Le soleil et le vent comme sources d’énergie sont au cœur des débats d'aujourd'hui mais la frénésie d'énergie hydroélectrique qui nous emporte actuellement pourrait se révéler tout aussi importante pour la planète – pour le meilleur ou pour le pire.
L'hydro-électricité peut nous fournir de l'énergie renouvelable – mais elle peut aussi semer le chaos et la destruction dans l'environnement de nos rivières.
Les barrages hydro-électriques sont les principales sources d'énergie renouvelables, générant 16 % de l'électricité mondiale. D'après une étude récente de Aquatic Sciences (http://link.springer.com/article/10.1007%2Fs00027-014-0377-0), plus de 620 barrages sont en construction, surtout en Amérique latine et en Asie – plus quelques milliers en programmation.
Au maximum, si la plupart des barrages prévus étaient construits, la production mondiale d'hydro-électricité pourrait doubler, et atteindre 1700 gigawatts, prédit l'auteur de cette étude. Cela réduirait aussi le nombre de fleuves encore sauvages par 20 %
Il y a du pour et du contre. S'ils étaient construits, ces barrages pourraient fournir de l'électricité à des millions de personnes qui n'en ont pas. Mais les barrages sont aussi extrêmement controversés. Certain projets conduisent au déplacement de milliers de personnes et à la destruction d'habitats riverains, une expérience dont les Etats-Unis ont souffert considérablement au cours du siècle dernier. En fait des études récentes ont conduit à se demander si l'énergie hydraulique est si avantageuse que cela (http://www.climatecentral.org/news/hydropower-as-major-methane-emitter-18246).
La frénésie de construction de barrages dans le monde
Barrages en construction (points bleus ; 17%) ou programmés (points rouges ; 83%). D'après : Aquatic Sciences (DOI: 10.1007/s00027-014-0377-0).
Une nouvelle étude, des chercheurs de l'université de Tübingen en Allemagne, a établi une base de 3,700 grands barrages en construction (en bleu) ou en programmation (en rouge). Beaucoup de ces barrages ne seront peut-être jamais construits – surtout si les plans sont mal définis – mais cela laisse au moins 629 grands barrages prévus en ce moment.
Les plus gros projets seront réalisés dans le bassin de l'Amazone et de La Plata, au Brésil, et du Ganges-Brahmaputra en Inde, et dans celui du Yangtze en Chine. (La Chine reste le principal avec 31 % de la capacité hydroélectrique du monde)
La part de l'électricité hydraulique pourrait ainsi passer de 16% à 18%
Si la plupart de ces barrages étaient construits, l'étude de Aquatic Sciences nous indique que la proportion de l'électricité fournie par l'énergie hydraulique pourrait monter jusqu'à 18 %. Cela peut sembler minime, mais il faut se souvenir que la demande d'énergie dans le monde est énorme et que les autres sources d'énergie croissent également. En fait, cela fait beaucoup d'hydro-électricité.
Un grand avantage de ces barrages serait de fournir de l'électricité à quelques uns des 1,2 milliards qui n'en ont pas encore. Un rapport récent (http://www.vox.com/2014/10/13/6970513/africa-electricity-620-million-people-map-gas-coal-solar) de l'International Energy Agency a estimé que l’hydro-énergie devrait croître considérablement en Afrique (en plus du gaz naturel et de l'énergie solaire) d'ici à l'année 2040 pour fournir de l'énergie à ceux qui n'en ont pas.
Qu'en est-il alors du réchauffement mondial (http://www.vox.com/cards/global-warming) ? En théorie, les barrages produisent moins de gaz à effet de serre que les centrales à charbon, par exemple. Mais il y a un autre problème. Des études récentes ont suggéré que la végétation (http://www.eenews.net/stories/1059991386) en décomposition dans les réservoirs de barrages pourrait produire des masses de méthane, c'est à dire, d'un puissant gaz à effet de serre.
Dans beaucoup de cas, cela pourrait annuler bien de avantages climatiques, surtout sous les latitudes (http://www.nature.com/nclimate/journal/v2/n6/full/nclimate1540.html) tropicales, comme au Brésil. Des chercheurs sont actuellement en train de calculer le volume de ces émissions, mais l'énergie hydraulique n'est pas aussi verte que l'on pourrait le croire (il existe d'autres méthodes de construire des barrages moins polluants, mais ces méthodes ne sont pas toujours respectées - http://www.eenews.net/stories/1059991386 ).
Pourquoi les barrages sont souvent controversés
Des protestants brûlent des pneus durant une manifestation contre Norte Energia – la société responsable de la construction de l'usine hydro-électrique de Belo Monte dans le nord du Brésil. (AFP/Getty images)
Comme on l'a signalé, pourtant, il n'est du tout certain que tous les barrages prévus seront effectivement construits. En effet, les usines hydro-électriques coûtent cher et sont souvent enclins à dépasser les coûts. Une étude récente de Energy Policy a trouvé que les grands barrages coûtaient 96 % de plus, en moyenne, que ce qui avait été prévu au départ.
(http://andrewgelman.com/wp-content/uploads/2014/03/140228DamsAnsarFlyvbjergBudzierLunnPRINT.pdf)
Si tous ces barrages étaient construits, le nombre de fleuves 'sauvages', diminuerait de 20 %.
Les grands barrages provoquent aussi de nombreuses réactions dans le public. Ainsi, le barrage de Belo Monte, au nord du Brésil (http://en.wikipedia.org/wiki/Belo_Monte_Dam), s'est trouvé arrêté depuis les années 1970 à cause de préoccupations diverses. Les opposants ont soutenu que le (http://www.nytimes.com/2011/06/02/world/americas/02brazil.html?_r=2&) barrage perturberait la pêche et beaucoup d’écosystèmes en aval, et qu'il obligerait des milliers d'indigènes à quitter leurs terres. (la présidente récemment réélue Dilma Rousseff, s'est affirmée déterminée de mener à bien la construction de ce barrage).
On peut trouver des controverses similaires un peu partout. Le gargantuesque barrage des trois Gorges a ainsi délogé 1,3 millions de personnes pendant sa construction (http://en.wikipedia.org/wiki/Three_Gorges_Dam). Le laos prévoit de construire plus de 30 (http://www.channelnewsasia.com/news/asiapacific/laos-hydropower-dams-draw/1431720.html) barrages dans les années qui viennent – mais des paysans et des pêcheurs en aval s'y opposent légalement, soutenant que les barrages dégraderont la qualité de l'eau des fleuves et épuiseront les réserves de poissons. L'énorme barrage Renaissance en Ethiopie, présentement en construction, a conduit à une dispute diplomatique avec l'Egypte (http://www.nytimes.com/2014/10/12/world/dam-rising-in-ethiopia-stirs-hope-and-tension.html) à propos de la maîtrise de l'eau du Nil .
Les US apprennent des erreurs passées
Un pelleteuse mécanique brisant le batardeau qui sépare les déversoirs du nord et du sud du barrage Elwha (https://www.flickr.com/photos/usfwspacific/6172303025/in/photolist-apqE7Z-aptnrW-aptnk7-apqDHD-apqEDF-apqEPg-aptnJC-aptnDy-apqEdg-aptnod-apqErR-by7z7Z-by7GjT-by7DTa-by7HNV-bkcKvS-bkcGiU-bkcCuA-by7vsc-bkcGKA-bkcFWu-by7xYD-bkcPnL-bkcHyo-by7yig-bkcLQ7-bkcC2w-bkcKSs-bkcHdu-by7E8r-by7zp4-by7CbM-by7yFi-bkcMYu-bkcDBW-bkcP2E-bkcDUj-bkcNf1-bkcBhQ-by7uGp-bkcAqo-bkcCS9-bkcJ31-bkcK63-bkcDhS-ateRpe-aCToFn-aCXpjS-aEpezQ-aKbEFi)
Cela ne veut pas dire que tous les barrages sont une mauvaise idée. Il est possible d'apprendre à partir des erreurs du passé et de trouver les moyens de minimiser les dommages. Un pays a-t-il déjà connu cette expérience ? Oui : les Etats-Unis.
Les US détruisent en ce moment plus d'un millier de leurs barrages.
Les US s'étaient engagés dans une frénésie de barrages dans la période qui va des années 1920 aux années 1960 - avant que beaucoup des conséquences aient été reconnues. Présentement, il y a plus de 79.000 barrages dans ce pays (http://geo.usace.army.mil/pgis/f?p=397:12:) et certains ont causé bien des dégâts. Ainsi, récemment, les US ont supprimé environ millier d'entre eux, souvent à un coût très élevé.
Et cela, pour un tas de raisons. Certains barrages, en transformant des rivières 'sauvages' en réservoirs d'eau stagnante et en perturbant des systèmes de flux et de sédimentation ont fini par détruire des écosystèmes entiers. La rivière Elwha, au nord ouest, par exemple, a perdu 90 % de ses saumons, après qu'un barrage ait été construit (http://www.usgs.gov/newsroom/article.asp?ID=2021#.VE_V_vTF-LE). D'autres barrages se sont montrés très coûteux quand il s'est agit de les entretenir. Pour certains cela ne valait simplement pas le coût.
Bien sûr, personne ne veut détruire le barrage Hoover, qui fournit de l'électricité à des millions de personnes au Nevada, en Arizona, et en Californie. Mais bien des barrages plus petits sont actuellement en train d'être démantelés (http://www.washingtonpost.com/national/health-science/elwha-dam-removal-illustrates-growing-movement/2011/09/13/gIQAZFjtYK_story.html) comme le barrage de 35 m. de la rivière Elwha. (la recherche d'électricité sans carbone, cependant, a rendu la tâche plus difficile. En 1913, le Congrès a passé une loi pour soutirer plus d'énergie (http://www.washingtonpost.com/blogs/wonkblog/wp/2013/08/02/congress-cant-agree-on-most-energy-issues-but-it-loves-dams/) des rivières et ruisseaux, particulièrement en ajoutant des capacités aux barrages existants.
« Je serai honnête avec vous, nous avons commis des erreurs » a dit l'alors secrétaire d'état Hillary Clinton, lors d'une réunion au Cambodge en 2012 à propos des plans de barrages sur le Mekong (http://www.state.gov/secretary/20092013clinton/rm/2012/07/194957.htm). "Nous avons commencé il y a plus de cent ans, et nous appris de dures leçons sur ce qu'il arrive quand vous prenez certaines décisions sur les infrastructures". Parmi d'autres choses, les US fournissaient une assistance au Cambodge pour étudier comment la construction de barrages pour affecter le flux du fleuve.
Le dernier numéro de Aquatic Sciences, en fournissant une base de donnée complète des 3700 plus grands barrages, essaie de fournir une information utile aux planificateurs en leur permettant de s'intéresser à quelques unes de leurs préoccupations. "Vraiment," note l'auteur "il existe un besoin urgent d'évaluer et d'atténuer les ramifications sociales, économiques et écologiques du boom courant dans la construction de barrages."
Traduction par Borogove d'un texte paru sur Vox