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Courant Alternatif : "De la guerre d’Espagne, la mémoire commune a gardé les grandes images de la lutte antifasciste : la venue des Brigades internationales ou le mot d’ordre “ No Pasaran ”, qui symbolisa l’opiniâtre défense de Madrid. D’autres encore, moins glorieuses, évoquent la déroute de la République, depuis le bombardement de Guernica jusqu’au passage de la frontière hispano-française par des dizaines de milliers de réfugiés, dont beaucoup ne devaient plus jamais retourner en Espagne. Si, de l’autre côté des Pyrénées, la mémoire de la guerre civile fut façonnée et accaparée par les vainqueurs, hors du pays, la défaite des puissances totalitaires qui donnèrent la victoire aux insurgés, mais aussi la présence — surtout en France — d’une importante colonie d’exilés ont permis à la mémoire républicaine de s’imposer sur l’autre, les “ rouges ” espagnols gagnant dans les combats de la mémoire cette guerre qu’ils perdirent sur les champs de bataille. Cela ne doit pas faire oublier que cet héritage républicain ou antifasciste — où on fit toujours la part belle au rôle attribué aux communistes dont on a tant loué les vertus de réalisme et de discipline — a occulté une autre mémoire, celle des anarcho-syndicalistes de la CNT (Confédération nationale du travail) et des marxistes indépendants du POUM (Parti ouvrier d’unification marxiste), dont on peut dire sans exagérer que, victimes les uns et les autres de la volonté de puissance des communistes staliniens, ils ont été vaincus deux fois dans ce qui fut à l’évidence la plus lourde de sens de toutes les guerres du siècle passé.
Une autre mémoire républicaineContre la réduction de la guerre civile à un affrontement militaire entre fascistes et antifascistes, les libertaires se sont efforcés de maintenir vivante la mémoire de la révolution syndicaliste qui eut lieu dans certaines des régions où le coup d’Etat fut mis en échec (1). Pour leur part, les militants du POUM — dont le rôle a été mis en lumière par le témoignage de George Orwell (Homage to Catalonia), qui vint lutter à leurs côtés sur le front d’Aragon — ont eu le souci de laver leur honneur terni par la campagne dont ils furent victimes après les événements de mai 1937 à Barcelone, qui virent s’affronter, les armes à la main, des ouvriers affiliés à la CNT et au POUM à une police républicaine téléguidée par le PCE. L’indépendance du POUM, son opposition au stalinisme, son éloignement des partis socialistes parlementaires, mais aussi de Trotski et du mouvement trotskiste, son effritement progressif en exil, ce sont là sans doute quelques-unes des raisons qui peuvent expliquer qu’il n’ait guère éveillé la curiosité des historiens, et que nombre des livres qui lui ont été consacrés procèdent d’ex-militants de ce parti (2). Ce fut le cas de la très complète Histoire du POUM de VÌctor Alba, et du livre El POUM en la historia de Wilebaldo Solano, traduit en français il y a peu (3). Le récent Experiencias de la revoluciÛn. El POUM, Trotski y la intervenciÛn soviética (4) ne fait pas exception, puisqu’il est issu de la plume d’un autre ancien militant du POUM, Ignacio Iglesias. C’est de ce livre dont nous dirons ici quelques mots. Ignacio Iglesias est né en 1912 à Mieres (Asturies), une région minière où l’influence socialiste prima toujours sur celle des libertaires. Entré très jeune dans la vie politique militante, il adhère d’abord au PCE, d’où il est expulsé peu de semaines après pour cause de “ déviation trotskiste ”. Il entre alors en relation avec Juan Andrade et Andrés (Andreu, en catalan) Nin, qui représentent alors le trotskisme espagnol, et intègre l’Opposition communiste (5). Présent, en 1935, à l’acte de fondation du POUM, Iglesias sera, avec Wilebaldo Solano, un des animateurs de la JCI, son organisation de jeunesse. En désaccord avec les positions de la majorité du parti sur la nature du régime social de l’URSS — un sujet sur lequel le POUM restera tributaire des thèses trotskistes —, il le quitte au début des années 50. Le livre Experiencias de la revoluciÛn española regroupe trois textes publiés antérieurement mais introuvables depuis fort longtemps. Le premier, qui porte pour titre “ LeÛn Trotski y la izquierda marxista en España ”, avait paru d’abord en français (6) avant d’être repris par une maison d’édition espagnole. Des deux autres textes, le plus important, à notre sens, est sans nul doute l’essai intitulé “ La represiÛn y el proceso contra el POUM ” puisqu’il s’agit là d’un document d’époque, écrit dans le but de s’opposer à la campagne qui conduisit nombre de poumistes dans les geôles du régime républicain et fut la cause de l’assassinat de Nin.
Trotski face au POUMSi on les savait plus soucieux d’éprouver l’exactitude de leurs propos, on inviterait volontiers tous les journalistes mal informés qui, au moment de la sortie du film de Ken Loach, Land and Freedom, ont parlé des “ trotskistes ” du POUM, à jeter un coup d’œil sur un des livres cités plus haut, où ils trouveraient largement de quoi corriger leur erreur. Pour ce qui est de la première partie de l’ouvrage de I. Iglesias, il convient de préciser que, écrite à un moment où l’auteur était déjà très éloigné du léninisme, elle ne prétend pas éclairer le lecteur sur ce que furent les positions du POUM à l’égard de Trotski, mais elle lui permettra, en revanche, de mieux juger de l’attitude que celui-ci adopta à l’endroit de ses ex-camarades. On y apprend que les divergences entre Trotski et l’organisation qui se réclamait de lui, l’ICE, étaient apparues très tôt, comme en atteste la correspondance de Nin et Trotski entre 1930 et 1933, que ce dernier qualifie lui-même de “ polémique permanente, malgré son tour très amical ”. Elle traduit la perplexité des trotskistes espagnols devant les directives du vieux chef bolchevik, leur conseillant d’entrer dans un Parti communiste qu’ils se devraient de regarder comme leur propre parti, malgré la mainmise qu’exercent sur lui des apparatchiks voués corps et âme à Moscou, et bien qu’il soit quasiment inexistant à ce moment-là en Espagne. Mais l’irritation de Trotski devant les réticences de ses disciples espagnols à suivre ses directives va se transformer en franche hostilité à partir de 1935, quand, passant outre ses bons conseils — qui sont alors de pratiquer l’entrisme dans le parti socialiste en vue de le “ bolchéviser ” —, ils décident de se joindre aux militants du BOC pour fonder avec eux le Parti ouvrier d’unification marxiste. Qu’on lise, par exemple, la “ Lettre à un ami espagnol ” d’avril 36, où Trotski habille ses ex-camarades pour l’hiver prochain et pour quelques-uns des suivants, en prophétisant que “ les mercenaires de l’IC tromperont et détruiront les meilleures énergies révolutionnaires ” et en appelant à “ la condamnation implacable de toute la politique d’Andrés Nin et d’Andrade, qui était et continue d’être non seulement fausse mais criminelle ”. Plus rien n’arrêtera désormais le fondateur de la IVe Internationale dans ses critiques à l’endroit de ses ex-camarades, dénoncés comme “ centristes ” et “ traîtres ” à la révolution, pas même l’assassinat de Nin ou la répression dont ils seront victimes après mai 37. Qu’on en juge : “ Les éléments qui excluaient les trotskistes, écrit-il, vont définitivement trahir la révolution pour obtenir la grâce et ensuite les faveurs de Moscou ” ou encore : “ les centristes incurables du POUM grognaient, hésitaient, soupiraient, manœuvraient mais, en fin de compte, s’adaptaient aux staliniens ”, des lignes qu’Iglesias qualifie, à juste titre, de “ réellement inouïes ” et d’ “ insupportables ”. En réalité, dit-il, “ ils s’adaptaient aux staliniens comme les victimes s’adaptent au bourreau et la corde au pendu ”. Les jugements de Trotski sont d’ailleurs si manifestement aberrants que l’auteur croit nécessaire de recourir, “ en dehors de la nature politique du problème ”, à une explication de type psychologique pour tenter de comprendre l’intransigeance dont celui-là fit montre à l’égard de ses ex-camarades. “ Pour Trotski, écrit-il, dès l’instant que le POUM était né contre sa volonté, tout ce que ce parti pouvait faire ou ne pas faire était erroné, bâtard, hétérodoxe, anti-léniniste et le reste ”. Mais Iglesias ne s’en tient pas là et hasarde une autre hypothèse, que W. Solano fait sienne également, en tentant de se convaincre que la GPU, par l’entremise d’un agent infiltré au plus haut niveau de la IVe Internationale, aurait tout fait pour envenimer les relations entre Trotski et les dissidents espagnols du trotskisme. La politique de Trotski dictée en sous-main par la GPU, l’argument laisse rêveur : il y a sans doute d’autres manières, moins contournées, de tenter de comprendre — à défaut de la justifier — l’attitude du “ prophète désarmé ”.
Le POUM dans l’œil du cycloneQuel que soit l’intérêt que présentent les relations entre Trotski et le POUM, il n’est en rien comparable à l’importance de l’autre thème abordé par Iglesias, principalement dans l’essai “ La represiÛn y el proceso contra el POUM ”. Rédigé dans le courant de l’année 1938, à la demande du comité exécutif de son parti — mis hors la loi et pourchassé par les autorités républicaines —, il ne put être imprimé qu’à la fin de l’année, soit peu de temps avant l’entrée des troupes franquistes dans Barcelone, et ne fut pratiquement pas diffusé. C’est donc un document presque inédit que son auteur, sous le pseudonyme d’Andrés Su·rez, donna aux éditions Ruedo ibérico en 1974, précédé d’une introduction sur les causes de l’intervention soviétique en Espagne. Bien que les événements de mai 37 (7) à Barcelone aient servi de détonateur à l’action entreprise contre le parti de Nin, Iglesias n’entre pas dans les détails de l’épisode — peut-être parce qu’il les jugeait encore connus de tous —, qui incarne, à ses yeux, la rupture définitive du “ front antifasciste ” constitué au lendemain du 18 juillet 36. En revanche, il livre un récit circonstancié de tout ce qu’on pouvait savoir à l’époque sur les événements postérieurs au jour de juin 37 qui marque le début de l’offensive contre le POUM. En effet, il ne faudra guère plus d’un mois après les journées de mai pour qu’il soit pris pour cible par des autorités républicaines aux ordres du PCE, qui prétendent lui faire porter l’entière responsabilité des affrontements de mai à Barcelone. Le mercredi 16 juin, Nin est arrêté dans la capitale catalane, au siège du secrétariat de son parti, peu avant que la plupart des chefs de l’organisation et des centaines de militants de base ne connaissent le même sort. La 29e division, dirigée par le poumiste José Rovira, est dissoute. Quatre des chefs les plus en vue du POUM sont transférés à Valence puis à Madrid. Ils devront attendre le 13 juillet pour qu’enfin des policiers de la Brigade spéciale de Madrid, membres du PCE, procèdent à leur interrogatoire — au cours duquel ils affirment, une fois de plus, que leur parti n’est pas trotskiste —, et le 29 juillet pour que le ministre de la Justice fasse connaître enfin les charges qui pèsent sur eux.
Le sort de NinQuant à Nin, rien ne filtre de ce qui a suivi son arrestation : le 4 aout, soit près de deux mois après son arrestation, et alors que les murs de toute la Catalogne se couvrent de la question : “ ø DÛnde est· Nin ? ” (8), le ministre de la Justice se décide à publier une note informant que le secrétaire général du POUM ne figure pas au nombre des gens “ mis à la disposition des tribunaux de justice ”. Dans cette même note, le ministre reconnaît que l’opération a été conduite par la Direction générale de la sécurité mais avoue aussi que Nin a “ disparu ” du commissariat madrilène où il avait été emmené après son arrestation. Il n’en faut pas plus pour que le PCE et ses alliés tentent d’accréditer l’hypothèse que cette disparition pourrait n’être qu’une “ fuite ”, organisée par les poumistes eux-mêmes voire parÖ des agents de la Gestapo. Si l’hypothèse ne convainc que les convaincus, elle fait craindre pour la vie du leader du POUM : Iglesias rapporte les informations parues dans divers organes de presse étrangers qui parlent d’assassinat et accusent les adversaires politiques du POUM d’en être les responsables. Il se fait également l’écho des recherches diligentées par des membres de son parti et “ des militants connus de la CNT ”, lesquelles permettent de reconstituer en partie les faits postérieurs au 16 juin et de mettre en cause le général Orlov pour sa complicité directe dans la “ disparition ” du dirigeant poumiste. L’enquête menée bien longtemps après les faits par les auteurs du documentaire Opération Nikolaï présenté en 1992 à la télévision catalane confirmeront l’hypothèse de l’implication de cet agent de Staline dans l’assassinat de Nin (9).
Le procès du POUMSi les militants poumistes emprisonnés doivent attendre près d’un mois et demi avant de savoir de quoi on les accuse officiellement, le PCE ne se fait pas faute, entre-temps, de diffuser aux quatre vents les “ preuves ” attestant que les “ trotskistes ” (10) du POUM sont des agents du fascisme international, une accusation lancée déjà avant les journées de mai 37. Pressentant que, contrairement aux accusés des procès de Moscou, les militants du POUM ne vont pas battre leur coulpe et s’accuser de tous les crimes imaginables, la presse d’obédience stalinienne se croit dans l’obligation de faire connaître une série de documents chargés de les accabler. Ces “ preuves ” seront rassemblées dans le volume Espionnage en Espagne — signé d’un nom d’emprunt (Max Rieger) (1) et préfacé par l’écrivain catholique José BergamÌn — qui, grâce aux bons soins de l’Internationale communiste, va bénéficier d’une forte diffusion hors d’Espagne. Ces “ preuves ” sont, entre autres, un plan millimétré saisi par la police sur un phalangiste madrilène, qui détaille les positions militaires des forces républicaines de la capitale. Au verso, il porte le texte d’un prétendu rapport adressé à Franco, qui laisse apparaître le rôle joué par un personnage désigné par l’initiale N. dans l’espionnage en faveur des nationalistes (12). Une des autres “ preuves ” à charge contre le POUM est une note du chef de la police de Barcelone, qui fait état de nombreux documents démontrant que des militants du POUM travaillaient pour le compte de Franco, en particulier une lettre trouvée au domicile du père de l’un d’entre eux, où on détaillait par le menu les activités d’espionnage et de sabotage auxquelles se livrerait le parti de Nin. C’est à l’aide de ces documents, “ qui dépassent tout ce que l’on pouvait imaginer ” (dixit G. Soria) (13), que le PCE prétendait organiser une sorte de version espagnole des procès de Moscou contre les “ trotskistes ” du POUM. Mais, bien que sa presse réclame à cor et à cri la mort pour les accusés, la campagne menée en faveur de ces derniers, en Espagne et hors du pays, va démontrer qu’on ne peut pas faire à Madrid ce qu’on a fait à Moscou. Le procès ne commencera que le 11 octobre 1938, devant le Tribunal central d’espionnage et de haute trahison, et durera onze jours. Le 29 octobre, le Tribunal livre son verdict. S’il fait litière des chefs d’accusation les plus grotesques présentés par le procureur chargé de requérir contre le POUM, il n’en décrète pas moins la dissolution du POUM et de la JCI, et condamne plusieurs des accusés à de lourdes peines d’emprisonnement, principalement pour leur participation aux journées de mai 37. C’est bien le moins que pouvait faire la justice du gouvernement NegrÌn — qui avait interdit, en aot 37, par décret, la moindre critique contre l’URSS — pour se ménager les bonnes grâces de Staline et de la “ nation amie par excellence ” de la République espagnole. Mais l’avancée des troupes franquistes allait transformer bien vite en chiffon de papier l’étonnante condamnation qui venait de clore un des épisodes les plus sombres de l’histoire de la République.
Dans la conclusion rédigée pour l’édition de 1974, Ignacio Iglesias, s’élevant contre ceux qui ne voudraient voir dans ces récits que “ des faits dépassés et liquidés par le passage des ans ”, notait que c’était précisément là le plus cher désir des “ auteurs et complices de cet épisode ”, trop contents de livrer à l’oubli des faits dont, quelque 35 ans après, ils ne pouvaient plus guère s’enorgueillir. Cet objectif a évidemment perdu de sa valeur aujourd’hui, alors que les survivants de ces faits se comptent sur les doigts de quelques mains, et que personne ne s’éclaire plus à la lumière d’un régime qui non seulement a disparu mais qui est aussi définitivement discrédité. Cela n’ôte rien de la valeur en soi de ce livre, qui aidera à tirer les leçons d’une guerre qui, quoi qu’on en pense, a encore beaucoup à nous enseigner, bien au-delà de toute l’imagerie d’Epinal et de tous les mythes attachés à son souvenir (14).
Miguel ChuecaN.B. : Le présent article était destiné, à l’origine, à la revue Gavroche, qui n’a pas souhaité le publier.
(1) A ce sujet, on se reportera au livre de Félix Carrasquer, Les Collectivités d’Aragon. Espagne 1936-1939, récemment traduit par les éditions de la CNT.
(2) Qu’on m’entende bien : tous les historiens qui ont abordé la guerre d’Espagne l’ont fait à partir d’a priori idéologiques, et il ne pouvait en aller autrement. Il se trouve que, parmi eux, très peu penchaient du côté du POUM. Par ailleurs, il se peut que le fait même que les poumistes aient beaucoup écrit sur leur parti ait coupé l’herbe sous le pied des historiens de métier.
(3) Ce livre de V. Alba a paru en 1975 aux éditions Champ Libre, et a été réédité en 2000 par les éditions Ivrea. L’ouvrage de W. Solano, Le POUM. Révolution dans la guerre d’Espagne, a été publié en 2002 par les éditions Syllepses.
(4) I. Iglesias, Experiencias de la revoluciÛn, Editorial Laertes/FundaciÛn Nin, 2003.
(5) L’Opposition communiste deviendra plus tard l’ICE (Gauche communiste d’Espagne), l’une des composantes du futur Parti ouvrier d’unification marxiste, l’autre étant le BOC (Bloc ouvrier et paysan), principalement implanté en Catalogne.
(6) Trotsky et la Révolution Espagnole, Lausanne, Editions du Monde, 1974. La version française, légèrement abrégée, est due à Louis Mercier Vega.
(7) Les journées de mai commencent dès le 2 avec l’investissement du central téléphonique par des forces de police qui obéissent à un ordre émanant du conseiller à la Sécurité intérieure de la Généralité de Catalogne. Devant le refus de son président de démettre de leurs fonctions les responsables de cette initiative, les travailleurs barcelonais déclarent la grève générale, et la ville se couvre de barricades : les combats qui s’ensuivent causeront, selon les sources officielles, 1 000 blessés et 500 morts. Le 5 mai, l’anarchiste italien Camillo Berneri, qui vient d’écrire un article intitulé “ En défense du POUM ”, est arrêté à son domicile, et retrouvé mort dans la nuit. Le 7, la CNT appelle à l’arrêt des combats.
(8) “ Où est Nin ? ”. ¿ cette question, les membres du PCE répondaient “ En Salamanca o en BerlÌn ”, en suggérant qu’il fallait chercher Nin du côté de Salamanque — c’est-à-dire chez les franquistes — ou dans l’Allemagne nazie. Je rappelle que, bien qu’on ait soupçonné très tôt qu’il avait été tué aux alentours d’Alcal· de Henares, son corps n’a jamais été retrouvé.
(9) Pour plus d’informations, on se reportera au chapitre 4, “ La longue marche pour la vérité sur Andreu Nin ”, du livre de W. Solano cité plus haut, où l’auteur rappelle que l’essentiel de ces informations étaient déjà dans la brochure L’assassinat d’Andreu Nin, rédigée en 1939 par Juan Andrade.
(10) “ Il devient clair que, dans l’URSS d’aujourd’hui, qui veut noyer son chien l’accuse de trotskisme ”, écrivait Boris Souvarine en 1937 (Cauchemar en URSS, Editions Agone, 2001, p. 37). Le procédé valait aussi pour l’Espagne.
(11) Dans Le POUMÖ , W. Solano donne le texte d’un rapport de Luigi Longo, trouvé dans les archives de la GPU, où ce dirigeant communiste italien, alors commissaire général des Brigades internationales, se targue d’avoir participé à la rédaction de ce livre.
(12) Ce rapport, bien que visiblement forgé pour les besoins de la cause, sera pourtant mis à profit par le procureur qui, le 11 juin 38, signe l’arrêt d’accusation contre le POUM. Maria Dolors Genovés, un des deux auteurs de Opération Nikolaï, désigne l’interprète du général Orlov, un certain José Escoy, pour l’auteur d’un des faux visant à faire passer les militants du POUM pour des agents fascistes (cf. W. Solano, op. cité, p. 198).
(13) On lira avec profit les deux articles de Soria — parus dans L’Humanité en juin et octobre 37 — que W. Solano a repris dans son livre (p. 261-265) : ils donnent l’exacte mesure de ce que fut l’aveuglement volontaire des staliniens français.
(14) Qu’on pense, en particulier, à cette antienne, reprise jusqu’à plus soif par l’histoire académique, concernant l’opposition au sein du camp républicain entre ceux (anarcho-syndicalistes et poumistes) qui souhaitaient mener de front la révolution et la guerre, et ceux qui, à l’instar des communistes, voulaient gagner la guerre d’abord, quitte à s’occuper ensuite de la révolution. Mais de quelle révolution nous parle-t-on, et quelle révolution pouvaient donc faire le Parti communiste et ses conseillers “ soviétiques ”, les destructeurs des collectivités aragonaises, les assassins de Nin et Berneri ?
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