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SCENES DE PAUVRETE EN ISRAEL

Lu sur OCL :
Bien au-delà de la litanie obsédante des images d'attentats ou de représailles dont la société du spectacle est friande, Israël vit une réalité sociale dans laquelle la notion de pauvreté s'est largement banalisée. De cela, les médias ne parleront pas. Pas assez vendeur. Pourtant le phénomène est bien réel et va en s'amplifiant.

Les délires de toute-puissance conquérante de Sharon ont un prix, celui des coupes drastiques dans l'ensemble des budgets sociaux destinés aux plus démunis. C'est donc le retour dans la mendicité massive, les queues devant les soupes populaires dans les rues, l'extrême pauvreté d'une frange massive de la population qui n'a pas d'autres choix que de survivre grâce aux organisations caritatives. Les causes de cette situation sont bien connues, le coût de la guerre et de l'occupation mais aussi, tout simplement, le néolibéralisme.

Les femmes se radicalisent

Elles volent aux riches pour donner aux pauvres. Les camarades de l'activiste israélienne Ayala Sabag, les “ Lionnes de Jérusalem ” comme elles se dénomment, ont déclaré la guerre à la politique économique du gouvernement d'Ariel Sharon. Elles n'en sont pas à leur premier coup d'essai. Elles ont déjà volé du pain et raflé tout ce qu'elles pouvaient dans les supermarchés, pour le distribuer aux plus démunis.
Cette fois-ci, elles ont décidé de s'attaquer aux banques, en choisissant de s'en prendre au cœur du système économique qui, en Israël, contribue à la paupérisation de milliers de personnes : les banques. Il y a quelques jours, Ayala Sabag et ses camarades, issues du Katamonim, le quartier le plus pauvre de Jérusalem, peuplé majoritairement de Juifs sépharades où la faim n'est pas une donnée statistique mais un facteur constant dans la vie de ses habitants, sont passées à l'acte. Elles ont volé, sans crier gare, du matériel publicitaire à la Jérusalem Bank et à la Discount Bank pour protester “ contre les taux d'intérêt élevés et les commissions qui enrichissent les instituts bancaires et appauvrissent le peuple ”. Elles ont aussi tenté de pénétrer dans le siège central de la Hapoalim Bank, sise à proximité de la zone piétonne de Ben Yehouda, (grande rue commerçante de Jérusalem) mais leur action a été arrêtée par les gardiens de l'immeuble. L'impact médiatique a été énorme et a déstabilisé plus d'un chroniqueur de presse. Ceux-ci, quelle que soit leur option politique, n'ont rien vu venir, les politiciens encore moins.

La gauche absente

Or, contrairement à ce que l'on pourrait croire, derrière ces initiatives, il ne faut pas voir la main de mouvements organisés, ni l'influence des travaillistes de Shimon Peres, ni d'ailleurs celle des leaders de gauche sionistes qui, aujourd'hui, n'ont plus qu'un vague souvenir des luttes ouvrières et des idéaux du socialisme. Il faut uniquement y voir le désespoir immense que ressentent ces femmes, un sentiment provoqué par la politique économique du ministre des Finances, Benyamin Netanyahou. Car celui-ci a semble-t-il l'intention de démanteler l'Etat-providence, en tranchant à la hache dans les subsides destinés aux plus démunis. Et ce alors qu'il ne cesse d'attribuer de très généreux montants en argent public aux initiatives vouées à la défense et à la colonisation des territoires palestiniens occupés.

Une vie de misère

Ces deux buts concentrent toute l'attention du grand argentier. Pour preuve, quelques jours avant, la commission des finances de la Knesset (le Parlement) a approuvé une nouvelle allocation de 20 millions de dollars pour les colonies — dont un million devrait servir à protéger la maison achetée en 1988 par le Premier ministre Ariel Sharon dans le quartier musulman de la vieille ville de Jérusalem (actuellement gardée par l'armée). Le lendemain, mercredi 18 février, le mouvement Peace Now a dévoilé que, en 2004, le gouvernement israélien n'a pas procédé, comme prévu, au démantèlement de 102 sites israéliens (implantation de colonies illégales) érigés en Cisjordanie. Au contraire, dans de nombreux cas, des maisons en préfabriqué ont seulement été transformées en dur, mais ont rapidement bénéficié de raccordements d'eau, d'électricité et de téléphone tout en restant officiellement illégales mais totalement financées par le ministère des Implantations

Une politisation limitée

Ayala Sabag et les autres “ lionnes ” reconnaissent ne pas être politisées et, bien qu'il soit très pauvre, le quartier des Katamonim n'a jamais été un fief de la gauche. Elles n'ont aucun contact avec l'extrême gauche ni avec la mouvance pacifiste et anticolonialiste.
Nombre d'habitants sont même des supporters du Premier ministre. Par leur action, elles ne dénoncent pas la colonisation des territoires occupés, un phénomène qui absorbe pourtant d'énormes ressources. Les “ lionnes ” ne sont pas véritablement conscientes de certains enjeux. Mais elles ont le courage d'agir sur le terrain, et de tenter de contester la politique économique de Netanyahu et Sharon plus clairement et plus ouvertement que les travaillistes.
C'est peut-être pour toutes ces raisons que le quotidien “ pacifiste ” et de gauche Haaretz n'arrive toujours pas à saisir la signification de la bataille conduite par les Lionnes de Jérusalem. Tout comme le journal n'avait pas compris la portée de la lutte engagée par Vicky Knafo, devenue “ mère courage ” pour les médias israéliens. Il y a plus d'un an, exaspérée, cette femme quadragénaire avait quitté la petite ville perdue de Mitzpe Ramon, dans le Néguev, pour se rendre, à pied, à Jérusalem dans le but de faire entendre la voix des mères contraintes à une vie de misère, à cause des coupes drastiques dans les subsides aux familles décidées par legouvernement.

Le sentiments des pauvres

Elles n'ont donc pas de référent à gauche, les Lionnes de Jérusalem. Mais elles ne cessent d'effectuer des actions symboliques et parfois des “ expropriations prolétaires ”. Début février, elles se sont par exemple emparées des réserves de pain à Beer Sheba, dans le Néguev et à Jérusalem. La cargaison a été distribuée dans les quartiers pauvres de ces villes.
Ce geste a été une réponse à la décision du gouvernement d'augmenter de 30 % le prix de la farine. Ensuite, elles ont raflé tout ce qu'elle ont pu dans les supermarchés et l'ont donné aux plus pauvres. Quelques jours après, elles ont brièvement coupé l'eau dans deux quartiers aisés de Jérusalem, Bet Hakerem et Rehavia. Le but : “ Faire ressentir aux riches ce qu'éprouvent les pauvres lorsque, à cause de factures impayées, la municipalité leur ferme les robinets. ”
Seule ombre au tableau, c'est la passivité des gens, encore trop enclins à se mobiliser collectivement. Les Lionnes de Jérusalem en sont bien conscientes et réfléchissent actuellement à d'autres formes de lutte.
“ De très nombreux pauvres n'ont pas demandé d'explications. Ils se sont bornés à recevoir les sacs de nourriture qu'on leur donnait. Au moins, leurs enfants ne sont pas allés à l'école l'estomac vide, déclare Ayala Sabab, en racontant la distribution de pain qu'elle et ses camarades ont effectuée dans la banlieue de Jérusalem. ” Dans le Katamonim, depuis longtemps, la moitié du quartier ne peut bénéficier d'eau courante, rappelle-t-elle. Les autorités ferment les robinets aux pauvres qui n'ont pas les moyens de payer l'approvisionnement en eau. C'est pour cette raison que nous avons bloqué l'accès à l'eau dans les quartiers riches. Pour leur faire comprendre ce que cela signifie. Nous espérons que les autres habitants protesteront et embrasseront notre cause. "

Occupés par l'annonce d'un plan de “ retrait unilatéral ”, par Ariel Sharon et les idéologues de l'occupation des territoires, les médias ont fait l'impasse sur la contestation issue de la couche de la société israélienne écrasée par le poids de la récession. Il faut savoir que, dans nombre de villes, où le déficit public est désormais endémique, certains employés communaux ne perçoivent plus leur salaire depuis plusieurs mois, d'autres depuis plus d'un an et demi. La plupart vivent en demandant l'aumône.
Chacun se débrouille comme il peut. Pour ce qui est des ultra-orthodoxes, ils parviennent à faire face à la pauvreté grâce au réseau de solidarité qui s'est développé entre eux. Et ce réseau assure au moins un repas par jour aux enfants et aux personnes âgées. Alors que les laïques, eux, doivent composer avec les prix élevés des produits alimentaires. Pour eux, le cinéma, les habits, les loisirs, etc., restent le plus souvent un rêve inaccessible Tout comme pour des centaines de milliers d'Israéliens qui perdent un peu plus chaque jour de leur pouvoir d'achat.

Squatteurs et sans logis

Le camping des chômeurs et des sans-logis qui est situé à Tel-Aviv a fêté son premier anniversaire le 18 août. Il est installé dans un des quartiers les plus riches de la métropole : sur Kikar Medina (place de l'Etat), rebaptisée Kikar Halehem (place du Pain). Là aussi, ils sont des dizaines, avec leurs enfants, dans de vieux autobus et sous des tentes. Jusqu'ici, toutes les tentatives de la mairie et des propriétaires pour les faire évacuer ont échoué. “ Le choix de ce lieu ne doit rien au hasard : le contraste entre notre minable camping, les magasins luxueux et les somptueux appartements du coin symbolise l'abîme social qui ne cesse de se creuser entre pauvres et riches ”, explique M. Israël Twito, 38 ans, divorcé, qui élève seul ses trois filles.
Ces contestataires sont emblématiques, car Israël connaît une crise économique aiguë. Entre 1992 et 1995, la croissance a dépassé 7 % par an, grâce aux accords d'Oslo et à l'arrivée des Juifs de l'ex-Union soviétique. Mais ensuite, elle n'a cessé de diminuer. Et la seconde Intifada a provoqué une profonde récession. En effet, durant le premier semestre 2003, le produit national brut par tête a reculé de 0,7 %, après des baisses consécutives de 1,3 % pour les six derniers mois de 2002, de 2,1 % pour la première moitié de 2002 et de 6,7 % pour les six derniers mois de 2001.
Au cours du premier semestre 2003, année qui sera marquée par un déficit budgétaire proche de 6 % du produit national brut, la production industrielle a également reflué de 1,1 %. Et même celle des industries high-tech a baissé de 8 % en mai et juin. Quant à la consommation des ménages pour les six premiers mois de 2003, elle a chuté de 2,1 % (après une dégringolade de 2,8 % durant la seconde moitié de 2002 et de 2,1 % durant la première moitié).
Fin août 2003, dans le cadre des débats préparatoires au budget de 2004, le ministère des Finances dirigé par M. Benjamin Nétanyahou a prévu une croissance de 2,5 %, une diminution de 2,9 % de la consommation publique, une hausse record du chômage de 11,2 %, une baisse du salaire réel de 4 % dans le secteur public et de 2,3 % dans le secteur privé ainsi qu'une inflation de 1,1 % à 1,2 %. Commentaire du député travailliste Avraham Shohat, ancien ministre des Finances : “ Parler d'un tournant de l'économie est un non-sens. Il n'y aura pas de nouveaux investissements, ni étrangers ni israéliens, sans un tournant politique au Proche-Orient. Seul un processus abaissant le niveau des affrontements avec les Palestiniens peut assurer un taux de croissance de 2,5 % en 2004. ”

Chômage en hausse

En juillet, le nombre des chômeurs inscrits a dépassé 220 000, soit 14 000 de plus qu'en juin. Si bien que, dans 34 agglomérations (29 arabes et 5 juives), le taux de chômage dépasse la barre des 10 %.

Et cela ne risque pas de s'arranger : à la veille de la rentrée scolaire, des milliers d'enseignants ont été licenciés, et, dans les mois qui viennent, des milliers de fonctionnaires perdront leur emploi ou seront contraints à une retraite anticipée.

Selon le ministère des Finances lui-même, Israël comptera 300 000 chômeurs inscrits l'an prochain. Sans compter ceux qui ne le sont pas : le gouvernement a annoncé des mesures pour réduire encore le nombre des chômeurs ayant droit à une allocation. Les moins de 25 ans, par exemple, seront contraints de se présenter quotidiennement dans les agences de l'emploi. L'objectif est de les forcer à prendre la place des 200 000 à 250 000 travailleurs immigrés, dont plus de 50 000 ont été expulsés par la police. Surexploités, ils travaillent fréquemment jusqu'à 14 heures par jour et 7 jours par semaine pour un salaire mensuel de 500 à 600 dollars — un esclavage moderne que les Israéliens refusent. Et les classes moyennes elles-mêmes ne sont pas épargnées.

De plus, le montant de l'allocation de chômage, dont les conditions d'attribution se durcissent, a été réduit. Il en va de même des allocations de maternité et familiales, de l'aide à ceux qui gagnent moins que le revenu minimum et aux mutilés de travail. La nouvelle diminution des allocations familiales a précipité 11 000 familles de plus sous le seuil de la pauvreté. S'y trouvent désormais un Israélien sur cinq, soit 1,17 million de personnes.

Cyniquement, les porte-parole du ministère des Finances prétendent que la réduction des différentes allocations va contraindre ceux qui en bénéficient à ne plus vivre aux dépens de l'Etat et à aller enfin travailler. Ce faisant, ils méconnaissent la réalité d'un chômage qui ne cesse de s'étendre : de nombreuses usines ferment leurs portes et le gouvernement ne parvient pas à créer des emplois (il en supprime même).

L'allocation vieillesse a été gelée au niveau de janvier 2001 et l'allocation versée aux infirmes n'augmentera pas avant 2006. L'Etat a réduit les budgets de la santé et de l'éducation tout en alourdissant les charges qui pèsent sur les usagers. De même, il a réduit les prêts destinés au logement afin de contraindre les jeunes couples, les nouveaux olim (immigrants) et les sans-logis à se tourner vers les banques privées. Quant à la réforme des retraites, elle implique, à partir d'octobre 2003, une augmentation des cotisations des salariés et une baisse des pensions des retraités. Dès janvier 2004, l'âge de la retraite va passer progressivement de 65 à 67 ans pour les hommes, et de 60 à 67 ans pour les femmes.

Famine et pauvreté

“ Un million d'Israéliens ont faim ” : telle était, le 28 août, la manchette de Yediot Aharonot. Début 2003, déjà, des chercheurs de l'Institut Brookdale travaillant en collaboration avec le ministère de la Santé avaient révélé que 400 000 familles israéliennes, soit 22 % du total, subissaient une “ insécurité nutritionnelle ”. Les victimes ne souffrent évidemment pas de famine, mais sont incapables d'acheter en permanence la nourriture dont les enfants ont besoin pour se développer convenablement. Certains mangent des portions plus petites, d'autres sautent des repas, voire, dans des cas extrêmes, ne mangent pas de la journée. La composition de leurs repas est uniforme et pauvre en viande, en produits laitiers, en légumes et en fruits...

Quatre familles concernées sur cinq affirment que leur situation s'est aggravée ces deux dernières années, du fait d'une situation économique précarisée. Il y en a même 5 % qui avouent avoir recours à une aide alimentaire, soit de cuisines populaires, soit d'associations de charité. Selon une autre enquête, rendue publique par l'organisation de bienfaisance Latet (“ donner ”, en hébreu), le nombre d'Israéliens ayant sollicité une aide alimentaire a augmenté de 46 % en un an. Les principaux demandeurs sont les familles monoparentales et les familles nombreuses.

Ce qui a choqué l'opinion, c'est l'annonce simultanée des profits de certaines banques. Hapoalim, la première du pays, qui affiche, pour le deuxième trimestre 2003, un bénéfice net de 335 millions de shekels (soit 67 millions d'euros), en hausse de 59 %. Celui de la Discount, pour la même période, atteint 116 millions de shekels (23 millions d'euros), soit 36,5 % de plus qu'en 2002. Et celui des cinq grandes banques (Hapoalim, Leumi, Discount, Hamizrahi et Ben-Leoumi) pour les six premiers mois de 2003 atteint 1,4 milliard de shekels (350 millions d'euros), en hausse de 130 % sur les six premiers mois de 2002. On comprend pourquoi certaines de ces banques sont la cible des Lionnes de Jérusalem.

“ La crise économique et sociale, résume l'ancienne députée communiste Tamar Goujansky, résulte de deux facteurs majeurs : d'une part, la guerre, l'occupation et la colonisation, d'autre part, la politique néolibérale du gouvernement. ” La combinaison de ces deux éléments, poursuit-elle, “ est catastrophique. Alors que les dépenses militaires comme le coût de la colonisation sont énormes et presque intouchables, les budgets sociaux, eux, ne cessent de régresser. En revanche, les profits des banques, comme ceux de la Bourse, n'arrêtent pas de grimper. Ce gouvernement intensifie la politique des précédents : il fait “la même chose, mais en plus” ”.

Les colonies ne manquent de rien

A Efrat, Maale Adoumim, Ariel, Immanuel, Elon Moreh et, en général, dans toutes les colonies (exception faite de l'ultra-orthodoxe Beitar Elite), le niveau de vie est en revanche élevé, grâce aux subsides gouvernementaux et aux cadeaux fiscaux que l'exécutif national leur accorde.

Là, les écoles et les transports publics sont presque toujours gratuits. De plus, en matière d'inégalités sociales, comme le soulignent les sociologues Barbara et Shlomo Swirsky, qui dirigent le Centre Adva (centre de recherche privé de sondages et de statistiques) : “ Les coups portés au système d'aide sociale sous prétexte de rigueur budgétaire reflètent un changement de l'échelle des valeurs. Les Israéliens aisés qui peuplent les coulisses du pouvoir s'inspirent du “darwinisme social” : les forts sont des gens dignes, parce qu'ils sont forts ; celui qui s'affaiblit, quels qu'en soient les motifs, ne va plus tenir sur ses jambes, et il n'y a donc aucune raison d'investir sur lui. Bref, les faibles sont inutiles. ”

C'est pourquoi, “ durant ces années de soi-disant pauvreté de l'Etat, nos gouvernements ont dépensé beaucoup d'argent pour dispenser les capitalistes de payer des impôts, pour financer des dépenses militaires excessives ainsi que les colonies et pour assurer d'énormes salaires aux hauts fonctionnaires ”.

Le patriotisme démobilise le mouvement social

Lors d'une visite au marché Ha-Carmel, à Tel-Aviv, Mme Knafo, “ la mère courage ” qui a marché de Beer Sheva à Jérusalem, a déclaré : “ S'il y a de l'argent pour les mitnahlim (les colons juifs dans les territoires palestiniens occupés), il n'y a aucune raison qu'il n'y en ait pas pour les allocations sociales. ” Malgré la force de cette logique, les femmes célibataires n'ont pas réussi — pas plus que les autres groupes contestataires — à déclencher un mouvement de masse.
Pourquoi ? Selon Mme Goujanski, “ bien que le mouvement de Mme Knafo soit authentique, il lui sera difficile de décoller tant qu'il ne bénéficiera pas de l'appui actif des partis d'opposition, y compris du parti travailliste et du Shass (parti religieux à tendance populiste), et de la centrale syndicale Histadrout. Certes, le mouvement bénéficie d'une certaine solidarité féminine et d'une certaine collaboration judéo-arabe, mais cela ne suffit pas ”. Pourtant, une grande partie de la population s'oppose aux mesures économiques du gouvernement ? “ Oui, mais les mêmes gens appuient le gouvernement en raison de la gravité de la situation politique. ” Le sociologue Shlomo Swirsky partage cet avis : “ La guerre continue de Tsahal dans les territoires occupés et les attentats terroristes palestiniens empêchent le développement d'un mouvement social de grande envergure. ”
Le député travailliste Abraham Shohat ne dit, au fond, pas autre chose : “ Le peuple d'Israël doit savoir que la poursuite du conflit avec les Palestiniens va transformer leur pays en un Etat pauvre fournissant de moins en moins de services sociaux à ses citoyens {...]. Quiconque pense que ce pays peut rester au bord de l'effondrement économico-social tout en s'embourbant dans un conflit touchant à sa sécurité ne sait pas de quoi il parle. ”
Ces mouvements de révolte sont la traduction d'un malaise profond de la société israélienne qui se heurte de plein fouet à ses contradictions. Le concept de lutte de classes n'a jamais été aussi bien illustré. Néanmoins, il ne faut pas perdre de vue que le soutien de masse, hormis les religieux, dont a bénéficié Sharon avant et après sa prise de pouvoir, il le doit à ces couches de la société les plus précaires, par ailleurs adeptes du Grand Israël, prônant des solutions radicales vis-à-vis des Palestiniens.
Cette situation peut être soit porteuse d'espoir pour l'avenir, à condition que la radicalité des pratiques de réappropriation s'accompagne d'une prise de conscience globale de la situation tant sociale que politique, posant la question du sens de la guerre et de l'occupation et en recherchant des alliances avec la frange anticolonialiste et rupturiste israélienne ; soit tout au contraire conduire à s'enfermer dans une sorte de populisme, en souhaitant sans le savoir l'arrivée d'un homme ou d'un parti providentiel suffisamment opportuniste, comme le Shass, qui résoudrait tous les problèmes.
A ce jour, rien ne permet de dire de quel côté ce mouvement s'orientera.

Patrick, OCL Caen, mai 2004

Ecrit par Cercamon, à 19:49 dans la rubrique "International".



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