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Il s'agit d'un projet de directive « relative aux services dans le marché intérieur » rédigé par les services du Commissaire européen en charge du marché intérieur, le très libéral Frits Bolkestein. On trouvera le texte de ce projet ainsi que le communiqué de presse et une évaluation d'impact de la directive proposée en consultant le site : UE
L'objectif est d'imposer aux 25 Etats membres de l'Union les règles de la concurrence commerciale, sans aucune limitation, dans toutes les activités de services qui ne sont pas, déjà, couvertes par des dispositions légales européennes (services financiers, télécommunications et transports). Ce qui signifie que la logique de la rentabilité va s'imposer partout.
Ceux qui sont familiers dès règles de l'OMC et de l'Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS) en particulier vont reconnaître dans ce projet des principes et des procédures établis par ces accords. Une fois de plus, l 'Union européenne ne protège pas contre la mondialisation néolibérale, elle en prend la tête.
Objet de la directive
Le projet de directive établit « un cadre juridique général en vue d' éliminer les obstacles à la liberté d'établissement des prestataires de services et à la libre circulation des services au sein des Etats membres » (IP/ 04 / 37 ).
La directive définit (art. 4 ) les services comme suit : « toute activité économique non salariée visée à l'article 50 du traité [de la Communauté européenne] consistant à fournir une prestation qui fait l'objet d'une contrepartie économique. ». En clair, sont visés tous les services, à l' exception de ceux qui sont fournis directement et gratuitement par les pouvoirs publics : l'enseignement et la culture sont bien entendus concernés, mais également la santé et l'ensemble du système de couverture des soins de santé qui font l'objet de dispositions particulières de cette directive.
Un mémo de la Commission (MEMO/ 04 / 03 du 13 janvier 2004 ), disponible uniquement en anglais, présente une liste non limitative de services visés par la directive qui vont des services juridiques aux professions artisanales comme plombier ou charpentier en passant par la construction, la distribution, le tourisme, les transports, les services de santé et de couverture des soins de santé, les services environnementaux, les cabinets d 'architecte, les activités culturelles ou encore les agences de recrutement.
Il s'agit donc d'éliminer les « obstacles » à l'établissement et à la libre circulation des services.
Les « obstacles » sont formés par les législations et réglementations nationales jugées par la Commission européenne comme « archaïques, pesantes et en contradiction avec la législation européenne. » Il convient donc de « réformer » pour « moderniser ». On retrouve bien là le langage typique des libéraux de droite comme de gauche qui sous le couvert de modernisation démantèlent les acquis démocratiques et sociaux des deux cents dernières années. Car, les « obstacles » sont le plus souvent des dispositions arrêtées par les pouvoirs publics dans l'intérêt d'une meilleure prestation du service concerné du point de vue de la gestion des deniers publics, de l' accès de tous au service, des garanties fournies quant à la qualité du service, du droit du travail, des règles tarifaires, des réglementations visant la publicité. Ces « obstacles » ciblés par la Commission européenne, ce sont les dispositions arrêtées pour éviter que l'immense secteur des services devienne une jungle où se livre une concurrence débridée parce que la recherche de la rentabilité et du profit est la finalité première.
C'est la raison pour laquelle, la Commission européenne, dont la légitimité démocratique est quasi nulle, entend remettre en cause « le pouvoir discrétionnaire des autorités locales, » (IP/ 02 / 1180 du 13 juillet 2002 ), c' est-à-dire des institutions élues et contrôlées démocratiquement. La directive proposée est une véritable agression lancée par un collège de technocrates au service des firmes privées contre les choix opérés par des institutions légitimes issues du suffrage universel.
Modus operandi
1 . le principe du pays d'origine (art. 16 ) :
Afin de supprimer les obstacles à la libre circulation des services, le projet renonce à une pratique constante dans la construction européenne, érigée en quasi principe fondateur : l'harmonisation. Pour comprendre ce changement radical, il faut garder à l'esprit l'incidence de l'arrivée de dix nouveaux Etats membres dont les législations fiscales, sociales et environnementales vont dans le sens de l'Etat minimum. Harmoniser ne répond plus nécessairement à l'intérêt des firmes privées. On remplace donc, quand c'est utile, l'harmonisation par le « principe du pays d'origine. »
Selon ce principe, un prestataire de services est soumis exclusivement à la loi du pays où il s'établit et non à la loi du pays où il fournit le service. On se trouve en présence d'une incitation légale à délocaliser vers les pays où les exigences fiscales, sociales et environnementales sont les plus basses avec pour conséquence que ce phénomène devenu une règle européenne sera massif et provoquera donc une pression sur les pays dont les standards fiscaux, sociaux et environnementaux protègent davantage l'intérêt général.
En créant ce principe du pays d'origine, la directive viole l'article 50 du traité instituant la Communauté européenne. Celui-ci stipule que « le prestataire peut, pour l'exécution de sa prestation, exercer à titre temporaire, son activité dans le pays où la prestation est fournie, dans les mêmes conditions que ce pays impose à ses propres ressortissants. » Avec le principe du pays d'origine, la Commission européenne dispense un prestataire de services établi dans un pays de respecter les lois des autres pays de l' Union. La Commission européenne, qui se considère au dessus des lois lorsqu' il s'agit de satisfaire les firmes privées, s'autorise à modifier le traité par le biais d'une directive.
Le pays d'origine, ce sera en quelque sorte le pavillon de complaisance des firmes prestataires de services.
2 . Les régimes d'autorisation et les exigences interdites (art. 9 à 15 ) :
Afin de faciliter la liberté d'établissement, les Etats devront limiter les conditions d'autorisation d'une activité de service. Ces conditions devront être non discriminatoires, objectivement justifiées par une raison impérieuse d'intérêt général, proportionnelles à cette raison impérieuse, précises et non équivoques, objectives et rendues publiques à l'avance.
Un recours juridictionnel par le prestataire privé devra être rendu possible contre un non respect des limites apportées aux conditions d'établissement par les pouvoirs publics.
Les Etats n'auront plus le droit de formuler les exigences suivantes :
• l'exigence de nationalité pour le prestataire, son personnel, les personnes détenant le capital social, les membres des organes de gestion et de surveillance ;
• l'exigence de résidence sur le territoire pour les mêmes personnes ;
• subordonner l'autorisation d'établissement à la preuve de l'existence d'un besoin économique ou d'une demande du marché ;
• subordonner l'autorisation d'établissement à l'évaluation des effets économiques potentiels ou actuels de l'activité envisagée ;
• subordonner l'autorisation d'établissement à l'adéquation de l'activité envisagée avec les objectifs économiques des pouvoirs publics ;
• l'obligation de constituer ou de participer à une garantie financière ou de souscrire une assurance auprès d'un prestataire ou d'un organisme établi sur le territoire où le prestataire de services opère
• l'obligation d'avoir été inscrit sur un registre ou d'avoir exercé l' activité pendant une période donnée.
En outre les Etats devront modifier leur législation afin d'enlever tout caractère jugé « discriminatoire » aux exigences suivantes, afin de justifier leur raison d'être et afin de prouver qu'elles ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif :
• les limites quantitatives ou territoriales basées sur la population ou sur une distance géographique minimum ;
• l'obligation de se constituer sous une forme juridique particulière (personne morale, société personnelle, entité sans but lucratif, société appartenant exclusivement à des personnes physiques) ;
• les exigences liées à la détention du capital : obligation de disposer d' un capital minimum pour certaines activités ou d'avoir une qualification personnelle particulière pour détenir le capital social ou gérer certaines sociétés ;
• les exigences qui imposent un nombre minimum d'employés ;
• les tarifs obligatoires (minimum ou maximum) que doit respecter le prestataire ;
• les interdictions et obligations en matières de ventes à perte et de soldes ;
• l'obligation faite à un prestataire de donner accès à certains services fournis par d'autres prestataires ;
• l'obligation pour le prestataire de fournir, conjointement à son service, d'autres services spécifiques ;
C'est la Commission européenne, dont on connaît la dévotion aux firmes privées, qui vérifiera l'adaptation des législations des Etats membres à ces nouvelles libéralités.
Ce projet dépouille les pouvoirs publics du droit à orienter la manière dont s'organise l'activité, le développement et l'expansion économiques.
A une époque où la criminalité en col blanc et les malversations des dirigeants d'entreprises sont en augmentation constante, alors que, comme l' avait constaté la Commission européenne elle-même dans son évaluation de la situation des pays candidats à l'élargissement, le crime organisé s'est considérablement implanté dans ces pays, on imagine aisément les facilités que l'abandon de ces exigences va offrir à tous ceux que l'éthique la plus élémentaire n'effleure même pas. L'abolition des exigences énumérées dans la directive, c'est un boulevard offert à toutes les mafias.
3 . La prise en charge des soins de santé (art. 23 ) :
Alors qu'aucun secteur précis ne fait l'objet de dispositions particulières, le projet cible spécifiquement la prise en charge des soins de santé.
Si un prestataire de soins de santé d'un Etat A veut s'installer dans un Etat B, ce dernier ne peut pas subordonner l'autorisation d'installation à la prise en charge des soins de santé par ce prestataire de soins de l'Etat A, en vertu du système de sécurité sociale de l'Etat B (celui dans lequel il veut s'installer). Le prestataire de soins qui vient s'installer dans un pays n'est donc pas obligé de respecter le système de sécurité sociale du pays où il s'installe.
On se trouve en présence d'une volonté délibérée de la Commission européenne d'enlever aux Etats la maîtrise de leur politique de santé. Ce faisant, elle viole le principe de subsidiarité tel que prévu par l'article 152 - 5 du traité qui stipule que « l'action de la Communauté dans le domaine de la santé publique respecte pleinement la responsabilité des Etats membres en matière d'organisation et de fourniture des services de santé et de soins médicaux. » Une tentative supplémentaire de modifier le traité par le biais d'une directive.
4 . L'harmonisation de la publicité commerciale (art .29 )
La Commission retrouve les vertus de l'harmonisation dès lors qu'il s'agit de prononcer l'abrogation d'une norme éthique : l'interdiction de la publicité commerciale pour les professions réglementées. Cette interdiction, considérée par les technocrates de la Commission comme « désuète et disproportionnée » (IP/ 04 / 37 du 13 janvier 2004 ), doit permettre, par exemple, aux médecins, aux pharmaciens, aux architectes, aux avocats, aux notaires de se livrer à la compétition commerciale et d'user des règles de la concurrence au mépris de la réserve qu'impose leur déontologie. Le projet préfère confier le respect de la déontologie à des codes de conduite, sans pouvoir contraignant.