Ce texte veut réhabiliter l'idée du féminisme, qui souffre d'une image bien négative, ici en France. Le féminisme c'est l'égalité des hommes et des femmes dans les faits, dans les lois, dans les actes.
C'est aussi une lutte contre des idées préconçues, des stéréotypes attachés aux sexes. C'est là que les hommes sont plus directement concernés.
Tu peux employer le mot
anti-sexisme qui signifie à peu près la même chose ; certains préfèrent le
mot féminisme, car de même que le black power a été initié par des noirs, ce
terme montre que le mouvement a été initié par des femmes.
Certains
sont contre le féminisme parce qu'ils ont vu une ou deux de
ses représentantes, qui leur ont déplu. Allez vous rejeter en bloc un
mouvement politique parce qu'un de ses membres vous énerve ? Or, le féminisme
ce sont des idées, pas des personnes.
Certains pensent que le féminisme
est une valeur dépassée parce qu'en France nos acquis sont assurés. Chacun
pourra constater qu'avec les attaques constantes contre l'avortement, les
violences sexuelles, conjugales, le sexisme c'est loin d'être
acquis.
Certains hommes pensent que le féminisme est un combat de femmes et
qu'ils ne sont donc pas concernés.
Nous sommes, en France, dans un système
patriarcal ; patriarcat signifie que, dans ce système social, le père est le
chef de famille et exerce les pouvoirs.
Jusqu'il y a peu, une femme devait
prendre le nom de famille de son mari à son mariage ; son existence sociale
n'était donc conditionnée que via ce nom. Elle avait donc avant son mariage
le nom de son père, puis ensuite
celui de son mari. Combien de femmes
reçoivent encore des courriers au nom de Madame Bernard Dupont, montrant
ainsi qu'elles n'existent que via leur mariage ?
Le patriarcat ne
signifie pas, qu'individuellement, chaque homme cherche à dominer chaque
femme et est responsable des souffrances de toutes les femmes. Ce système est
en deçà des individus. Pour plus de compréhension, on peut comparer cela au
capitalisme, système économique bien au delà des individus où chaque patron
n'est pas individuellement responsable du sort de chaque ouvrier. Simplement
on a considéré à un moment donné que le capital était le critère de
domination principal (cela n'est pas le cas dans le monde entier) et, qu'à ce
titre, celui qui le possède a plus de pouvoirs que les autres. C'est la même
chose en ce qui concerne le patriarcat. Mais comme tout système social, il
entraîne devoirs et contraintes pour chaque individu
appartenant à ce
système.
Les individus tendent parfois à faire perdurer ce système ; ces
individus peuvent être de sexe féminin ou masculin. Comme,
traditionnellement, les hommes ont plus de pouvoir, les violences qu'ils
exercent « au nom du
patriarcat » sont plus nombreuses et plus visibles.
C'est logique puisque, dans un système inégalitaire, les dominants tiennent
de nombreux bastions et jouissent de droits que n'ont pas les dominées.
Citons en exemple le viol conjugal impuni jusqu'à une date récente ou le fait
d'insulter une femme au prétexte qu'elle est court vêtue dans un espace
public. Rappelons à ce titre que, de manière implicite, la loi tend à punir
les femmes qui occuperaient la rue, puisque le racolage passif, désormais
puni, désigne « le fait, par tout moyen, y compris par une attitude même
passive, de procéder publiquement au racolage d'autrui en vue de l'inciter à
des relations
sexuelles en échange d'une rémunération ». C'est ainsi que des
femmes en train d'attendre des ami-e-s, ou de se promener ont été arrêtées
sous prétexte qu'elles racolaient. Cette loi, bien au delà des simples
individus, et même de ceux qui l'ont votée, car ses buts sont bien
inconscients, tend à dire qu'une femme ne doit pas être dans un espace
public, ou alors en adoptant une attitude et une tenue « convenables
»..
Les individus contribuent donc, parfois, consciemment ou non à
faire perdurer ce système. Les exciseuses sont en général des femmes ; elles
font ainsi perdurer une tradition au mépris de tout plaisir et intégrité du
corps des femmes. On entend aussi des femmes dire d'une autre qu'elle ferait
mieux de s'occuper de ses enfants, ou qu'un homme n'a pas à faire le ménage,
ce « n'est pas son rôle ». C'est ce qu'on appelle l'essentialisme qui peut
être
biologique ou social.
L'essentialisme biologique pense que
génétiquement, biologiquement, de façon innée, instinctive, une femme saurait
mieux faire certaines activités et un homme, d'autres. Ex : l'instinct
maternel. Quand on voit le nombre de
femmes, ou plus simplement, de femelles
dans toutes les espèces qui ne s' occupent pas de leurs enfants, on constate
combien cette idée est fausse. On apprend simplement plus aux petites filles
à s'en occuper, via les jouets sexués (poupées, landaus...), via les petits
frères et soeurs qu'on leur confie davantage qu'aux frères aînés.
On tend
aussi à penser que la testostérone joue un rôle important - voire le seul -
dans l'agressivité masculine. Des études montrent qu'il s'agit d'une idée
préconçue. Par exemple, on s'est intéressé au comportement des primates après
castration et on a constaté que les rapports de domination ne varient pas. On
a aussi vu que, chez les groupes avec une structure sociale de dominance,
ceux qui gagnent au combat voient leur taux de testostérone grimper alors que
les perdants voient le leur baisser. Ainsi les taux d'hormones deviennent le
résultat plutôt que la cause du combat. Les effets de la socialisation sur
des animaux sont considérables ; de jeunes singes rhésus ont été élevés à la
naissance avec une "mère" en tissu, sans aucun compagnon vivant. Une fois
dans la communauté, ces jeunes singes ont eu des problèmes comportementaux
(hyper agressivité). Enfin des études biologiques montrent que beaucoup
d'hormones, en fait, sont impliquées dans l'agressivité (prolactine,
l'oestrogène, la progestérone, l'adrénaline...).
Tout résumer au biologique
et à la testostérone procède donc d'une grave erreur.
L'essentialisme
social consiste à prêter à chaque sexe des caractéristiques sociales,
immuables et stéréotypées. Ex : un garçon est moins émotif, sait mieux lire
les cartes routières... Des études (Condry et Condry par exemple) montrent
combien le comportement des parents, mais aussi de l'entourage varie selon
qu'on connaît le sexe de l'enfant. Une étude montre qu'on prend moins vite
dans ses bras un nouveau-né garçon qu'un nouveau-né fille ; d' autres études
montrent que devant un enfant, vêtu tour à tour en fille puis en garçon, les
témoins ont tendance à qualifier le comportement de la « fille » de «
craintif » et celui du garçon de « coléreux ». On prête donc des
caractéristiques à une personne selon qu'on suppose qu'il s'agit d'un garçon
ou d'une fille.
Tous ces préjugés, ces stéréotypes ne font que perdurer
et façonnent la personnalité de chacun. Si l'on grandit dans un milieu où
l'on vous persuade qu'un garçon doit être viril, batailleur, peu sujet à
montrer ses émotions
alors qu'une fille doit être calme, douce et attentive,
cela déteindra forcement sur notre comportement individuel. Le féminisme se
bat contre ces stéréotypes, qui touchent, nous l'avons vu, les filles et les
garçons.
En 2003, une étude a tenté de montrer pourquoi il y a si peu de
femmes PDG.
Entre autres choses, on a montré que les quelques femmes PDG
américaines étaient plus mal vues que leurs confrères hommes parce qu'on
considérait qu' elles étaient beaucoup trop agressives, trop froides, alors
qu'elles se comportaient juste de la même maière que leurs confrères. On peut
aussi se souvenir des soldates d'Abu Ghraib en Irak, qui ont fait scandale
dans le monde entier ; non pas parce qu'elles avaient eu un comportement
plus innommable que leurs compagnons, mais parce que c'étaient des femmes et
qu' une femme ne doit pas faire ce genre de chose.
Pour revenir aux
hommes et au féminisme, il ne s'agit pas uniquement de se battre pour les
femmes ; mais aussi pour vous mêmes. Le patriarcat conditionne les hommes à
agir de telle ou telle façon. Beauvoir a dit qu'on ne naît pas femme, on le
devient mais il en est de même pour les hommes. « Bats toi si t'es un homme »
; cette expression apparemment anodine montre que l'agressivité doit être une
caractéristique masculine pour qu'on vous considère comme homme. L'enfant
garçon qui ne se battra pas sera démasculinisé, dévalorisé. Il est encore
difficile, en France de se déclarer comme père au foyer sans être suspecté de
paresse, ou d'homosexualité latente.
Certains hommes disent qu'ils
souffrent aussi de sexisme ; un jeune conducteur homme paie plus en matière
d'assurance automobile qu'une jeune conductrice femme. C'est tout à fait
vrai. Mais pourquoi imputer ceci aux
femmes et pas au patriarcat ? Les
compagnies d'assurance utilisent différents critères dont celui du sexe, de
l'âge. Les hommes jeunes ont plus d'accidents graves alors que les femmes ont
davantage d'accrochages. Encore une fois, les critères sociologiques
interviennent ; on a enseigné au petit garçon à suivre davantage ses envies
sans faire attention aux dangers éventuels alors que la petite fille doit «
rester assise sinon elle va salir
sa belle robe ». Cela joue à l'age
adulte... et sur les comportements routiers. Ceci n'est ni la faute des
femmes, ni celles des hommes, mais d' une société qui impose aux personnes
des stéréotypes en fonction de leur
sexe.
En conclusion, le féminisme
c'est :
- souhaiter que chacun ait des droits égaux sans tenir compte de son
sexe (à l'heure actuelle, une femme n'a pas le droit de postuler pour
certains métiers comme sous-marinier ; son sexe le lui interdit). Les
étudiants hommes ont, même si cela n'est pas interdit, plus de difficultés a
faire du baby sitting car une jeune fille « saura mieux s'occuper d'enfants
en bas âge».
- faire tomber des stéréotypes qui n'ont d'autre valeur que
celles de la tradition, de la croyance et qui ne sont fondés sur aucune
réalité scientifique (non, les études sur le cerveau ne sont pas arrivées à
leur terme et, quoi qu'en dise M6, une chaîne française, on n'a pas réussi
à isoler une zone du cerveau qui servirait a étudier une carte routière
et serait mieux utilisée chez les hommes)
- se battre pour que diminuent
les violences envers les femmes ; viols, violences sexuelles, violences
conjugales, mutilations sexuelles, crimes d' honneur sont des combats
féministes.
C'est donc un combat politique utile à tous et toutes,
permettant une vie moins normative, moins contraignante
plaidoyer_feminisme@hotmail.com