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Nous avons un gouvernement qui justifie l’injure passée par l’injure nouvelle, et ne trouve toujours qu’un seul coupable aux différents malheurs dont souffre le pays : l’ensemble des salariés.
C’est ainsi que’à l’été 2003, ayant abordé avec une rare incurie l’épisode navrant de la canicule et ses milliers de morts, il ne trouva pas, prétendit-il, de meilleur palliatif à cette surprise climatique que de rétablir la corvée (abolie deux siècles auparavant par la Constituante), sous la forme d’une journée de travail supplémentaire qui ne sera pas, dans la plupart des cas, rémunérée.
Les enseignants du Gard sont invités à inaugurer ce nouvel impot, qui les touchera 40 jours avant tout le monde, le lundi de Pâques 28 mars, préféré, pour cause de féria, au lundi de Pentecôte généralement visé par le décret.
Par sa nature même, cet impot ne s’abat que sur les employés : ni les professions libérales, ni les travailleurs indépendants, ni les employeurs n’y sont astreints. Il ne touche ni les profits commerciaux, ni les revenus de rente. Il est donc d’une injustice criante, ne concerne que 40% des personnes ayant des revenus dans ce pays, salaires et traitements, rarement mirobolants, et comme les laborieux ont dans l’ensemble une espérance de vie infèrieure à celle des classes plus privilégiés, c’est précisément la classe qui profitera le moins de cet impot qui y est seule soumise.
Bien des économistes en doutent : l’Etat n’y gagnant rien directement, il faudrait que cet impot dû aux employeurs développe l’activité pour que, dans un second temps, de l’argent rentre dans les caisses : mais le concessionnaire Renault de Nîmes vendra-t-il plus de voitures parce que les ouvriers de Flins en auraient produit plus ? Le boulanger du coin vendra-t-il plus de pain sur l’année ? Rien n’est moins sûr.
En revanche, tous les professionnels du tourisme crient à la catastrophe. Le dimanche soir et le lundi de la féria ne devront compter que sur les consommateurs gardois, et le week-end de Pâques semble compromis. Pour ce qui est des enseignants, la perte est sèche pour la collectivité : certes, on ne nous payera pas, mais il faudra bien payer les charges des locaux scolaires, subventionner cantines et transports un jour de plus, et rembourser les frais de déplacement des personnels qui y ont droit.
Ce n’est pas pour un gain si douteux que ce gouvernement fait aux citoyens de la république l’injure d’un retour aux moeurs d’ancien régime, quand on réquisitionnait les serfs pour travailler gratuitement chez les seigneurs.
Cette extraordinaire initiative n’avait en réalité qu’un seul but : briser sans faire trop de bruit la loi des 35 heures.
Dans l’émotion de l’hécatombe caniculaire, la mesure se présenta sous les dehors d’un téléthon à l’usage des gens qui n’ont pas d’argent, mais qui pouvaient donner un peu de leur temps et de leur force pour conserver en vie les pauvres vieux solitaires et déshydratés.
(demain nous dira-t-on que les surcroits de TVA escomptés n’étant pas au rendez-vous, on n’a pas pu installer la clim chez tous ces grabataires ?)
On grogna donc un peu, mais pas trop fort, c’eût été mauvais genre : deux mois plus tard, on apprit par la presse que, pas de bol, ça coinçait au niveau légal, et qu’on devait ouvrir des négociations entreprise par entreprise pour modifier au coup par coup la loi sur la Réduction du Temps de Travail, dont on voyait bien ainsi qu’il fallait "l’assouplir". On vota dans l’urgence l’augmentation du contingent annuel d’heures travaillées, tout en agitant le chiffon du Lundi de Pentecôte pour détourner l’attention.
Cette brèche étant faite, l’eau a vite coulé sous les ponts : en ce début février, on discute et l’on vote à l’assemblée la loi "d’assouplissement" des 35 heures, mesure qui permettra à terme d’abaisser le coût réel de l’heure travaillée, et engendrera des profits autrement plus importants que ceux, hypothétiques, de la suppression d’un jour férié.
Bien que le but réel de cette suppression soit atteint, on ne nous rendra pas cette journée : ce serait avouer trop clairement l’entreprise de socratisation des salariés qui lui était attachée.
Et l’on nous confirme qu’absurdement les enseignants du Gard, en dépis des coûts supplémentaires que cela implique, viendront, pour l’exemple, travailler le 28 mars.
Ce sera sans les enseignants de la CNT, ni leurs sympathisants. Puisqu’on fait l’honneur aux gardois d’être les premiers à subir cette loi malhonnête, nous ne manquerons pas de donner l’exemple, en effet.
CNT AIT