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Bakchich : "La question se pose au vu la générosité de certaines propositions, notamment sur l’immigration. Pourtant, assez vite la réponse s’impose dans un groupe de travail ou même la mouvance CGT est représentée par un patron !
Tout part d’une information du Figaro du 10 janvier. La commission Attali, réunie pour « libérer la croissance », proposerait une relance de l’immigration. C’est la curée, pour le quotidien de Serge Dassault c’est une « bombe » ; dans un gratuit on parle d’une commission à « contre courant ». Au moins une révolution.
Face à cette proposition révolutionnaire deux lectures sont possibles :
- C’est une proposition idéaliste, généreuse, gauchiste diraient certains. Ouvrir les frontières, c’est s’ouvrir sur le tiers-monde, sur les pays en voie de développement. C’est partager notre croissance. C’est au moins une vision progressiste. Dans ce cas là, pas de doute, c’est une vraie révolution. Les membres de la commission soutiennent, peut être déjà, et dans l’anonymat, des sans-papiers. C’est tout à leur honneur.
- Restons sérieux. Personne n’a encore vu le président du conseil d’administration du groupe Accor, ni le PDG de Nestlé France, et encore moins le fondateur de Phone House et président du club Croissance Plus dans une manifestation de sans-papiers. Une seconde lecture est donc possible. Beaucoup plus pragmatique. Beaucoup plus cynique : il faut faire rentrer de la main d’œuvre en France. Ce sont les mots employés par le Figaro.
Car on manque de main d’œuvre, et ce n’est que le début. C’est déjà le cas dans certains métiers, sur certains marchés. Dés aujourd’hui en France, il manque de cuisiniers. C’est pour cela que le salaire d’un bon chef est de plus en plus élevé. Or les entreprises sont effrayées par cette éventuelle hausse des salaires. Les chefs d’entreprise ne veulent pas grever leurs comptes de résultat.
Jusqu’à maintenant le chômage venait contraindre les salaires. Si les salariés n’étaient pas satisfaits de leur rémunération, deux attendaient dehors pour prendre leur place. En tout cas, on a essayé de leur faire croire. Avec, comme conséquence depuis le début de la crise, une évolution très importante du partage de la valeur ajoutée. La part de la rémunération du travail s’est continuellement réduite en faisant la part belle au capital. Si la main d’œuvre commence à manquer, les salaires vont augmenter, la part du capital va se réduire. Et ça les patrons ne le souhaitent pas.
Puisque le chômage ne contraint plus les salaires, il faut importer de la main d’oeuvre. La situation n’est pas nouvelle. La France a connu un précédent. Pendant les Trente glorieuses, les entreprises exprimaient leurs besoins. L’Etat, à travers une de ses officines, allait chercher, essentiellement au Maghreb, la main d’œuvre. C’est déjà beaucoup moins généreux et pas du tout à "contre courant".
Révolution ? Contre courant ? Ou simplement interêts bien compris ? La question se pose-t-elle ? Surtout lorsque l’on prend le temps d’analyser la composition de la commission. Au moins 20 de ses membres sont des responsables d’entreprises. Le très libéral Eric Le Boucher du Monde et de Radio Classique et un journaliste du Figaro y siègent. Même la mouvance CGT est représentée par un patron, Monsieur Ferracci, le Président du groupe Alpha, cabinet de conseil auprés des Comités d’entreprise. Pour information, c’est la seule personnalité qui ne met pas son CV à la disposition des lecteurs sur le blog de la commission.
par
Bertrand Rothé
à 04:10