Religion et répression aux Etats-Unis (IV)1 par Dr Richard L. Greeman, PhD.1
Face aux contradictions entre les justifications de sa politique et les faits (absence d’ADM en Irak, etc.) le gouvernement Bush prétend « créer sa propre réalité » . Le problème, c’est qu’il arrive à obliger ses citoyens et ses alliés à la vivre. Comment fait-il ? Dans notre modèle de la famille du type ‘abusif,’ on observe que l’alcoolique, le père incestueux, l’abuseur physique ‘introduisent des éléphants dans leur salon’ puis engagent la complicité de la famille dans son déni du problème de leur culpabilité secret. Ils imposent leur ‘réalité’ à leurs proches par un mélange de menaces violentes et de séduction.
L’éléphant introduit dans la Maison Blanche par Bush, Cheney, Rice, Rumsfeld et Wolfowitz s’appelle « Irak ». On fait semblant de ne pas le voir, mais on le sent, car le salon se remplit mystérieusement de ses crottes : enlisement indéfini de l’Armée Etats-unienne, démoralisation des troupes américaines surmenées et mal équipées, intelligence fausse ou faussée, scandale de la torture officiellement sanctionnée mais impunie, profits abusifs des ‘copains’ fournisseurs de guerre, coûts démesurés, endettement astronomique etc. Les médias et les Démocrates se bouchent le nez. Quelques téméraires demandent «Quelle est cette odeur ? » Mais l’on n’ose pas parler directement de l’éléphant. Mieux vaut parler de la morale privée et de Dieu. Dans le consensus médiatique l’existence des éléphants « n’est pas prouvée » et la zoologie « n’est qu’une théorie » . Enfin, il n’y a pas d’éléphants dans la Bible.
Les abuseurs tendent aussi à ‘projeter’ (transférer) leur violence intérieure sur des ennemis symboliques afin de justifier leur tyrannie. Dans le cas d’une psychose sociale, un gouvernement abuseur déclare une guerre sans fin contre des ennemis abstraits, invisibles, insaisissables : ‘le communisme,’ ‘la drogue,’ ‘le terrorisme,’ ‘le Mal’. Ainsi en pleine fuite en avant, les stratèges ratés de la guerre en Irak déclarent la guerre permanente et illimitée au monde entier. Afin de tyranniser ses citoyens, ses alliés et ses adversaires, ils s’autorisent à ‘changer de régime’ toute nation qu’ils jugeront ‘favorable au terrorisme’ ou participant à une « Axe du Mal » imaginaire. C’est du délire. Selon les sondages, le monde a plus peur de Bush que d’Osama ben Laden. Mais aucun leader ne bronche.
Des citoyens et alliés intimidésLe bellicisme unilatéral de Washington sert à faire peur non seulement aux pays déclarés ‘voyous’ par les voyous de la Maison Blanche mais aussi aux ‘alliés.’ Il s’agit d’intimider les impérialismes rivaux de 2e rang comme la France, la Russie, la Chine qui avaient osé contester la guerre américaine en Irak à l’ONU en 2002. Aujourd’hui, Bush montre son mépris pour ces ‘alliés’ en nommant à l’ONU Bolton, ennemi déclaré de l’ONU, et en installant à la Banque mondiale l’architecte de la guerre, l’idéologue de droite Wolfowitz.1 Ex-responsable de la reconstruction d’Irak (où il ne répara rien et privatisa presque tout), Wolfowitz va désormais administrer le développement du tiers monde. Scandale ? Aucun gouvernement allié n’ose contester ces nominations impériales qui sont pourtant des gifles diplomatiques de la part de Bush. Aussi intimidés que les Démocrates dans le Congrès états-unien, les alliés se taisent. Schröder et Mme Clinton chantent en duo les louanges du proposé de la Maison Blanche.
Pour intimider ses concitoyens, le Président impérial instaure un régime sécuritaire où les libertés civiques sont abrogées. Avec les Lois Patriotes, le citoyen n’est plus protégé contre les abus du gouvernement. L’Exécutif prétend désigner comme ‘suspect’ tout citoyen ou étranger (alien) afin de l’espionner, l’incarcérer, le garder indéfiniment au secret et sans nom, le torturer même -- sans rendre de compte à aucun tribunal public. Pour empêcher tout recours à la Justice, Bush installe comme Avocat général Alberto Gonzales, l’auteur célèbre du mémoire exécutif autorisant les tortures de Guantanamo et d’Abu Ghraïb. « La Maison Blanche a maintenant son propre goulag » écrit la journaliste Maureen Dowd dans le NY Times du 18 mars. En effet les Etats-Unis, dont les prisons regorgent de plus de deux millions de détenus, dépassent la Russie et la Chine communiste comme société carcérale.
Le bunker idéologiqueSur le plan politique, les occupants de la Maison Blanche s’isolent de plus en plus dans le bunker de leur idéologie ‘néo-conservatrice’. Ils tolèrent mal la contradiction -- même de la part de leurs propres officines d’intelligence – et exigent la loyauté avant tout. Une commission d’enquête présidentielle sur les services d’espionnage déclare que les motivations de la guerre en Irak étaient ‘complètement erronées’2 ? On donne la promotion à ses architectes, Rice et Wolfowitz, on se débarrasse des tièdes, Powell en tête, et on persécute les critiques.3 Les nouveaux ‘maîtres de l’univers’ sont, comme Bush lui-même, mal à l’aise avec la complexité, peu curieux des autres. Ce sont des provinciaux plus ou moins incultes, ne parlant pas d’autres langues que l’américain, ayant peu ou pas d’expérience à l’étranger ni en dehors du monde des affaires et de l’université états-uniennes. Le cosmopolite Colin Powell, dont ils se moquaient, était leur alibi diplomatique. Ils n’en ont plus besoin. Ils ont choisi la solution la plus simple : la force.
A l’étranger, leurs véritables alliés ne sont pas les démocraties capitalistes rivales, mais les dictatures réactionnaires qui protègent leurs investissements et à qui ils vendent profitablement des armes. (Rappelons que naguère le Vice-président Cheney, alors PDG d’Halliburton, en a vendu à Saddam, avec qui il s’est fait fameusement photographier à l’époque de la guerre Iran-Irak). Ces gouvernements tyranniques sont des chiens de garde féroces qui terrorisent la multitude des pauvres, mais qui font peur aux maîtres aussi. Car ils peuvent se retourner et mordre, comme justement Saddam et ben Ladden – deux assassins entre lesquels le seul ‘lien’ réellement existant est d’avoir reçu des subsides de la CIA. La tyrannie rassure cette droite. La complexité l’inquiète. Bush, ayant regardé dans les yeux bleu-glacier du policier Poutine, l’adouba ‘mon ami Vladimir.’ Les maîtres de Washington préfèrent instinctivement s’allier avec la dictature militaire islamiste pakistanais (parraine des Talibans et vendeuse de secrets nucléaires aux Coréens du Nord) qu’avec la démocratie capitaliste indienne (considérée molle, instable et pro-communiste).4
Affinités électivesSur la scène politique nationale, les Républicains au pouvoir s’appuient sur les éléments racistes violents imbus de fanatisme religieux. Comme on a vu, la droite des milliardaires se sert de ces masses de petits-blancs intégristes comme base électorale et troupes de choc. Mais cette profitable alliance entre PDGs et prédicateurs intégristes n’est pas uniquement un mariage de raison. Il y a une affinité profonde, pour ainsi dire spirituelle, dans leur perception de l’esprit du temps zeitgeist et leur vision du monde weltanschaum. Le délirant scénario de l’Apocalypse imaginé par les Chrétiens du 2e siècle correspond assez précisément aux catastrophes que nous voyons arriver au 21e: guerres et épidémies généralisées, changements climatiques, rupture du tissu social, famines, sécheresses, destructions de villes, grandes peurs, divisions, violences.
Or, si ce n’est pas Dieu qui en est responsable, on pourrait bien accuser le capitalisme, le gouvernement, les riches. La masse des chrétiens intégristes, pourtant très affectée par le chômage et la banqueroute de la petite entreprise aux Etats-Unis, n’y songe point. Elle fait face à la crise sociale en se berçant du phantasme d’appartenir à une tribu d’élus qui sera sauvée. Provinciale, ignorante et xénophobe, terrifiée par le monde hostile qu’elle entrevoit par les médias, elle est hantée par le cauchemar raciste d’un soulèvement de noirs vengeurs qui s’incarne aujourd’hui dans des hordes d’envahisseurs arabes envieuses de son ‘mode de vie américaine.’
3- Ancien
sous-secrétaire à la Guerre, ce protégé
de Bush méprisait naguère ‘la vieille Europe.’ C’est
‘Wolfie’ qui déclaraient 2002 que les Irakiens
accueilliraient les Américains ‘avec des fleurs’ et que
les coûts de la reconstruction « couverts par les
revenus du pétrole irakien. »
Contact : rgreeman@laposte.net
Site : www.richardgreeman.org