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Post-Ô-porno : "Finis coupes en brosse, postures viriles, clopes vissées aux lèvres et porte-clés visibles à la ceinture? Les lesbiennes butch se feraient de plus en plus rare. Marlène, admiratrice inconditionnelle de cette lesbienne mythique, nous en fait l’éloge.
Les héroïnes de la série-culte «L-Word» sont l’incarnation quasi prototypique ce «new way of being lesbian». Si l’androgynie est valorisée, la masculinité semble définitivement proscrite. La camionneuse est en quelque sorte devenue le pendant lesbien de la «folle hurlante» gay, une espèce qui tend elle aussi à disparaître.
Cette évolution est généralement perçue de manière positive à l’intérieur du milieu femmes. Elle serait la preuve d’un certain apaisement, d’une intégration réussie de la lesbienne dans la société. Le temps des ghettos est révolu, le militantisme moins radical… la lesbienne est devenue une femme (presque) comme les autres. Son orientation sexuelle, de moins en moins considérée comme transgressive, n’est plus forcément lisible sur son corps. Des femmes, pourtant, s’insurgent. C’est le cas de Marlène, qui fréquente depuis des années les milieux homos de Suisse et d’Europe.
Barbie chez les butchsMarlène est féminine, et même plus que ça. Dans le milieu lesbien, on l’a surnommée «Barbie». Blondeur quasi-irréelle, visage fardé, lèvres rouges sang, elle évoque irrésistiblement Marylin Monroe ou son homonyme Marlène Dietrich. Dans le vocabulaire queer, Marlène est une fem. Une femme hyper-féminine qui aime les butchs. Attention, pas les «camionnettes branchouilles» qui hantent les soirées lesbiennes, les vraies butchs, rugueuses, viriles. Dans sa bouche, le terme de «camionneuse» devient le plus beau des compliments.
Marlène pose un regard extrêmement critique sur l’évolution de l’image de la lesbienne. Selon elle, nombre d’homosexuelles, sous la pression d’effets de mode de type «Madonna» ou «L-Word» précédemment cité, n’oseraient plus vivre leur part masculine. «On assiste à un phénomène d’édulcoration. Prenez le cas d’Amélie Mauresmo. Dans tous les reportages photos qui lui sont consacrés, on s’applique à gommer ses aspects masculins. On la coiffe et on l’habille de façon sexy, on lui met du gloss sur les lèvres. L’idéal serait de pouvoir lui raboter les mâchoires, histoire d’achever sa féminisation.»
Chez GastonMarlène se souvient du bon vieux temps. Les soirées chez Lili, ou celles, mémorables, passées Chez Gaston, un bar qui possédait un espace dédié aux femmes. Ambiance tamisée, piano blanc, petites tables décorées de napperons: c’était le bastion des lesbiennes «ancienne manière». On y croisait des femmes en costume, parfois même en smoking. Gaston officiait au bar. Personnage au rire de légende, elle se plaisait à conter aux «petites nouvelles» émerveillées ses aventures sulfureuses avec les femmes de la bonne société parisienne. Chez Gaston, Marlène se sentait au paradis: «J’avais l’impression d’être une petite fille dans un magasin de bonbons».
Seule femme hyper-féminine présente dans le lieu, elle a d’abord fait face à une certaine incompréhension, mais a fini par faire son nid. A la fermeture définitive du bar, c’est toute une époque qui s’est envolée. Marlène regrette que la culture butch soit si peu présente en Suisse romande. S’il existe certains endroits du type «Chez Gaston» en Suisse alémanique, notamment à Zurich, le phénomène est avant tout anglo-saxon et germanique. Selon notre experte, les plus belles butchs seraient berlinoises. Mais il paraît que les Canadiennes ne se défendent pas mal non plus…
Butch is beautifulPour Marlène, qui manie avec une gourmandise certaine l’art de la provocation, la butch présente «tous les avantages d’un mec sans les inconvénients». Elle est galante, elle a le sens des responsabilités. Aux côtés de sa butch, Marlène se sent prise en charge, protégée. Si elle admet et assume une vision du couple ultra-traditionnelle, elle réfute l’accusation avançant que le couple butch/fem reproduirait de façon caricaturale la domination masculine. Dans ce type de relation, il y a une dimension indéniablement ludique, une part de «performance». On surjoue, on en rajoute toujours un peu. Et puis Marlène conteste totalement l’image de la butch macho. L’attitude protectrice de cette dernière relève pour elle d’un esprit qu’on pourrait qualifier de chevaleresque. La fem représente pour la butch une sorte d’idéal romantique. «Dans ses bras je me sens précieuse, respectée. La butch est souvent tendre, extrêmement sensible, et très sentimentale. Elle n’a rien d’une prédatrice ou d’une dragueuse vorace. Elle vous fait la cour, vous envoie des fleurs. Il peut se passer une à deux semaines avant le premier baiser. C’est une amante fidèle, stable. Les couples butch/fem sont souvent les plus durables». Et Marlène de conclure: «Une butch, c’est une valeur sûre!»
Cette vision paraît quelque peu idyllique. Butchland serait-il un monde parfait ? La froide raison nous amènerait forcément à nuancer le tableau. Mais pour une fois, rêvons un peu. Laissons au vestiaire la froide raison. Et revêtues de notre plus beau costume trois pièces, entrons dans la danse, avec au bras la plus « glamourous » des Barbies…
La lesbienne masculine serait-elle devenue tabou ?La question mérite d’être posée. On reproche souvent à la butch de reproduire les stéréotypes masculins, mais c’est aussi sa visibilité qui gêne. De part sa singularité physique, vestimentaire, de part ses attitudes, la butch affirme haut et fort une différence que toutes les lesbiennes ne souhaitent pas assumer aussi ouvertement. Le «droit à l’indifférence» est légitime, mais on peut tout de même se demander si l’intolérance qui vise parfois la butch n’est pas révélatrice d’une certaine mauvaise conscience lesbienne. Le mot de la fin revient peut-être à Hypatia Kosh, une militante lesbienne américaine, dont les propos sont reproduits sur le site Tassedethé.com: «Je pense qu’il est temps de reconnaître que notre communauté sexuelle n’est pas homogène. Nous devons parler d’homosexualités. Ce qui est bon pour certaines ne l’est pas pour d’autres. Le lesbianisme «taille unique» se rend à sa manière presque aussi oppressant que l’hétérosexualité obligatoire».
Sophie Meyer
octobre 2007
Un article lu sur :
www.360.ch