Joueb.com
Envie de créer un weblog ?
Soutenez le Secours populaire
ViaBloga
Le nec plus ultra pour créer un site web.
Débarrassez vous de cette publicité : participez ! :O)

L'En Dehors


Quotidien anarchiste individualiste





Crée le 18 mai 2002

Pour nous contacter : endehors(a)no-log.org



D'où venons-nous ?


Nos références
( archives par thèmes )


Vous pouvez nous soutenir en commandant nos brochures :

Les éditions de L'En Dehors



Index des rubriques

Les collaborateurs et collaboratrices de l'En Dehors

Liens

A noter

Recherche

Archive : tous les articles

Session
Nom d'utilisateur
Mot de passe

Mot de passe oublié ?

Philippe Val caresse le Medef et attaque un collaborateur du Plan B
Lu sur Le plan B : « Je me sens parfaitement bien au Medef et je suis content d'y avoir été invité », nous déclare le patron de Charlie Hebdo. En attendant la parution dans les colonnes du Plan B, le 5 octobre, d'un grand reportage sur les singes savants du patronat, notre journal met en ligne les éléments d'une étonnante controverse.

Invité le 30 août à l'université d'été du Medef pour co-animer un « atelier » sur la « liberté d'expression », Philippe Val, le directeur de Charlie Hebdo, a très mal vécu l'intervention d'un sardon(1) du Plan B, Olivier Cyran, à l'issue d'un « débat » supposé se dérouler dans l'intimité patronale. Piqué au vif, le chef d'état-major de l'hebdomadaire « satirique » contre-attaquait quelques jours plus tard en assaisonnant le trouble-fête, par ailleurs ex-collaborateur de Charlie Hebdo (où Cyran a travaillé de 1992 à 2001), dans un éditorial acariâtre et peu regardant sur les faits, intitulé « Au Medef dans la position du mercenaire ». Le Plan B publie ci-dessous un large extrait du conte de fées de Philippe Val ainsi que la réponse que lui a adressé Olivier Cyran.


Editorial de Philippe Val dans Charlie Hebdo du 12 septembre 2007 :

Au Medef dans la position du mercenaire
Le rendez-vous était à 7h30 du matin à Jouy-en-Josas. C'est pourtant vrai que les patrons se lèvent tôt... A la fin de la table ronde à laquelle je participais à l'université d'été du Medef, alors que je terminais sur le problème que pose l'appropriation de moyens d'information par des industriels qui, comme Bouygues, Lagardère ou Dassault, passent des marchés avec l'Etat, une remarque a fusé, sèche : « Maintenant que tu es invité au Medef, tu te gardes bien de parler de l'appropriation des moyens d'information par les marchands d'armes... » Moment de distraction de mon contradicteur véhément ? Heure trop matinale l'ayant contraint à piquer un petit roupillon pendant que je parlais ? Je ne sais. Je lui rappelai que je venais juste de développer le sujet, mais rien n'y fit, il s'entêta. Il avait apparemment le réveil grognon, et je ne saurais lui jeter la pierre pour cela, moi-même ayant choisi un métier intellectuel pour éviter d'avoir à me lever trop tôt. La rencontre étant terminée, le contradicteur, qui était en réalité accompagné d'une petite équipe de tournage, me bondit dessus pour me « cuisiner ». Et quelle ne fut pas ma surprise de reconnaître – au Medef ! – mon ami Olivier Cyran, que les plus âgés d'entre les lecteurs de Charlie connaissent bien. Toujours en forme, discrètement bronzé, il m'aboya quelques questions qui contenaient déjà les réponses, dans le genre « maintenant que tu es vendu au patronat, est-ce que tu ne crois pas que tu es vendu au patronat... ? »
Mais au cœur de la forteresse ennemie, on peut comprendre qu'il ait été un peu agressif et mal à l'aise, comme a dû l'être Jean Moulin quand il a pénétré dans les locaux de la Gestapo à Lyon. Je veux rendre hommage à Cyran, qui, depuis des années, consacre une grande partie de sa vie à surveiller mes dérives et à les dénoncer sur Internet dans des sites qui sauvent le monde en publiant des listes de traîtres. Je sais à quel point il espère que je m'améliore et ça me touche. Son entreprise est d'autant plus belle qu'elle est sans espoir. Comme la plupart des gens, j'empire en prenant de l'âge...

Mon intervention dans un débat organisé par le Medef a eu un certain succès, puisque le lendemain, sur France Inter, elle a été largement relayée. Didier Porte, un des meilleurs chroniqueurs de la maison, m'a fait la gentillesse confraternelle de me coucher sur la liste des ralliés à Sarkozy, car c'est son métier de dire des choses amusantes. Mais l'honneur suprême est venu du titan de la vraie gauche, l'Hercule de la radicalité, le Rambo de l'alter-révolution, l'homme des ondes pures et de la modulation de fréquence éthique, Daniel Mermet lui-même qui n'a pas manqué lui aussi de me dénoncer entre deux de ces fameux gloussements sarcastiques qui ont fait sa gloire de Millau à Porto-Alegre. Etre cité - en bien ou en mal, qu'importe – par Daniel, c'est entrer dans l'Histoire par la grande porte. J'en suis tout confus, et, au nom de notre ancienne amitié, je l'en remercie.

[Le reste de l'édito est consacré à justifier la participation de l'auteur à l'Université d'été du Medef – dialogue, démocratie, etc. – et se termine par une allusion aux gauchistes qui le poursuivent jusque dans les toilettes du Medef].



Réponse d'Olivier Cyran en date du 13 septembre :


Cher Philippe,
Je connais ta théorie sur les traîtres et les crétins, mais les choses sont manifestement plus « complexes » : ton dernier édito prouve avec éloquence qu'on peut être à la fois l'un et l'autre.
Non, je ne consacre pas « une grande partie de ma vie à surveiller tes dérives et à les dénoncer sur Internet ». D'abord, parce que je n'écris que pour des journaux de presse écrite (dont le contenu, il est vrai, se retrouve ensuite parfois sur Internet, mais rassure-toi : ce passage par la « kommandantur » ne me rapporte aucun jambon au marché noir). Ensuite, parce que je serais bien à plaindre si je réglais ma vie sur ton horloge. Sans doute ne suis-je pas indifférent à l'usage que tu fais de Charlie Hebdo, un titre qui a marqué ma jeunesse et pour lequel j'ai travaillé dix ans, et je reconnais bien volontiers que ce gâchis me navre. Mais j'aurais sans nul doute enterré cette histoire, déjà bien ancienne et depuis longtemps évacuée au profit d'activités plus réjouissantes, si tu ne déployais pas un zèle aussi acharné à occuper l'espace médiatique. Pour tous ceux qui ont cessé depuis longtemps de lire ton journal (c'est mon cas), il est difficile hélas d'ignorer tes prestations publiques à la télé, dans les radios, au Medef ou chez les Gracques, qui toutes concourent à un travail idéologique que j'estime hautement nocif : invoquer l'appartenance à la « gauche » pour dépouiller celle-ci des pieds à la tête. Tu n'es certes pas le seul à œuvrer en ce sens, mais le label contestataire de Charlie Hebdo te permet de pilonner un lectorat moins naturellement réceptif au néo-conservatisme que, disons, les partisans de Franz-Olivier Giesbert. En outre, tu mènes ta croisade avec une fougue si hargneuse, un tel mépris pour les faits et des arguments si consternants de vanité (la rage du converti ?) qu'elle ne peut que susciter l'intérêt, voire la fascination : cette surenchère dans la panouille méhaigneriste assaisonnée d'impertinence n'est pas anodine dans l'époque de régression que nous vivons.
A ce propos, la fable selon laquelle tu serais traqué par une meute de khmers rouges, qui te poursuivraient jusque dans les pissotières du Medef (mais où vas-tu trouver tout ça ?), ne manque pas de sel, venant d'un éditorialiste qui consacre la meilleure partie de son temps à traîner dans la boue les altermondialistes, les critiques des médias, les pro-Palestiniens, les pacifistes, Chomsky, les adversaires du giscardisme européen et quiconque ne moule pas sa gauche sur la bedaine de François Hollande.
Voilà pourquoi je te considère comme un ennemi politique et qu'il m'arrive en effet, avec d'autres, d'allumer des contre-feux à ton action de casse. Contrairement à tes salariés, qui semblent avoir abdiqué toute forme de résistance à la captation de leur outil collectif (pour des raisons qui leur sont propres mais qui doivent aussi beaucoup à tes réels talents de DRH), je ne suis pas soumis aux ordres d'un taulier. J'ai fait en sorte de conquérir cette liberté d'expression dont tu te prétends l'avocat – elle m'est précieuse, et je compte bien continuer à en faire usage.
Les faits, maintenant. Au cours de ton intervention à l'université d'été du Medef – à laquelle tu participais non à titre individuel, en tant qu'essayiste ou chansonnier par exemple, mais bel et bien ès qualités de « directeur de la publication et de la rédaction de Charlie Hebdo », ce qui engage la responsabilité de ton équipe –, tu as évoqué le « devoir de vérité » qui incomberait aux « démocrates », en l'occurence les patrons et toi-même, par opposition aux « petits voyous » qui vous portent la contradiction. Or tu t'acquittes bien mal de ce devoir. Contrairement à la facétieuse version que tu en donnes dans ton édito, ta prestation n'a fait que poliment effleurer la question pourtant cruciale de l'appropriation des médias par les industriels. Comme tu le sais, et comme le prouve l'enregistrement que nous avons réalisé, l'essentiel de ton propos portait sur la loi Gayssot, le négationnisme et les carences de l'enseignement philosophique et littéraire – toutes choses qui ne risquaient guère de heurter ton auditoire. Les applaudissements fervents que tu as récoltés de la part des patrons démontrent d'ailleurs qu'ils n'étaient pas trop malmenés par tes bavardages. De surcroît, et contrairement à ce que tu laisses entendre, la question que j'ai posée à l'issue du « débat » portait principalement sur les problèmes de liberté d'expression au sein des entreprises, sujet totalement occulté à la tribune, et la caution que tu offrais par ta présence à Laurence Parisot, elle aussi championne auto-proclamée de la liberté d'expression (l'université d'été du Medef est une « manifestation où règne la plus grande liberté d'expression qui soit », déclarait-elle dans le Monde à la veille de ta conférence).
Je conçois que le « devoir de vérité » est parfois bien encombrant lorsqu'il s'agit de tenir table égale avec les décideurs, les notables bayrouistes et les patrons de presse. Je conçois également qu'il est plus facile de réduire toute opposition politique à une affaire personnelle, voire à une pathologie, comme tu le fais systématiquement dès que tu es en difficulté. Mais je te rejoins sur un point : la tranche horaire de ta conférence était en effet bien matinale, ce qui peut expliquer tes troubles de mémoire – gageons que, l'année prochaine, le Medef te programmera à une heure plus convenable. En attendant, pour t'aider à honorer ton devoir de vérité, je te joins ci-dessous une transcription mot à mot de ma question et de ta réponse.

– Moi : Je suis surpris qu'on ait aussi peu parlé à la tribune des violations de la liberté d'expression par les grands industriels qui détiennent les médias. Surpris aussi qu'il n'ait pas été question des problèmes de liberté d'expression dans le monde du travail, alors que le BIT dénonce régulièrement les entraves à la liberté syndicale dans les entreprises en France. A l'aune de cette situation, je voudrais demander à Philippe Val ce que le patron de Charlie Hebdo vient faire au Medef, pourquoi il vient servir de caution à Laurence Parisot [exclamations indignées du public], qui expliquait hier encore que l'université d'été du Medef était le lieu de liberté d'expression le meilleur qui soit dans une interview au Monde. Je voudrais savoir si Philippe Val partage cette appréciation.
– Philippe Val : J'aurais vraiment été déçu que cette question ne soit pas posée... [rires complices du public] Effectivement, il y a un gros problème en France, le problème de la liberté d'expression est tellement riche qu'il faudrait des journées de débats, là on ouvre des petits chapitres à toute vitesse, on ne peut pas s'appesantir. Rien que la question de la possession monopolistique, pratiquement, hein, des moyens d'information par des industriels qui passent des marchés avec l'Etat, ça demande deux ou trois jours de réflexion et de débats avec des gens compétents, et bon, on ne peut pas aller à fond là-dessus. Maintenant, qu'est-ce que je viens faire moi au Medef, simplement parce que...
– Elisabeth Lévy [le coupant amicalement] : Parce que t'es patron !
– Philippe Val [reprenant la balle au bond] : Parce que je suis un patron [salve de rires et d'applaudissements dans la salle]... Ensuite, parce que le patronat, c'est une somme de gens qui, généralement évidemment, ne sont pas de gauche, donc pas forcément dans l'opinion que j'ai moi dans la vie comme citoyen, mais il y en a quand même qui sont de gauche, ce sont des êtres humains qui pour la plupart j'espère ont des convictions démocratiques, et moi je discute avec tous les gens qui ont des convictions démocratiques, je refuse les débats avec les gens qui n'adhèrent pas au pacte démocratique, parce que c'est très difficile de débattre avec eux : ils mentent. Pour pouvoir débattre par exemple avec Tariq Ramadan ou des gens comme ça, c'est assez difficile, puisqu'ils n'ont pas un devoir de vérité. Les gens qui vivent en démocratie et qui adhèrent au pacte démocratique, on peut s'opposer très violemment avec eux [sic], ils défendent leur point de vue, leur propre point de vue, et nous on défend le nôtre, et point de vue contre point de vue, on débat. Tandis que quand on débat, mettons, avec des fascistes, ou des gens qui ont des convictions pas du tout démocratiques, ils n'ont pas le devoir de dire vraiment ce qu'ils pensent, ils peuvent dire n'importe quoi dans le débat, voilà pourquoi il est très difficile de débattre avec eux et souvent c'est du temps perdu. Par ailleurs, dans le champ de la démocratie, j'accepte tous les débats évidemment, avec n'importe qui, parce que ne pas le faire relève du racisme [sic]. Les gens sont ce qu'ils sont et dans une démocratie on doit débattre avec tout le monde. Donc je me sens parfaitement bien ici et je suis content d'y avoir été invité, voilà. [applaudissements chaleureux de l'assistance]
– L'animateur : Une autre question ? En guise de conclusion, Elisabeth Lévy ?...
– Philippe Val [reprenant brusquement la parole, et fusillant du regard le trouble-fête posté dans le fond de la salle] : Je voudrais bien savoir, de caution à quoi ? À quoi je sers de caution ? Comme si Madame Parisot avait besoin d'une caution, elle n'a pas besoin d'une caution, Madame Parisot, je suis beaucoup trop, heu... pas assez important pour servir de caution à quelqu'un comme ça.
– Moi : C'est trop de modestie. Madame Parisot peut se prévaloir du fait que des gens comme Philippe Val viennent à l'université d'été du Medef pour [exclamations indignées de la salle]...
– Philippe Val : Auquel cas elle a raison !
– Moi [tentant de percer la bronca patronale] : ...pour dire que c'est un formidable lieu de liberté d'expression...
– Philippe Val : Mais c'est vrai ! Personne ne m'a empêché de dire ce que je voulais dire.
– Un patron dans la salle [parlant du trouble-fête] : La preuve, monsieur est là aussi !
– Philippe Val : Mais bien sûr.
– Moi [m'efforçant de finir ma phrase] : ...alors que les entreprises en France sont tout sauf des lieux de liberté d'expression.
– Philippe Val : Il y a des critiques bien plus importantes à faire sur le Medef que celle-ci, s'il y en a à faire.
– L'animateur : D'un mot, Elisabeth Lévy, pour arriver à la fin... »

En résumé : les patrons ne mentent jamais et décliner une invitation du Medef « relève du racisme ». Quant aux entraves à la liberté individuelle et syndicale dans les entreprises, ce n'est pas une critique « importante » – pas sûr d'ailleurs que le patronat mérite la moindre critique.
C'est une position politique qui a sa raison d'être dans le contexte actuel. Au point où tu en es, je ne vois pas ce qui t'empêche de l'assumer pleinement, y compris hors de l'enceinte du Medef où tu te sentais si « parfaitement bien ».

Cordialement,
Olivier Cyran

PS : Sachant qu'en démocrate ombrageux tu refuses systématiquement de publier les droits de réponse et les mises au point qu'appellent tes éditos, je n'exclus pas de livrer ce courrier au site Internet du Plan B et d'en adresser une copie à tes collaborateurs. Qui sait ? Ce sera peut-être l'occasion de soulever un « débat »...


La suite de notre reportage dans le Plan B n°10, en kiosques dès le 5 octobre. Tous à vos agendas !

Notes :
(1) Les Sardons, abonnés et lecteurs du Plan B, construisent l'épopée sardonique de la lutte contre les médias qui mentent. Le territoire intellectuel qu'ils libèrent prend le nom de Sardonie.

Le Plan B n°9 (juillet - septembre 2007)
Ecrit par libertad, à 09:11 dans la rubrique "Actualité".



Modèle de mise en page par Milouse - Version  XML   atom