--> L'on peut considérer que c'est la royauté anglaise qui fonda les syndicats pour tuer la contestation ouvrière sauvage du début du XIX° siècle
(Une effigie en papier-mâché de Ned Ludd est l'un des) symboles de ces jours qui ne reviendront plus, un rappel de ce qu'aurait pu être l'attitude des ouvriers à l'égard des nouvelles idées, si les syndicats n'avaient grandi en force et en efficacité.
Labour, revue du Trades Union Congress, à l'époque de la Production Exhibition, 1956.
C'est en Angleterre, la première nation industrielle, et tout d'abord
dans le textile, principale entreprise du capital et la première à s'y
implanter, que surgit et se propagea (entre 1810 et 1820) le mouvement
révolutionnaire connu sous le nom de Luddisme. Le défi des soulèvements
luddites — et leur échec — fut d'une très grande importance pour
l'évolution ultérieure de la société moderne. Le sabotage des machines,
cette arme décisive, précède, il est vrai, cette période ; Darvall
choisit avec précision le terme de « récurrent » pour le qualifier tout
au long du XVIIIe siècle, dans les temps favorables comme dans les
difficiles. Et il n'était certainement pas le propre des ouvriers du
textile ni de l'Angleterre. Les travailleurs agricoles, les mineurs,
les meuniers, et bien d'autres se retrouvèrent dans la destruction des
machines, souvent à l’encontre de ce que l’on qualifie généralement de
leurs propres « intérêts économiques ». Pareillement, comme nous le
rappelle Fulop-Miller, les ouvriers d'Eupen et d'Aix-la-Chapelle
détruisirent les importantes Usines Cockerill, les fileurs de Schmollen
et Crimmitschau dévastèrent les manufactures de ces villes, et
d'autres, innombrables, firent de même à l'aube de la Révolution
Industrielle.
Maintenant, les ouvriers anglais du textile — tricoteurs,
tisserands, fileurs, tondeurs de drap, tondeurs de mouton, et autres —
furent, comme l'écrivit Thomson, les pionniers d'un mouvement qui « en
matière de pure fureur insurrectionnelle, s'est rarement trouvé plus
largement répandu dans l'histoire anglaise », en quoi cette affirmation
demeure sans doute en dessous de la vérité. Bien que généralement
regardée comme aveugle, inorganisée, réactionnaire, limitée, et
agitation inefficace, cette révolte « instinctive » contre le nouvel
ordre économique rencontra pendant quelque temps de nombreux succès et
se fixa des buts révolutionnaires. Le Times du 11 février 1812 décrivit
« l'apparition d'une guerre ouverte » en Angleterre, le plus fortement
implantée dans les régions les plus développées, et particulièrement
dans le centre et le nord du pays. Le Vice-Lieutenant Wood écrivit le
17 juin 1812 à Fitzwilliam, du gouvernement, qu'« à l'exception des
lieux-mêmes occupés par les soldats, le pays était de fait dans les
mains des sans-loi ». En plusieurs occasions au fil de la seconde
décade du siècle, les Luddites, en effet, furent irrésistibles et
développèrent une morale ainsi qu'une conscience d'eux-mêmes très
élevées. Comme le notèrent Cole et Postgate, « assurément il n'y avait
pas moyen d'arrêter les Luddites. Les troupes couraient en tous sens,
impuissantes, trompées par le silence et la connivence des
travailleurs ». Plus, un examen des compte-rendus de presse, des
lettres et tracts montre que l'insurrection prenait clairement parti ;
par exemple, « tous les Nobles et tous les tyrans doivent être
abattus », peut-on lire dans un extrait de tract distribué à Leeds. Les
signes de préparatifs pour une révolution générale déclarée étaient
largement visibles, par exemple dans le Yorkshire et le Lancashire,
déjà en 1812.
D’énormes quantités de biens furent détruits, parmi lesquels de
très nombreux métiers à filer, qui avaient été modifiés en vue d'une
production de qualité inférieure. En fait, le mouvement tira son nom du
jeune Ned Ludd, qui, plutôt que de produire la camelote qu'on exigeait
de lui, s'empara d'un marteau de forgeron et brisa tous les métiers à
sa portée. L'insistance avec laquelle les Luddites se posaient la
question du choix entre le contrôle des modes de production et leur
suppression enflammait l'imagination populaire et les assurait de fait,
d'un soutien unanime. Hobsbawm déclara qu'il existait une « sympathie
débordante pour les briseurs de machine dans tous les secteurs de la
population », une situation qui vers 1813, selon Churchill, « avait
trahi l'absence complète de moyens pour préserver l'ordre public ». La
destruction des métiers fut, en 1812, vue comme un outrage capital, et
il fallut dépêcher des effectifs chaque fois plus nombreux, au point de
dépasser en quantité les troupes que Wellington commanda contre
Napoléon. L'armée, toutefois, était non seulement éparpillée, mais
encore considérée comme non fiable en raison de ses propres sympathies
et de la présence de nombreux conscrits luddites dans ses rangs. De
même ne pouvait-on compter sur la police et les magistrats locaux, et
un important réseau d'espions démontra son impuissance face à
l'authentique solidarité du peuple. Comme on pouvait le penser, la
milice volontaire, régie par le Watch and Ward Act, ne parvint, selon
les Hammonds, qu'à « armer les plus profondément aliénés », et il
fallut ainsi, du temps de Peel, instituer le système moderne de police
professionnelle.
Cependant, une intervention de cette nature aurait presque pu se
révéler fondamentalement insuffisante, surtout si l'on considère la
façon dont le Luddisme apparut, à chaque événement, plus
révolutionnaire. Cole et Postgate, par exemple, décrivirent les
Luddites d'après 1815 comme plus radicaux que leurs prédécesseurs et
conclurent que ceux-là « s'opposaient au système industriel comme un
tout ». Aussi, Thomson observa qu'en 1819 encore la voie était toujours
libre pour une insurrection générale victorieuse.
Contre ce que Mathias appela « la tentative de destruction de la
nouvelle société », il s'avéra nécessaire, afin de faire accepter
l'ordre fondamental, de recourir à une arme serrant de plus près le
lieu de production, en l'occurrence le syndicalisme. A l'évidence,
l'ascension du syndicalisme, tout comme la création de la police
moderne, fut une conséquence du Luddisme, mais nous devons aussi savoir
qu'une tradition de syndicalisme longtemps tolérée avait existé parmi
les travailleurs du textile et d'autres, avant même les soulèvements
luddites. Par là, comme Morton et Tate sont presque les seuls à le
signaler, la destruction des machines en cette période ne peut être
considérée comme l'explosion de désespoir d'ouvriers privés d'une autre
issue. En dépit des Combination Acts, qui stipulaient l'interdiction
par ailleurs non appliquée des syndicats entre 1799 et 1824, le
Luddisme ne se laissa pas décourager et affronta même, avec succès dans
les premiers temps, un appareil syndical en expansion, qui refusait de
mettre en danger le capital. De fait, le choix entre les deux était
possible et les syndicats furent laissés de côté au profit de
l'organisation directe des travailleurs et de leurs fins radicales.
Il est tout à fait clair que le syndicalisme, pendant la période en
question, fut fondamentalement distinct du Luddisme et encouragé comme
tel, dans l'espoir de récupérer l'autonomie luddite. Dans un esprit
contraire à l'existence des Combination Acts, les syndicats, par
exemple, étaient souvent considérés comme légaux devant les tribunaux,
et les syndicalistes, quand ils étaient poursuivis, recevaient
généralement de légers châtiments ou n'en recevaient pas le moindre,
quand les Luddites étaient d'ordinaire pendus. Quelques membres du
parlement reprochèrent ouvertement aux propriétaires leur
responsabilité dans la misère sociale, et de ne pas utiliser pleinement
la planche de salut syndicale. Ceci ne veut pas dire que les objectifs
et le pouvoir de contrôle des syndicats aient été aussi clairs et
affirmés qu'ils le sont aujourd'hui pour tout le monde, mais le rôle
indispensable des syndicats vis-à-vis du capital apparaissait, à la
lumière de la crise en cours et de la nécessité qui se faisait sentir
de disposer d'alliés pour la pacification des travailleurs. Des membres
du Parlement des comtés des Midlands pressèrent Gravenor Henson, leader
du Syndicat du Corps des Tricoteurs, de combattre le Luddisme — comme
si cela avait été nécessaire. Sa manière de l'entraver tenait
évidemment dans son infatigable propagande en faveur de l'extension de
la puissance syndicale. Le Comité du Corps des Tricoteurs au sein du
syndicat, selon l'étude de Church sur Nottingham, « donna des
instructions précises aux travailleurs pour les empêcher de détruire
les métiers ». Et le Syndicat de Nottingham, la principale ébauche d'un
syndicat industriel général, s'opposa de la même manière au Luddisme,
en se refusent à tout emploi de la violence.
Si les syndicats furent effectivement peu liés aux Luddites, il
n'en reste pas moins qu'ils constituèrent le stade consécutif au
Luddisme en ce sens que le syndicalisme prit une part essentielle à sa
défaite par le biais des divisions, de la confusion et de l'épuisement
des énergies. Il « remplaça » le Luddisme de la même façon qu'il
protégea les patrons des insultes des enfants en pleine rue, et du
pouvoir direct des producteurs. C'est ainsi que la pleine
reconnaissance des syndicats à travers les actes d'abrogation des
Combination Acts en 1824 et 1825 « eut un effet modérateur sur le
mécontentement populaire », aux dires de Darvall. Les efforts en faveur
de l'abrogation, conduits par Place et Hume, emportèrent aisément la
décision au sein d'un Parlement inchangé, avec, soit-dit en passant, le
solide soutien d'employeurs comme de syndicalistes, et la seule
opposition d'une poignée de réactionnaires. En fait, tandis que parmi
les arguments conservateurs de Place et Hume figurait l'annonce d'une
diminution du nombre de grèves après l'abrogation, de nombreux patrons
saisissaient le rôle cathartique et apaisant de celles-ci, et à peine
s'émurent-ils de l'éruption de grèves qui suivit la dite abrogation.
Les Actes d'abrogation, bien entendu, confinaient officiellement le
syndicalisme dans son souci traditionnel et marginal concernant les
salaires et le temps de travail, une attribution dont procède la
présence universelle de clauses sur les « droits de la direction » au
sein des conventions collectives d'aujourd'hui.
La campagne du milieu des années 1830 contre les syndicats, menée
par quelques patrons, ne fit que souligner, à sa manière, le rôle
central des premiers : elle ne fut possible qu'en raison du succès des
syndicats, autant pour eux-mêmes que contre la radicalité des ouvriers
incontrôlés de la période précédente. Par là, Lecky était tout à fait
dans le vrai quand il jugea, plus tard dans le siècle, qu'« à n'en pas
douter les syndicats les plus forts, les plus riches et les mieux
organisés, furent pour beaucoup dans la réduction des conflits du
travail » ; de la même manière, les Webbs reconnurent au cours du XIXe
siècle qu'il y eut beaucoup plus de révoltes ouvrières avant que le
syndicalisme ne devînt la règle.
Mais pour en revenir aux Luddites, nous ne trouvons à leur sujet
que quelques récits à la première personne et une tradition
pratiquement secrète, principalement parce qu'ils se projetèrent dans
leurs actes et non en une idéologie. Et de quoi s'agissait-il
exactement ? Stearns, aussi près des faits qu'un commentateur pût
l'être, écrivit : « Les Luddites développèrent une doctrine basée sur
les vertus présumées des techniques manuelles. » C'est tout juste si,
dans sa condescendance, il ne les traite pas de « pauvres diables
arriérés », encore qu'il y ait là certainement un brin de vérité.
Cependant, l'offensive des Luddites ne résulta pas de l'introduction de
nouvelles machines, comme on a coutume de le croire, vu que celle-ci ne
semble pas s'être effectuée en 1811 et 1812, lorsque le Luddisme, à
proprement parler, commença à se manifester. La destruction
correspondit plutôt aux nouvelles méthodes bâcleuses mises en œuvre à
partir des machines existantes. Elle n'était pas une attaque contre la
production pour des raisons économiques, mais avant tout une riposte
violente des ouvriers du textile (et vite rejoints par d'autres) aux
tentatives de dégradation, sous la forme d'un travail inférieur : la
camelote — les « découpages » assemblés à la hâte, pour l'essentiel —,
là était le fond du problème. Si les offensives luddites
correspondaient généralement à des périodes de dépression économique,
cela était dû au fait que les employeurs profitaient souvent de ces
occasions pour introduire de nouvelles méthodes de production. Il est
cependant vrai que toutes les périodes de privation n'ont pas engendré
le Luddisme, et que les régions où celui-ci apparut n'étaient pas
spécialement déshéritées. Le Leicestershire, par exemple, fut le moins
atteint dans les temps difficiles, tout en étant une zone productrice
de fabrications lainières de la meilleure qualité ; le Leicestershire
fut un puissant bastion du Luddisme.
Se demander ce que pouvait comporter de radical un mouvement qui,
en apparence, se « limitait » à revendiquer l'abandon des tâches
corrompues, n'est pas saisir la vérité profonde d'une hypothèse, que
l'on est en droit de faire, et qui fut tenue pour établie par chacune
des parties, concernant le lien entre la destruction des métiers et la
sédition. Comme si le combat du producteur pour l'intégrité du travail
de toute une vie pouvait se mener sans remettre en question le
capitalisme dans sa totalité. La demande de l'abandon des tâches
corrompues entraîne nécessairement un cataclysme, et, dans la mesure où
elle est poursuivie, une bataille du tout-ou-rien ; elle conduit
directement au cœur des relations capitalistes et de leur dynamique.
Un autre côté du phénomène luddite généralement traité avec
complaisance, en le passant délibérément sous silence, est son aspect
organisationnel. Les Luddites, comme de bien entendu, fonçaient
sauvagement et les yeux fermés, tandis que les syndicats fournissaient
aux travailleurs la seule forme d'organisation. Mais, de fait, les
Luddites s'organisèrent localement et même fédéralement, regroupant des
ouvriers de toutes les branches avec une coordination remarquable.
Evitant toute structure aliénante, leur organisation eut la sagesse de
n'être ni formalisée ni permanente. Leur tradition de révolte était
dépourvue de centre et prévalut à la manière d'un « code non écrit ».
Communauté non manipulable, leur organisation était confiante en
elle-même. Tout ceci, bien sûr, fut essentiel pour la portée du
Luddisme, pour l'attrait de ses racines. Dans les faits, « aucun niveau
d'activité des magistrats ni le renforcement des contingents militaires
ne parvinrent à décourager les Luddites. Chaque attaque révélait un
plan et une méthode », établit Thomson, qui témoigna de leurs « sûreté
et communications sensationnelles ». Un officier de l'armée en poste
dans le Yorkshire perçut chez eux « un niveau d'entente et
d'organisation des plus extraordinaire ». William Cobbett écrivit au
sujet d'un rapport au gouvernement en 1812 : « Et c'est le fait qui
intriguera le plus les ministres. Ils ne peuvent trouver d'agitateurs.
C'est un mouvement du peuple lui-même. »
Cependant, et cela en dépit des observations dépitées de Cobbett,
il se trouva des Luddites en la personne de leurs leaders pour se
porter au secours des autorités. Leur mouvement n'était pas
complètement égalitaire, bien que cet aspect ait été plus près de la
réalité que ne le fut leur approche de tout ce qui était à leur portée,
et de la façon dont cela leur échappa de peu. Bien sûr, c'est des
leaders que se dégagea le plus nettement avec le temps le « raffinement
politique » ; c'est aussi à partir d'eux qu'en quelques occasions des
cadres syndicaux se révélèrent.
Dans les temps « pré-politiques » des Luddites — comme dans nos
temps « post-politiques » — le peuple haïssait ouvertement ses
dirigeants. Il applaudit à la mort de Pitt en 1806, et plus encore à
l'assassinat de Perceval en 1812. De telles manifestations devant la
mort de premiers ministres mettaient en évidence la fragilité des
médiations entre gouvernants et gouvernés, le manque d'intégration
entre les deux. L'affranchissement politique des travailleurs était
certainement moins important que leur affranchissement ou leur
intégration industriels, par le biais des syndicats ; c'est pour cette
raison que le premier se poursuivit le plus lentement. Toujours est-il
que les vigoureux efforts produits pour intéresser la population à des
activités légales, à savoir la campagne pour élargir la base électorale
du parlement, constituèrent une puissante arme pacificatrice. Cobbett,
tenu par beaucoup pour le plus virulent pamphlétaire de l'histoire
anglaise, décida de nombreuses personnes à rejoindre les Hampden Clubs
favorables à la réforme électorale, et il se caractérisa aussi, aux
dires de Davis, par sa « condamnation sans appel des Luddites ». Les
effets pernicieux de cette campagne de réforme créatrice de dissension
se mesurent jusqu'à un certain point, en comparant les premières et
énergiques manifestations de colère antigouvernementale des Gordon
Riots (1780) et les attroupements contre le Roi à Londres (1795) aux
massacres et fiascos des « soulèvements » de Pentdridge et Peterloo,
qui coïncidèrent approximativement avec la défaite du Luddisme juste
avant 1820.
En revenant, pour conclure, à des mécanismes plus fondamentaux,
nous examinerons à nouveau la question du travail et du syndicalisme.
Il faut bien voir que ce dernier s'établit sur le divorce effectif
entre le travailleur et le contrôle des moyens de production — et, bien
sûr, le syndicalisme contribua des plus substantiellement à ce divorce,
comme nous l'avons vu. Certains, parmi lesquels on compte, bien
évidemment, les marxistes, voient cette défaite et son pendant, la
victoire du système manufacturier, comme à la fois inévitables et
souhaitables, bien qu’ils doivent admettre que dans les tâches
exécutives réside, encore maintenant, une part significative de la
conduite des opérations industrielles. Un siècle après Marx, Galbraith
situa l’origine du primat de la productivité sur la créativité dans le
renoncement de principe des syndicats à toute protestation visant le
travail lui-même. Mais tous les idéologues, quant à eux, perçoivent le
travail comme un espace fermé à la falsification. Les activités
laborieuses sont le noyau imperméable à l'idéologie et à ses formes,
telles que médiation et représentation. De tels idéologues ignorent
l'incessante et universelle exigeance luddite portant sur le contrôle
des modes de production. Une telle lutte des classes est quelque chose
de totalement différent pour le producteur et pour l'idéologue.
Dans le jeune mouvement syndical, il existait une grande dose de
démocratie. Par exemple, la nomination des délégués par rotation ou
tirage au sort était pratique largement répandue. Mais ce qui ne peut
être légitimement démocratisé, c'est la défaite, réelle, dont procède
la victoire des syndicats, qui en fait l'organisation de la complicité,
une caricature de communauté. Les apparences, à ce stade, ne peuvent
masquer le syndicalisme, comme agent de l'acceptation et du maintien
d'un monde grotesque.
La quantification marxiste élève la productivité au rang de
summum bonum, de la même manière que les hommes de gauche passent sous
silence la finalité du pouvoir direct des producteurs et en arrivent
ainsi, pour aussi incroyable que cela paraisse, à épouser la cause
syndicale, considérée comme la meilleure solution pour les travailleurs
sans protection. L'opportunisme et l'élitisme de toutes les
Internationales, pour tout dire l'histoire de la gauche, aboutit
finalement au fascisme quand les refoulements accumulés portent leurs
fruits. Dès lors, le fascisme peut en appeler avec succès aux
travailleurs, en se faisant valoir comme liquidateur des inhibitions,
comme le « Socialisme d'Action », etc. - comme révolutionnaire. Il
devrait être clairement établi combien il se perdit avec les Luddites,
et quelle terrible anti-histoire s'ouvrit ensuite.
D'aucuns en reviennent déjà à parler d'« époque de transition »
pour qualifier l'actuelle crise montante, espérant que tout se résoudra
harmonieusement dans une nouvelle défaite des Luddites. Nous voyons
aujourd'hui la même nécessité d'appliquer la discipline du travail que
dans les premiers temps, et la même appréhension dans la population de
la notion de « progrès ». Mais il est très possible qu'aujourd'hui nous
puissions reconnaître tous nos ennemis avec plus de précision, de telle
manière que cette fois la transition soit menée par les créateurs.
JOHN et PAULA ZERZAN.
Original en anglais paru en 1976 dans Fifth Estate. Première traduction
française dans Échanges et Mouvement n°11 en 1977. Seconde traduction
française à Grenoble en 1982. Troisième traduction française parue dans
le recueil « Aux sources de l’aliénation » à l’Insomniaque en 1999.
Cette traduction est celle de Grenoble, revue et corrigée par les mêmes en 2003.
http://mai68.org/textes/NED_LUDD.htm
http://kalachnikov.org/textes/NED_LUDD.htm
http://www.chez.com/vlr/ag/textes/NED_LUDD.htm
http://www.monhebergement.fr/do/textes/NED_LUDD.htm
Lien originel :
http://membres.lycos.fr/hipparchia/quiatuenedludd.html