--> Compte rendu des Oeuvres Philosophiques de Palante paru le 8 juin 2004 sur le site Liens-socio.org.
Lu sur Georges Palante (1862 -1925) :
La célébrité et la reconnaissance sont des réalités contingentes, tout le monde le sait. Certains rencontrent la gloire de leur vivant, puis sombrent dans l’oubli ; d’autres sont venus trop tôt et doivent attendre quelques lustres, voire quelques décennies, pour être compris ; d’autres, enfin, se maintiennent, tant bien que mal, entre ces deux extrémités. C’est le cas de Georges Palante qui, sans jamais avoir connu une réelle célébrité, a toujours su retenir autour de lui une poignée de fidèles, tout autant attachés à la singularité du personnage qu’à l’originalité de ses idées. Ainsi, de Louis Guilloux, qui en a fait un des héros du Sang Noir (sous les traits de Cripure), à Michel Onfray qui, en 1989 fait paraître aux éditions Folle Avoine son Georges Palante, Essai sur un Nietzschéen de gauche, il s’est toujours trouvé quelqu’un pour reprendre le flambeau de sa mémoire. C’est aujourd’hui le tour de Jean-Pierre Jackson et des éditions coda qui nous proposent, en un volume de près de 900 pages, les Œuvres Philosophiques quasi complètes de Georges Palante. Né en 1862 dans le Nord de la France, professeur de Philosophie à Saint-Brieuc pendant 27 ans, Palante a passé sa vie à défendre l’Individu contre toutes les agressions sociales. Les titres de ses livres parlent d’eux-mêmes Combat pour l’Individu (1904), La sensibilité Individualiste (1909), Les Antinomies entre l’Individu et la Société (1912), Pessimisme et Individualisme (1914).
Réfractaire à l’Idéalisme, influencé par la pensée de Schopenhauer et de Nietzsche, il s’est toujours considéré comme un penseur libre, non soucieux de construire un système ou de faire école. Sa philosophie, dans la limite où la pensée d’une vie peut se résumer en quelques mots, peut se lire dans la formule suivante : « Je n’ai pas d’idéal social. Je crois que toute société est par essence despotique, jalouse non seulement de toute supériorité, mais simplement de toute indépendance et originalité. J’affirme cela de toute société quelle qu’elle soit, démocratique ou théocratique, de la société à venir comme de celle du passé et du présent. - Mais je ne suis pas plus fanatique de l’individu. Je ne vois pas dans l’individu le porteur d’un nouvel idéal, celui qui incarne toute vertu. Je détruis toute idole et n’ai pas de dieu à mettre sur l’autel. »
Son goût de la liberté, Palante le paiera cher. La thèse qu’il présente en 1912 à la Sorbonne, et dans laquelle il s’en prend durement à la pensée de Durkheim et à celle des fidèles de l’Année Sociologique : Bouglé, draghicesco etc., est refusée.
La fin de sa vie est pénible et douloureuse. Affligé depuis l’adolescence d’une maladie génétique qui déforme son corps, profondément blessé par une querelle « philosophique » avec Jules de Gaultier (1) qui se conclura par une provocation en duel que Palante ne pourra pas relever, compte tenu de sa santé, et qui l’obligera à présenter ses excuses à son adversaire, il s’enfonce peu à peu dans la dépression et l’alcoolisme. Epuisé physiquement et psychologiquement, il se suicide d’une balle dans la tête en 1925.
Les Œuvres Philosophiques qui paraissent aujourd’hui, précédées d’une longue introduction signée Michel Onfray, ont l’immense mérite d’offrir au lecteur une vision globale du parcours intellectuel de Georges Palante. Elles permettent également à beaucoup de découvrir des livres (le Précis de Sociologie, Du nouveau en politique) ou des articles (la lenteur psychique, la Psychologie du scandale etc.) qui n’avaient pas été réédités depuis de très longues années.
Signalons au passage que les éditions Folle Avoine, qui continuent à diffuser et à promouvoir l’œuvre de Palante, viennent également de rééditer le Combat pour l’individu.
NOTE
(1) Le théoricien du Bovarysme auquel Palante a succédé en 1911 à la Chronique Philosophique de la revue du Mercure de France.
Stéphane BEAU, 2004