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Ni le STRASS ni ses alliées féministes ne sont ‘pro-prostitution’, mais défendent la légalité du travail sexuel, sa dignité, son droit d’exister sans souffrir de discriminations, d’opprobre et de violence. Le STRASS n’est pas un lobby ‘pro-prostitution’ mais un syndicat de défense des droits des travailleurs et travailleuses du sexe. L’amalgame est trompeur, et l’on ne dirait pas des autres syndicats qu’ils défendent le travail quand ils défendent les travailleurs. Le STRASS n’est pas règlementariste. (2) En fait, le STRASS est l’organisation en France qui se bat le plus contre le règlementarisme car c’est nous qui avons été à la pointe du rejet de la réouverture des maisons closes prônée par la députée UMP Chantal Brunel en hiver dernier. C’est nous qui avons consacré les Assises de la prostitution 2010 au Sénat en partenariat avec le Collectif Droits et Prostitution sur le thème de l’opposition aux maisons closes, et c’est nous encore qui avons organisé la seule manifestation publique le soir de ces Assises, ayant clairement comme mot d’ordre le rejet de la proposition de Brunel. (3) Nous nous sommes maintes fois expriméEs publiquement sur notre refus des maisons closes.
Il est évident qu’AL a une définition faussée du règlementarisme, mais certainement aussi de l’abolitionnisme et du prohibitionnisme. Nous considérons en effet le réglementarisme comme une politique de contrôle et de répression de la part de l’Etat qui est en contradiction totale avec nos revendications, parmi lesquelles notre proposition de maisons ouvertes autogérées en coopératives, sans patron ni contrôle d’un tiers ou de l’Etat. Nos revendications pour la reconnaissance de notre existence, le droit commun et l’égalité des droits, et la décriminalisation de notre travail par l’abolition de toutes les lois sur la prostitution s’apparentent au contraire bien plus à la volonté originelle de l’activiste et fondatrice de la philosophie abolitionniste, Joséphine Butler. Or, il est vrai que nous ne nous définissons pas non plus abolitionnistes, car ce courant a été récupéré et dévoyé par des prohibitionnistes souvent d’obédience chrétienne ayant pour but final l’abolition du travail du sexe, par le contrôle social de la prostitution et notre “réhabilitation”.
Ce courant bénéficie de millions d’euros de subventions publiques chaque année afin de lutter contre la prostitution, avec des centaines de personnes salariées dans toute la France ayant tout intérêt à préserver leurs intérêts économiques. Pour ne prendre exemple que de l’une d’entre elles, l’Amicale du Nid bénéficie d’un budget annuel de 12 200 000 euros avec plus de 200 salariés. (4) L’abolitionnisme tel qu’il existe aujourd’hui est donc avant tout un business très juteux. Ces organisations défendent la criminalisation de l’organisation de notre travail à travers les lois sur le proxénétisme, sans distinguer le proxénétisme de contrainte du proxénétisme de soutien, et maintenant militent pour la pénalisation de nos clients, contrairement à ce qu’ils déclaraient lors de leur audition au Sénat, en 2001 estimant que c’est une “fausse solution”. C’est dans cette ligne idéologique qu’AL veut se situer, en prétendant ne pas être prohibitionniste parce qu’ils sont contre la criminalisation du racolage. Or, le délit de racolage n’est qu’une des mesures d’un ensemble législatif prohibitionniste qui criminalise les travailleurs et travailleuses du sexe de bien des façons.
L’autre raison pour laquelle nous ne nous définissons pas abolitionnistes est que toutes ces organisations participent à la confiscation de la parole des travailleurs et travailleuses du sexe, soit par notre maintien au silence, soit par la calomnie, en nous accusant d’être complices de trafiquants, de proxénètes, de pédophiles et de violeurs, quand nous ne le serions pas nous mêmes.(5) La seule parole des travailleurs du sexe qui leur semble valable est celle qu’ils instrumentalisent, c’est-à-dire celle de personnes présentées comme victimes, n’ayant pas la capacité de faire leur propre choix et nécessitant leur aide charitable.
Ce n’est pas ainsi que nous concevons notre libération. Nous pensons au contraire que le statut de victime est un piège, qui nous enferme dans une posture de passivité, et nous prive de moyens d’actions pour nous auto-organiser. Les abolitionnistes ont beau avoir de belles intentions, nous ne leur reconnaissons aucun droit à décider de nos vies et des actions que nous devons mener, comme le fait de continuer à exercer le travail du sexe ou non.
Il est déplorable qu’AL ait décidé de procéder de la même façon en rédigeant tout un dossier sur notre travail, sans se donner la peine de consulter les divers collectifs de travailleurs et travailleuses du sexe qui existent en France, dont le STRASS. AL s’arroge le monopole de l’autogestion en déniant la parole des travailleurs et travailleuses du sexe dans son analyse et nous explique pourquoi dans un texte datant de 2007: «Nous ne participerons pas aux luttes revendiquant des droits attachés au « métier » ou au statut de prostitué(e)s, mais avec les prostitué(e)s aux luttes universelles qui les concernent aussi (lutte pour les droits sociaux universels, lutte contre les lois sécuritaires). » (6) Voilà tout le paradoxe de la position abolitionniste d’AL qui refuse de considérer les travailleurs du sexe dans leur diversité et divise les prostituées en traçant une frontière improbable : d’un côté les “bonnes” prostituées victimes et de l’autre ; des libérales complices du système patriarcal et du capitalisme mondialisé. Comme si nos luttes, bien que partagées par des libertaires, n’étaient pas légitimes parce qu’émanant de femmes, de trans’ et d’hommes exerçant le travail sexuel mais refusant la victimisation et la confiscation de notre parole par des “spécialistes” auto-proclamés, et préférant nous syndiquer pour enfin, nous faire entendre. Y a-t-il d’autres groupes de travailleurs pour lesquels AL conditionne ainsi sa solidarité ?
En lisant le dossier d’AL, les seuls ‘experts’ cités, à l’exception d’Andrea Dworkin, n’ont aucune expérience du travail du sexe. Ce qui est éclairant par ailleurs, c’est que ces ‘experts’ se contredisent entre eux. En effet, AL interviewe le sociologue Lilian Mathieu qui les met pourtant en garde contre les erreurs des courants abolitionnistes. Son livre, La Condition Prostituée, explique très bien l’essentialisme de l’idéologie abolitionniste et Mathieu a dû dénoncer le manque de rigueur scientifique des autres ‘experts’ cités comme Richard Poulin, et en particulier leur habitude de fabriquer de faux chiffres. (7)
Celles et ceux qui militent pour les droits des travailleurs et travailleuses du sexe savent que les chiffres avancés sont pour la plupart faussés, quand ils ne sont pas inventés de toute pièce. Par exemple, lors de chaque événement sportif international, nous entendons la même légende urbaine des 40 000 femmes victimes de la traite déportées d’un endroit à l’autre de la terre. (8) AL décide de présenter les mêmes faits et décrit la prostitution en France comme dominée par la traite. Il semble donc qu’AL se base sur les mêmes chiffres que ceux délivrés par le Ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux. Cependant, le STRASS a déjà démontré dans une tribune sur LeMonde.fr que les chiffres du Ministre sont faux, basés sur le nombre de personnes arrêtées dans le travail de sexe de rue et ne reflètent en rien la réalité de la prostitution en France.(9) En effet, les personnes arrêtées en priorité par la police sont étrangères car le délit de racolage a pour but de les expulser. Il ne reste plus qu’aux courants abolitionnistes d’imposer le dogme selon lequel tous les travailleurs et travailleuses du sexe étrangèrEs sont des victimes de la traite car par définition il ne peut y avoir pour eux de migration économique s’agissant du travail sexuel. Nous en arrivons donc à la conclusion erronée que la grande majorité des prostituéEs en France seraient des victimes de la traite des êtres humains.
“Post hoc ergo propter hoc”
Ce constat biaisé érigé en vérité scientifique permet ensuite, pour le gouvernement d’expulser autant qu’ils veulent, et pour les courants abolitionnistes de revendiquer de plus amples mesures prohibitives dont la principale est à présent la pénalisation de nos clients. Comme son titre l’indique, avec en couverture l’image d’une ombre d’homme portant un costume représentant le pouvoir masculin, le dossier d’AL tient la position des hommes comme centrale dans l’existence de la prostitution et de la traite. En plus de la figure du proxénète, qui pourtant dans la réalité est souvent une femme, le nouveau responsable de tous les maux des femmes est le client de prostituéEs. C’est lui qui est considéré comme responsable de la traite des femmes, car c’est lui qui créerait la demande pour le marché du sexe. En plaçant, le rôle du client comme central dans son analyse, AL commet l’erreur d’omettre les travailleurs et travailleuses du sexe. En général, la raison pour laquelle nous exerçons le travail du sexe n’est pas à la suite d’une demande d’un client mais pour des raisons économiques.
La plupart du temps, c’est nous qui allons chercher le client pour répondre à nos besoins. En voulant criminaliser nos clients, AL ne répond pas à notre situation économique, mais met en danger les ressources que nous avons à notre disposition par le travail du sexe. AL a beau préciser que des droits universels devraient nous permettre de ne plus avoir à travailler dans l’industrie du sexe, mais la répression de nos clients telle qu’elle s’est déroulée dans les pays qui ont choisi ce modèle, et telle qu’elle est présentée par le reste des courants abolitionnistes ne va pas dans ce sens. En réalité, la répression des clients est le moyen de ne pas avoir à résoudre la question de notre situation économique, et de fait, ne fait pas disparaitre la prostitution. Si AL considère sérieusement le problème de la précarité des femmes et des minorités qui ont recours au travail du sexe comme forme de stratégie économique, ils ne devraient même pas avoir à envisager la question de nos clients mais tenter de trouver de meilleures options. La criminalisation de nos clients au contraire aggrave notre précarité car elle nous prive d’une partie de nos revenus, nous force à travailler dans des espaces plus éloignés de la police pour conserver notre clientèle et donc à travailler plus longtemps et dans de plus grands dangers.
AL répondra alors que la majorité des prostituéEs étant des victimes de la traite, notre situation économique n’est qu’un facteur secondaire car minoritaire, un souci de capitalistes libéraux présentant la « figure mensongère de l’indépendante faisant croire que la prostitution est faite par et pour les travailleuses: l’argent leur reviendrait ». Or, même si AL avait raison et que la majorité des prostituées étaient des victimes de la traite, criminaliser les clients ne supprimerait pas la ‘demande’ de sexe. Elle ne ferait que réprimer celui qui pour l’instant est le seul acteur qui peut encore appeler la police sans risque d’être arrêté, et celui en meilleure position de mettre fin à la traite des êtres humains concrètement en étant en direct contact avec les victimes. Si AL connaissait un peu mieux nos clients, ils sauraient qu’ils ne viennent pas dans le désir ordinaire de nous dominer, parce que la sexualité des hommes n’est pas vouée par essence à toujours vouloir dominer celle des femmes.
Le STRASS déplore qu’une
organisation libertaire puisse défendre de telles positions, celle de
lobbys religieux, contre l’auto-organisation des travailleurs et
travailleuses du sexe dénoncée comme règlementariste, et envisage
peut-être même la pénalisation de nos clients. Nous estimons que c’est
un réel recul de la part des mouvements anarchistes et libertaires quand
on sait par exemple qu’Emma Goldman avait dénoncé la fabrication du
mythe de la traite des blanches par les mouvements chrétiens et
prohibitionnistes afin de contrôler les femmes du peuple en réprimant
davantage l’exercice de la prostitution. Goldman plaçait la question de
la situation économique des femmes au centre de son analyse et jamais
n’a accusé les prostituéEs d’être complices du capitalisme ou du
patriarcat. (10)
–
1 http://www.alternativelibertaire.org/spip.php?article3631
4 http://www.fondationscelles.org/index.php?option=com_content&task=view&id=208&Itemid=111
5 http://www.mouvementdunid.org/Feu-Verts-au-proxenetisme-Lettre
10 http://womenshistory.about.com/library/etext/bl_eg_an8_traffic_in_women.htm
Commentaires :
Rappeuse |
alternative pas libertaireIl me faudrait prendre du temps pour démonter chaque connerie "éditoriale" du torchon d'A.L (la dernière qui m'a surprise, est de présenter la C.N.T A.I.T comme une dissidence de la cnt/f alors que c'est précisément l ' inverse (article de l'été 2010 sur le mouvement étudiant à Rennes - il est notable que cela soit utilisé pour discréditer les "anarcho-autonomes-stirneriens-individualistes" - c-à-d les opposant-e-s à A.L au niveau étudiant)
Sans vouloir délivrer de "brevet" d'anarchisme, àmha, A.L est un gauchisme même pas anar, très peu libertaire ! A.L n'est qu' un gauchisme ! Répondre à ce commentaire
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revolte 31-08-10
à 11:46 |
Re: alternative pas libertaireTout a fait d'accord avec ton commentaire Rappeuse. Ne soyons pas dupes du double jeux(discours) de ces pseudos libertaires. * Au royaume des aveugles,les borgnes sont rois! * Répondre à ce commentaire
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à 07:51