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Lu sur Indymédia Belgique : "Vous vous êtes peut-être demandé récemment quelles étaient les relations que la France entretenaient avec le régime de Khartoum. Il suffit d'aller faire un tour sur le site du ministère des affaires étrangères pour avoir une réponse claire : "Les relations avec le Soudan sont bonnes". Poursuivez la lecture et vous apprendrez que "La coopération culturelle et technique est en phase ascendante" entre nos deux pays ! (Site France.Diplomatie mise à jour le 30/07/04).
Ces bonnes relations affichées avec un régime qui est accusé de commettre des crimes contre l'humanité contre une partie de sa population, pourraient en partie s'expliquer par la présence d'immenses réserves pétrolières dans le sud Soudan que la France souhaiterait pouvoir exploiter une fois la paix revenue - sous-entendu, une fois la rébellion du sud écrasée - (l'actuel ambassadeur de France au Soudan, Mr. Dominique Renaux, est un ancien responsable d'Elf et de l'Institut français des pétroles).
Cela semble d'autant plus probable que TotalFinaElf, possède la plus grande concession pétrolière du sud Soudan, mais que cette concession n'a pas pu être exploitée jusqu' à présent en raison des conflits qui déchirent le pays, et plus particulièrement la région du sud, depuis plus de vingt ans.(Voir le Rapport de Human Rights Watch : Sudan, Oil, and Human Rights, 2003 ; et Aussi : "Block 5 : also not covered in this report, the concession, by far the largest in the south at 120,000 square kilometers, is owned by the oil multinational TotalFinaElf, and encompasses Central Upper Nile and beyond. It is not currently being developed").
Or, depuis le milieu des années 90, les compagnies pétrolières anglo-saxonnes se sont retirées du Soudan en raison de la politique de nettoyage ethnique orchestrée par le régime de Khartoum (elles ont cependant une lourde part de responsabilité dans les massacres perpétrés en leur présence durant cette période. Voir à cet égard : Human Rights Watch, "Sudan : Oil Companies Complicit in Rights Abuses", November 25, 2003 ).
Ce retrait des Anglo-Saxons a offert une porte d'entrée pour les intérêts français que les gouvernements de gauche et de droite ont su faire fructifier, à un moment où la position de la France en Afrique semblait moralement difficile après sa complicité dans le génocide rwandais (Voir Génocide Rwandais : L'Innocence de la France en Questions ).
En effet, depuis sa défaite militaire au Rwanda en 1994, la France cherche à tout prix à contrôler ses derniers bastions françafricains et à empêcher une offensive anglo-saxonne sur le continent africain. La France soupçonne les Etats-Unis de vouloir profiter d'une déstabilisation générale de la région pour se substituer à elle dans des pays comme le Tchad, la République Centrafricaine, le Rwanda ou la République Démocratique du Congo.
La France et le Soudan se sont rapprochés au milieu des années 90, leurs intérêts convergeant pour lutter contre l'Ouganda de Yoweri Museveni, soupçonné par la France de soutenir la rébellion Rwandaise et anglophone du Front Patriotique Rwandais et accusé par le Soudan de soutenir la rébellion des chrétiens et animistes du Sud-Soudan. La France craint également que la guerre du Soudan ne s'exporte au Tchad où elle dispose d'une base militaire permanente que les américains aimeraient bien voir disparaître (Voir Paris tend la main au président tchadien , Le Figaro 09/08/2004 : "Une crise peut en cacher une autre. Derrière l'engagement - réel - de la France dans l'aide humanitaire aux réfugiés du Darfour, Paris poursuit un autre but : tendre la main au président tchadien Idriss Déby, menacé par le conflit. Preuve de l'urgence : c'est la première fois que les forces françaises positionnées au Tchad sont engagées dans une mission à caractère militaire - la « sécurisation des frontières » - depuis les années 80").
Ainsi, ayant perdu pied au Rwanda, la France a cherché à dissimuler ses fautes passées en en assumant de nouvelles et en se posant comme rempart face aux appétits impérialistes affichés des Etats-Unis. Sa collaboration avec le régime soudanais ne faisait alors que commencer (Voir Stephen Smith, "Quand Pasqua prend la voie soudanaise", dans Libération du 16/08/94 : "Le ministre de l'intérieur n'a pas lésiné sur les contreparties [à l'extradition de Carlos]. A plusieurs reprises - la dernière fois il y a huit semaines -, des chefs de la sécurité soudanaise ont ainsi été invités en France pour des visites guidées sur les bases de la DGSE. Mieux, aux intégristes de Khartoum, qui mènent une guerre jusqu'au-boutiste contre les chrétiens et animistes du Sud-Soudan, Paris a accordé un droit de passage" par le territoire centrafricain permettant à leurs troupes d'attaquer la guérilla sud-soudanaise dans son dos. Ceci d'autant plus facilement que les services français ont également livré des photos satellites identifiant les positions de l'Armée populaire de libération du Sud-Soudan -APLS-." Voir également, Noir Silence de François-Xavier Verschave, 2000, éditions les Arènes, page 241 : "Exterminateurs à Khartoum", note 3 : "Depuis la livraison de Carlos en 1994, Paris est, en Europe, et au FMI, le principal opposant aux sanctions contre Khartoum".).
On comprend ainsi mieux pourquoi la France s'est opposée en juillet dernier aux sanctions onusiennes proposées par les Etats-Unis contre le régime de Khartoum et pourquoi son secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, Mr Muselier, a qualifié les évènements de "guerre civile", refusant d'employer le terme de génocide ou de nettoyage ethnique (France opposes UN Sudan sanctions , BBC News, 8 July 2004).
Mais jusqu'où la France ira-t-elle cette fois-ci, dix ans après son aventure génocidaire au Rwanda ? Comme au Rwanda, jusqu'au bout de la nuit et de la collaboration avec un régime qui devrait nous être odieux ?
Que cette part d'ombre de la politique française en Afrique soit le cauchemar des Africains ne devrait pas pour autant nous permettre de dormir tranquille.