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Lu sur CQFD : "C’est la panique dans la presse française. Le pognon des annonceurs s’effrite, les lecteurs désertent fleur au fusil. Pour les ramener au front, un journal ne peut plus se contenter de servir de la bouillabaisse rédactionnelle lardée de publicités, ni d’offrir des réveils-SMS-micro-ondes à ses abonnés. Désormais, la sauvegarde des parts de marché médiatique exige des moyens ambitieux : « La presse française tente de rebondir grâce aux DVD », titrait Le Monde du 10 mai. Du navet sous cellophane pour vendre du papier, voilà qui fait « rebondir » la guerre commerciale ! Tout le monde s’y met : Entrevue (groupe Lagardère) a lancé la tendance avec La vérité si je mens 2, l’Express (groupe Dassault) lui a emboîté le pas avec Indochine, le Figaro (groupe Dassault) fourgue le Crabe-Tambour dans ses pages saumon (un film de guerre emballé dans un journal détenu par un marchand de canons, ça fait ton sur ton), Le Monde (groupe Le Monde) se change en quotidien de référence de l’opérette à la française (Les parapluies de Cherbourg et Les demoiselles de Rochefort diffusés en pack avec le numéro du 14 mai)... Pris de vitesse, Libération et France Soir ont promis de rattraper la concurrence dans les meilleurs délais, avec leurs propres rediffusions du dimanche soir.
Face à cette avalanche de tout-à-dix-balles où la presse écrite devient prétexte à déverser les fonds de tiroirs des grandes majors du divertissement, nous avons décidé, à CQFD, de mettre en œuvre un concept radicalement novateur : un journal sans pubs, sans phosphates, sans service marketing et sans DVD. Le grand spectacle n’est pas dans le bonus mais dans le contenu : seize pages de critique sociale tirées à 20 000 exemplaires, fomentées et autogérées chaque mois depuis Marseille par une bande de chômeurs, de précaires et d’activistes de tous horizons - des journalistes en rupture de ban, des dessinateurs non modifiés génétiquement, des militants, un prisonnier, un cheminot, un rappeur... Depuis sa création en mai 2003, CQFD apporte la preuve qu’il est possible de faire un journal au culot, à la débrouille, au nez des convenances médiatiques et entrepreneuriales. Qu’il est possible, sans capitaux ni subventions, de créer un vrai espace d’expression et d’information. Que ça vaut le coup de se bagarrer pour ça et d’en tirer plaisir. Nos études de marché sont formelles : ce plaisir-là retient davantage l’attention qu’un Gendarme de Saint-Tropez numérisé. S’il ne sert pas à brader du cinoche en savonnettes, à quoi sert CQFD ? À faire entendre la voix dissonnante des réfractaires. Familiarisés avec le terrain de la déglingue sociale, présents dans les luttes qui nous sont chères (chômeurs, antimilitarisme, immigration, résistance au flicage, droit à la paresse...), nous nous arrogeons la somptueuse prérogative de parler librement et en connaissance de cause de nos ennemis, sans pour autant oublier les faux-amis d’une contestation rongée par l’appétit du pouvoir et la soif de reconnaissance. Nos outils sont la curiosité, l’envie de raconter, la recherche d’informations non prémâchées par les prestataires des multinationales. Toutefois, CQFD ne pourra durablement tenir ce rôle que s’il fournit de quoi croûter aux plus précaires d’entre nous.
Or, si les recettes du journal nous permettent de payer l’imprimeur, le loyer, les envois postaux et les packs de bière, elles sont encore trop justes pour rémunérer le travail et faire face aux aléas (du genre : la plainte en diffamation de la Croix-Rouge française, qui nous réclame 35 000 euros pour un article qui a offensé sa dignité, procès le 16 novembre prochain devant la 17e chambre correctionnelle de Paris). Lire CQFD, ce n’est pas seulement se ventiler les bronches, c’est aussi un bon moyen de faire sauter les marges du « pluralisme » industriel. CQFD, c’est un nouveau numéro tous les 15 du mois en kiosques, librairies et manifs. Vous avez deux euros en poche ? Achetez-le. Vous ne les avez pas ? Volez-le. Le marchand de journaux nous cache derrière une pile de Challenges ? Insistez pour qu’il nous mette à sa juste place, au soleil. Vous n’avez pas envie d’acheter un mauvais film ensaché dans un mauvais journal ? Pour le même prix, abonnez-vous à CQFD : promis, on ne vous enverra pas de cadeau !