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Noam Chomsky
Lu sur Ao! Espaces de la parole : "Né en 1928, Noam Chomsky est le plus connu des anarchistes contemporains; il est aussi un des plus célèbres intellectuels vivants.Il poursuit, depuis plus de quarante ans, une oeuvre en deux volets: linguistique, d'abord, discipline qu'il a dans une substantielle mesure rénovée et instituée scientifiquement; critique et activisme politiques, ensuite, et sur ce terrain il s'inscrit dans la tradition anarchiste, qu'il prolonge et rénove également. Il faut préciser d'emblée que Chomsky a constamment souligné l'indépendance de ces deux volets de son uvre, rappelant qu'on ne peut tisser entre eux que des liens ténus: il serait aussi erroné de penser que sa linguistique puisse être anarchiste que de croire que son anarchisme ait pu être inspiré ou déduit de quelque manière de ses recherches sur le langage.
Noam Chomsky est né à Philadelphie en 1928. En 1957, il fait paraître Syntactic Structures, ouvrage majeur qui marque le début de ce qu'on appellera la «révolution chomskyienne» en linguistique. Le structuralisme et le béhaviorisme sont alors dominants dans cette discipline: Chomsky leur oppose l'idée d'une Grammaire Générative qui repose sur l'hypothèse, riche et féconde, de l'innéité de l'aptitude au langage. Pour le dire en un mot: les enfants n'apprennent pas à parler, ils savent. Prenant note du savoir dont disposent les locuteurs, de leur créativité entendue notamment comme leur capacité à produire et à comprendre des énoncés nouveaux et inédits, la linguistique telle que la conçoit Chomsky met à jour les transformations qui lient la structure profonde et la structure superficielle des énoncés d'une langue donnée. Elle s'intéresse désormais à un nouvel objet: la compétence des locuteurs, et s'avère une avenue particulièrement riche et féconde pour étudier et comprendre l'esprit humain. Le simple rappel des divers programmes de recherches élaborés par Chomsky depuis les années cinquante déborderait largement le cadre de cet ouvrage; rappelons seulement que dès 1966, dans Cartesian Linguistics, il situait son travail dans la tradition cartésienne et rationaliste et en tirait de précieux enseignements épistémologiques. L'oeuvre linguistique de Chosmky a exercé une influence tout à fait déterminante et qui s'étend bien au-delà de la seule linguistique pour atteindre la philosophie, la psychologie et plus généralement l'ensemble des sciences cognitives.

Mais Noam Chomsky, on l'a vu, est également connu pour ses interventions sur le terrain politique. Pendant son adolescence, il fréquente les milieux anarchistes de New-York et il y reçoit une influence déterminante: dans son cas, on peut même aller jusqu'à dire que c'est le dissident qui s'est fait linguiste accidentellement, plutôt que ce soit le linguiste qui soit devenu dissident. Quoi qu'il en soit, au cours des années soixante, Chomsky se fait d'abord remarquer par son opposition à la Guerre du Vietnam et il poursuit, depuis, avec vigilance et avec virulence, une forte et imposante critique de la politique étrangère américaine. Cette critique a eu des échos et un impact importants et, depuis les années soixante, les interventions de Chomsky se sont multipliées et concernent à présent les principaux aspects de la culture et de l'idéologie.

Puisque j'ai déjà rappelé comment Chomsky conçoit l'anarchisme et son développement historique, venons-en immédiatement aux aspects principaux de son uvre et de ses interventions. Selon Chomsky, le développement moderne du capitalisme voit l'ensemble des systèmes politiques, économiques et idéologiques progressivement envahis et pris en charge par ce qu'il appelle «de vastes institutions de tyrannie privée» dont les entreprises, les corporations transnationales, les banques, les systèmes monétaires et financiers fournissent aujourd'hui les modèles les plus achevés et les plus inquiétants. Construites de manière hiérarchique, échappant progressivement à tout contrôle démocratique, ces institutions sont nées selon Chomsky du même sol que le fascisme ou le bolchevisme, ces autres manifestations contemporaines du totalitarisme. Elles étendent partout leurs tentacules, se livrent à une propagande intensive. Fidèle à l'idéal anarchiste, le travail de Chomsky consiste pour une part substantielle à repérer ces structures, à analyser leurs actions, à démontrer leur illégitimité et à inviter à les combattre. L'anarchisme, selon lui, est en effet cette tendance, présente dans toute l'histoire de la pensée et de l'agir humains, qui nous incite à vouloir identifier les structures coercitives, autoritaires et hiérarchiques de toutes sortes pour les examiner et mettre à l'épreuve leur légitimité; lorsqu'il arrive que ces structures ne peuvent se justifier - ce qui est le plus souvent le cas - l'anarchisme nous porte à chercher à les éliminer et à ainsi élargir l'espace de la liberté.

Son travail critique, extrêmement riche et abondant, fait de Chomsky un des plus précieux et informés des observateurs du monde contemporain. Des menées impérialistes des États-Unis aux ententes de libre-échange en passant par les corporations transnationales, les organismes comme le FMI ou la Banque Mondiale, peu de dimensions de la vie politique et économique des 40 dernières années ont échappé à son regard critique.

L'importance du contrôle des esprits par des moyens non-violents au sein des démocraties explique le fait que Chomsky se soit intéressé de très près au rôle que jouent les media dans la construction, ou si l'on préfère, la fabrication des consentements dans les sociétés contemporaines. Examinant attentivement ces formes contemporaines de la propagande, il s'est efforcé, notamment dans des travaux effectuées avec Edward S. Herman, de mettre à jour les mécanismes de la forme particulière du contrôle de la pensée qui s'y exercent et d'indiquer les possibilités de les contrer
Normand Baillargeon
Ecrit par libertad, à 23:16 dans la rubrique "Pour comprendre".

Commentaires :

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05-07-02
à 12:26

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