organisations qui se battent sur les luttes locale concrètes, refus de l’implantation de bases américaines sur leur sol, lutte contre la vidéosurveillance, contre l’expulsion des squats dans les centres villes voués aux touristes, enfin ce que les camarades qualifient d’urgence sociale. Aussi, les derniers fédérés se donnent deux ans de réflexion pour savoir s’ils retournent au sein de l’IFA. Pourtant, on estime le nombre de militants et sympatisants anarchistes à plus de 2 000 en Tchéquie. En attendant l’évolution des choses, les derniers membres de la fédération thèque s’investissent dans le développement d’un projet de e-radio et de site web.
Belarus : du sang neuf anar
En Belarus, la fédération anarchiste vient de rejoindre l’IFA. Elle se veut ouverte à tous les âges et compte aujourd’hui environ 200 militants fédérés, majoritairement à Minsk. Leurs axes de luttes tournent autour de la répression, des problèmes posés par le genre et surtout le refus de la politique de développement nucléaire souhaitée par le gouvernement, en lien avec leurs proches voisins anti-nucléaires allemands. Au niveau concret, la fédération souhaite prendre une forme représentative, afin d’exister devant la loi, seule alternative légale pour pouvoir, par exemple, sortir de prison les nombreux militants comme ceux violemment interpellés par la police en avril dernier, lors d’un rassemblement d’opposants au président Alexandre Loukachenko, le « tyran de Minsk » qui manifestaient contre la construction d’une centrale nucléaire et dont la plupart d’entre eux sont encore enfermés. Il faut également souligner que le pays est très peu ouvert, par exemple, pour sortir du pays, les visas sont encore difficiles à obtenir et ce, d’autant plus pour les militants anarchistes, sauf pour les destinations des derniers pays dits communistes (Corée du Nord, Cuba). C’est pourquoi devant un état si répressif, les anarchistes fédérés coopèrent avec les forces d’opposition belarus. Cependant, il est à noter que seuls les libertaires se déclarent contre la globalisation et que c’est bien sûr pour cette raison parmi tant d’autres, qu’ils sont moins visibles.
Bulgarie : un contexte difficile
Selon nos camarades de la fédération bulgare présents, la situation devient de plus en plus difficile dans le pays. A Sofia, la capitale, la population a pratiquement doublée, pour passer de un à deux millions en un an ( !), les grands buildings, réservés aux businessmen internationaux y poussent comme des champignons, la pollution et les embouteillages y sont omniprésents (les gens venant quotidiennement y travailler en voiture, parfois de plus de 150 kilomètres à la ronde). Même dégénérescence sur la façade de la Mer Noire, qui avant la chute du mur réservait ses luxueuses villas aux familles d’apparatchiks russes, remplacés aujourd’hui, par les apparatchiks du pouvoir socialiste, rivalisant en piscines grand luxe et venants de Sofia en jets privés. Dans le reste du pays, les derniers paysans et la population qui ne sont pas happés par l’appel de la mégapole souffrent et n’arrivent plus à lutter contre la vie chère et la misère. Le peuple bulgare a aujourd’hui trois pouvoirs à affronter : celui généré par un gouvernement socialiste corrompu, imbu de course aux richesses, celui de la gestion privée qui sévit dans tous les secteurs d’activité et celui produit par la récente entrée du pays dans l’Union européenne, que les anarchistes considèrent comme le troisième vautour technocrate prêt à s’enrichir sur le dos des pauvres et des exploités. Enfin, exception européenne, les libertaires bulgares ne se réclament pas de l’anti-nucléaire et fustigent Bruxelles de vouloir imposer des solutions énergétiques alternatives, tandis qu’ils pensent que seules les centrales garantiront l’indépendance du pays vis-à-vis de leur voisin géant russe, dont ils gardent un très mauvais souvenir !
[Patrick Schindler du groupe Claaaaaash, à Prague], dans « Le Monde libertaire » du 6 juin.
[1] Comité de relation de l’IFA (Internationale des Fédérations anarchistes), cette année le second avait lieu à Prague en Tchéquie.
[2] Anciennement liée au pays, avant la révolution de velours qui engagea la partition de la Tchécoslovaquie, aujourd’hui les liens rentent encore très forts entre les deux pays.