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Reclaim the Commons
Lu sur anticapitalisme.net : "Comme l’écrit Starhawk, celle des sorcières néo-païennes dont les récits ont su faire de nous leur relais, celle sans qui peut-être ce livre n’aurait pas été écrit, ou alors l’aurait été très différemment, prononcer le mot magie est déjà un acte de magie : d’autres mots auraient pu être utilisés, qui passent sans problème.


Mais qui peuvent, sans problème également, être déshonorés. « Magie » met mal à l’aise, et force à sentir ce qui, en nous, se cabre, alors que « empowerment », notamment, est, de fait, déjà déshonoré. On parle aujourd’hui d’empowerment lorsqu’il s’agit de sommer les « faibles » de « se motiver », de se « responsabiliser », de « s’activer », d’accepter qu’il n’est pas de droits sans devoirs. Et on en parle aussi lorsqu’il s’agit de détruire encore un peu plus ce qui fut politiquement construit, c’est-à-dire de détricoter les procédures « lourdes et conservatrices » qui entravent la possibilité que les « véritables acteurs » d’une situation profitent au mieux des opportunités qu’elle leur offre. Que s’épanouissent les mille fleurs des transformations décidées par ceux qu’elles concernent ! Que partout se réunissent les « parties intéressées », les stakeholders, enfin libérés des contraintes étatico-administratives ! Qu’ils se mettent d’accord au mieux de leurs intérêts respectifs, qu’ils se mobilisent pour le bien de l’entreprise, de l’école, de l’Université, de l’hôpital, du quartier, etc. Le marché jugera.

Oser néanmoins défendre ce mot, « empowerment », c’est s’engager avec les sorcières contre la sorcellerie dont nous subissons les opérations de capture. Si la singularité du capitalisme est d’être un « système sorcier sans sorciers », lutter contre un tel système impose de rendre visibles, sensibles, ses procédés. Et de ne jamais lui abandonner ce qu’il a capturé comme si l’opération de capture constituait un jugement de vérité : on ne dira pas « cela a été récupéré, c’était donc récupérable ». Et on le dira d’autant moins que nous sommes en train de passer, comme le souligne Philippe Zarifian, d’une société de contrôle disciplinaire, à une société de contrôle d’engagement, de motivation, c’est-à-dire d’auto-mobilisation sans fin. Car ce qui est « récupéré » alors est bel et bien ce dont la notion de « force de travail » traduisait seulement l’achat pour un temps déterminé : c’est le travail vivant lui-même, voire même ce que l’on appelait l’« âme » au temps où l’on savait encore parler des « voleurs d’âme ». Il ne s’agit plus d’un pseudo-contrat, ton temps de travail contre un salaire, mais d’une capture « corps et âme ». Lorsque réussit une opération de capture, on apprendra donc bien plutôt à hurler, à pleurer, à trouver des mots qui montent comme des lamentations pour dire ce déshonneur, pour le transformer en force qui oblige à penser/sentir/agir.

Les mots inventés par les sorcières (femmes et hommes) contemporaines proclament moins les revendications légitimes, les justes luttes, les droits inaliénables qu’ils ne font exister la déchirure du monde, sa douleur, et les forces, petites, obstinées, qui seules, comme les herbes qui poussent aux moindres interstices, sont capables de disloquer le ciment, de faire craquer le béton (32). Et pour cela, elles ont dû, comme les féministes et à leur suite, apprendre à se penser elles-mêmes sur un mode qui dise cette déchirure, et qui dise aussi la joie du pouvoir qui monte et revient, dont nul n’est propriétaire parce qu’il ne peut être approprié, seulement « reconquis ». Et ici, enfin, surgit le mot dont peut-être Guattari manquait lorsqu’il parlait de reconquête. Au plus loin de « reconquista », croisade contre les forces du mal, les sorcières disent « reclaim », qui associe irréductiblement guérir et se réapproprier, réapprendre et lutter. Non pas dire « c’est à nous » (cf. le triste slogan, « tout est à nous, rien n’est à eux »), non pas se penser victimes, mais devenir capables d’habiter à nouveau les zones d’expérience dévastées.

Parmi les sorcières néo-païennes contemporaines dont nous nous faisons ici le relais, certaines, comme Starhawk, étaient des initiées à la tradition Wicca, (re)née en Angleterre il y a plus de cinquante ans. Wicca a redécouvert-ressuscité-réhabilité les sorcières diabolisées par leur persécuteurs chrétiens. Et a recréé leurs rites adressés à une Déesse-Terre, puissance immanente qui fut appelée parmi les hommes Artémis, Astarte, Athéna, Mélusine, Isis, Cerridwen, Brigid, Hécate, Lilith. Et bien d’autres noms. Mais ce n’est ni de la « Vieille religion » que nous nous faisons un relais, ni surtout de l’ensemble des hybrides « New Age » qui ont fleuri sur le sol américain, mais de l’événement par où des activistes, héritiers des luttes féministes, non violentes, antiimpérialistes, écologistes ont réinventé les recettes sorcières sur un mode politique.

Cruciale, ici, fut l’expérience de certain(e)s, venu(e)s défendre des populations « natives », indiennes, menacées, et qui se sont vu(e)s demander : « vous êtes bien gentils de nous aider, mais qui êtes vous, d’où venez vous ? ». Question à laquelle ne pouvaient répondre ceux et celles dont la lutte (féministe, non violente, antiimpérialiste) n’avait que des mots tout terrain, dénonçant l’injustice et l’oppression. Car ces mots annulaient l’autre qui posait la question, lui disaient : « pour moi, vous êtes n’importe qui, c’est l’injustice et l’oppression dont vous êtes victimes qui m’amène ici ». Mais aussi question terrible pour ceux et celles qui venaient chercher la sagesse spirituelle des Indiens, une voie de salut par conversion. Se nommer « sorcières », alors, c’était apprendre à se présenter sur un mode qui fasse exister la dernière grande éradication qui n’ait pas concerné les peuples colonisés mais le lieu même où s’inventait le capitalisme. C’était reclaim l’héritage des vaincues, de celles que notre compassion pacifiante, psychologisante (les malheureuses vieilles inoffensives, victimes de la superstition) déshonore de manière routinière. S’affirmer néopaïennes, c’était rappeler (païen signifie d’abord paysan) que ce qui fut vaincu et détruit en même temps que les sorcières, furent les communautés paysannes, celles dont l’existence dépendait des commons dont elles furent expropriées.

Nous ne sommes pas des sorcières, et ce n’est pas de la Déesse que nous pouvons nous faire le relais, mais bien de ce que, catalyse existentielle, nous a fait éprouver - sentir et épreuve - cette fabrication contemporaine, reclaim the commons, cette conjugaison de la mise en mémoire vive d’un passé long et de l’acuité au présent.

Sentir : les sorcières étaient à Seattle et les textes que Starhawk a mis sur le Web à partir de ce mouvement ont une efficace propre : ils ont été, et continuent à être, traduits un peu partout spontanément. Ils donnent une force singulière au cri « un autre monde est possible », une puissance visionnaire qui est tout le contraire d’un programme.

Epreuve : si l’on pouvait identifier les sorcières néo-païennes à une « vraie » tradition, authentique, tout irait bien, car nous avons pris l’habitude de respecter les traditions. L’épreuve tient au caractère « fabriqué », expérimental, de leurs rites, et à l’indécidabilité à laquelle ils nous confrontent. Si l’on pouvait dire qu’elles « croient » en leur Déesse, que leurs rites expriment la croyance, la question serait résolue, au sens où nous pourrions les mettre à distance confortable, expliquer ce qu’elles font par des croyances que nous ne partageons pas. Or, ce qu’elles nous présentent ne se laisse pas identifier à une croyance. Si on leur disait, « mais votre Déesse n’est qu’une fiction », elles souriraient sans doute et nous demanderaient si nous sommes de ceux qui croient qu’une fiction est sans pouvoir, que derrière toute fiction se dissimule quelque chose qui devrait pouvoir être explicité en termes acceptables, scientifiques, rationnels ou intellectuellement fiables. Quelque chose qui rassure. Et nous voilà du côté des croyants, de ceux qui croient pouvoir séparer les « vraies » causes » de la superstition, ou de l’ensemble des causalités de type psychologique, qui expliquent toujours la faiblesse, jamais le devenir. Dont il s’agit de se détacher, désabusés.

Ce qui met mal à l’aise, c’est que les sorcières sont pragmatiques, radicalement pragmatiques : de vraies techniciennes expérimentatrices, alors que nous avons l’habitude de chercher « derrière » la technique ce qui la justifierait, ce qui garantirait... garantirait contre quoi ? C’est là que peuvent se précipiter toutes les raisons pour lesquelles il nous en faut plus, depuis les généralités concernant la crédulité humaine jusqu’aux précédents historiques catastrophiques (les nazis, les sectes, etc.). Mais c’est là également que l’on touche à ce qui peut empoisonner la pensée. Car toutes ces raisons seront en général produites pour en protéger d’autres, jugés faibles, par ceux et celles qui, pour leur part, se considèrent comme auto-suffisants, n’ayant nul besoin de telles fariboles. Et c’est parce qu’ils se réfèrent à d’« autres », définis par leur vulnérabilité, qu’ils ne peuvent accepter une proposition pragmatique sans au-delà, sans autre réponse à leurs objections que celle qu’appelle toute recette, quelle qu’elle soit, la nécessité de « faire attention ».

Les sorcières néopaïennes ont appris que la technique, ou l’art, le craft qu’elles nomment magie, et qu’il s’agit non de retrouver, au sens de secret authentique, mais de reclaim, de réactiver, impose de faire attention, de se protéger mais aussi, et surtout, de ne pas se penser auto-suffisant. Elles ont appris la nécessité de tracer le cercle, de créer l’espace clos où puissent être convoquées les forces dont elles ont un besoin vital. Dont auraient besoin les usagers, s’ils doivent résister à la tentation de confondre usage et utilisation. Dont ont peut-être besoin les nomades hackers, lorsqu’ils pensent la prise contre l’appropriation, mais font l’économie de ce que « prendre » implique « recevoir ». Dont savent qu’elles ont besoin les associations d’alcooliques anonymes, qui ont découvert que quiconque pense qu’il peut s’en tirer tout seul, par la puissance de sa volonté propre, sera toujours vaincu ; le combat contre l’alcool commence par la reconnaissance non pas de sa propre faiblesse, à quoi répond le mot d’ordre « sois fort », mais de l’impossibilité de s’en tirer tout seul parce que l’on a affaire à un Pouvoir, ce qui signifie la nécessité du groupe où, loin d’apprendre à résister au Pouvoir de l’alcool, il s’agira d’apprendre à l’honorer. Ils ne peuvent lui échapper : « alcoolique un jour, alcoolique toujours » est l’affirmation requise pour nouer avec l’Alcool d’autres relations. Peut-être toute création politique a-t-elle besoin que ceux et celles qu’elle réunit sachent faire exister le fait qu’ils ont besoin d’aide afin que la situation les oblige à penser/sentir. Le cercle de la pragmatique sorcière est une réponse à ce besoin. Il fait exister une situation sur un mode irréductible à la « libre expression » des opinions individuelles.

Tracer le cercle, c’est fabriquer une clôture, une séparation, l’espace d’une expérience irréductible à la psychologie individuelle, et qui met bien plutôt en cause ceux qui se nomment individus : tous ceux, toutes celles qui sont réunis, grandes gueules ou anxieux, paranos ou plaintifs, semeurs de merde ou assoiffés de bonne entente, sont d’abord et également « infectés », « empoisonnés », quoique sur des modes différents, et tous ont également besoin de ce qu’aucun d’entre eux ne peut produire seul.

Cependant, à la différence de celui des alcooliques anonymes, le cercle, ici, n’a pas pour vocation d’apprendre un autre mode de relation avec ce qui vous a capturé, afin de pouvoir, hors du cercle, retrouver une vie « normale ». A la différence de celui des scientifiques, il ne se définit pas contre un monde qu’il s’agirait ensuite de conquérir et convertir. A la différence de celui des féministes et des non-violents, il n’inclut pas que des protagonistes humains. Ce qui y est convoqué, Celle qui, disent les sorcières, « revient », est Celle qui rendra capable de s’ouvrir. De rejoindre le Monde comme disent Deleuze et Guattari lorsque, dans Mille Plateaux, ils parlent de la ritournelle. Une ritournelle n’est pas seulement ce qui crée un espace et son dehors, c’est aussi, et inséparablement, ce qui rend capable de sortir, de rencontrer autrement ce qu’il s’agissait d’abord de « mettre dehors ». Honorer la Déesse, c’est apprendre à la fois à fermer et à faire exister à l’intérieur le « cri » d’un Monde qui demande que l’on apprenne comment sortir.

Sortir, disent-elles, pour « faire le travail de la Déesse », un travail que la Déesse ne leur dicte pas, et dont le sens est produit et à chaque fois ici et maintenant : non pas au nom d’une théorie, de mots d’ordre abstraits, mais avec la liberté de l’opportunisme. Un très beau mot, opportunisme, puisqu’il désigne le sens, qui est une force, de ce qui est opportun, de ce qui convient à une situation, le sens de cette situation « concrète », accompagnée du halo de ce qui peut devenir possible. Un mot détruit par ceux qui veulent que ce soit une théorie qui guide l’action et garantisse les choix sans avoir à produire la force de les penser.

Nous, qui ne sommes pas sorcières, pouvons entendre la manière dont elles invoquent cette Déesse immanente à laquelle il ne s’agit pas de croire, mais à qui sont attribués les pouvoirs du changement, « Elle change tout ce qu’elle touche, et tout ce qu’elle touche change » (126). L’efficace de cette ritournelle est d’attribuer les changements à Elle, pour ne pas, surtout pas, se les attribuer à soi-même. Pour apprendre à honorer le changement comme création, au lieu d’en faire quelque chose de « naturel » : tu n’as qu’à parler, si tu as quelque chose à dire. Et pour devenir capable de discerner par où un changement peut passer. « Faire le travail de la Déesse », c’est aussi bien apprendre à saisir les opportunités par où un changement peut passer qu’apprendre à « laisser à la Déesse » ce qui n’appartient à personne. La Déesse n’est pas « surnaturelle », elle ne « sait pas mieux », elle ne tient pas lieu de théorie et ne fait pas référence dans une argumentation. L’efficace des recettes qui la convoquent est la capacité à discerner les manières de parler qui la nient parce qu’elles attribuent à ceux et celles qui luttent la responsabilité écrasante, désespérante, de concevoir une action « à la hauteur ». Il ne s’agit pas de refuser, confiance idiote, le sentiment de la démesure entre ce dont on est capable et le savoir que « tout devrait changer », mais de l’accueillir précisément dans sa démesure : refuser que quiconque en fasse un argument, une arme, un instrument de mobilisation, à vocation majoritaire, toujours majoritaire, et balaye les possibles précaires au nom de l’urgence globale.

« Les cercles se font et se défont » disent les sorcières, ce qui signifie ici : aucune situation n’est, en elle-même, décisive, autorisant le jugement et le tri, mais toute situation peut être délibérément, expérimentalement, collectivement « fabriquée » de manière à éviter de lier sa vérité à un modus moriendi, à une manière de prouver par la mort que l’on était bel et bien élu, et à explorer un modus vivendi, ce qui permet de vivre cette situation sur un mode tel que, si elle se défait, ceux et celles qui auront participé à sa fabrication en sortent plus vivants, ayant appris et capables d’apprendre à d’autres ce qu’ils ont appris, capables de participer à d’autres cercles, à d’autres fabrications.

Aucun relais n’a le pouvoir de définir la manière dont il sera repris, mais il appartient à la sagesse « écosophique » des sorcières néo-païennes de tendre le relais en n’en appelant à rien d’autre qu’à ce à quoi oblige la situation. Starhawk écrivait, après Gènes, à propos de la répression violente et de la tentation d’en rendre le Black Block responsable : « Je veux gagner cette révolution. Je ne pense pas que nous ayons les moyens écologiques et sociaux d’en mener une autre si celle-ci échoue. Et les chances de la gagner sont si minces que nous ne pouvons pas nous permettre d’être quoi que ce soit d’autre qu’intelligents, bons stratèges et unis les uns avec les autres. » Face à l’urgence, nous ne pouvons pas nous permettre quoi que ce soit d’autre qu’apprendre à penser, pas à réagir.

La proposition sorcière ne demande pas la conversion de ceux et celles à qui elle s’adresse. Lorsque les sorcières s’adressent aux autres, elles ne font, somme toute, que relayer, répercuter, catalyse existentielle, la question qui les a elles-mêmes transformées. Elles nous disent leurs recettes et nous demandent : d’où puisez-vous vos capacité à vous de tenir et d’agir ? Comment réussissez-vous à créer les protections que nécessite le milieu empoisonné où nous vivons tous ? Qu’est-ce qui vous protège contre la vulnérabilité dont l’ennemi commun n’a cessé de profiter ? Comment faites-vous ? Qu’avez-vous appris ? Et c’est parce qu’il ne s’agissait pas de conversion mais de commerce - échange de « bons procédés » - que nous avons fait l’expérience, sans culpabilité mais avec perplexité et un certain effroi, de la pauvreté de nos réponses, et de la nécessité de lutter contre ce qui empoisonne les espaces où pourraient se créer ces réponses. C’est ce qui nous a « obligés » à tenter d’adopter la position de jeteurs de sonde.

QUESTION : faut-il un micro paragraphe conclusif (hors sorcières) ????

ou alors un micro chap conclusif ????

Quoi mettre dedans ?
Ecrit par libertad, à 16:17 dans la rubrique "Pour comprendre".



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