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Quand la tranquillité revient dans les quartiers, c’est pour qu’on puisse à nouveau les oublier. Et puisque la jeunesse doit être « occupée », elle le sera maintenant en grand, en large et en travers, par des milliers de bleus disposant de pouvoirs exceptionnels. Le soir, couvre-feu. Les jeunes, « assignés à résidence ». Perquisitions menées « en dehors des procédures judiciaires normales, notamment afin de procéder à des recherches d’armes ». La loi permettant l’instauration de l’état d’urgence date de 1955, en pleine guerre d’Algérie. Les vieux démons se réveillent. Comment réagirait ce gouvernement face à une grève générale ? Enverrait-il les chars ? Bombarderait-il les boîtes occupées ? Effarante disproportion des moyens employés par la République française contre ses jeunes. Parfum de fin de règne, d’épuisement du politique aux mains de tout-puissants intérêts privés. Le troupeau des témoins télégéniques a été encore une fois convoqué pour justifier l’injustifiable. Et de se lamenter sur les quelques dizaines de salariés mis au chômage à la suite de l’incendie de l’entreprise qui les emploie, omettant de faire le parallèle avec la catastrophe tellement naturelle qu’est, par exemple, le licenciement de mille deux cent quarante salariés par Hewlett-Packard.
Les gamins des banlieues savent maintenant qu’en faisant monter la pression et en alliant leurs efforts, ils ont le pouvoir de faire tituber le plus arrogant des gouvernements, de lui faire perdre son sang-froid. Ceux qui, de grèves déclarées illégales en votes méprisés, ont le sentiment d’avoir tout essayé pour se faire entendre - sans succès - en tireront les leçons. La mobilisation des papy-boomers contre la réforme des retraites a échoué. Les chômeurs continuent à endurer le régime Unedic. La SNCM sera privatisée contre la volonté des marins. Les faucheurs anti-OGM sont condamnés malgré le rejet des aliments génétiquement modifiés par 80 % de la population. Les intermittents n’ont pas réussi à défendre la culture contre le spectacle. Les profs n’ont rien gagné à défiler en rang d’oignon. Même les lycéens se sont fait bananer. La politique du gouvernement passe de toute façon, en force. Et la colère que nous avons tous tenté de faire passer par la voie légale, ce sont des gosses de quatorze ans qui l’expriment violemment, avec excès, parce qu’aujourd’hui, il faut être soit un enfant soit un fou pour oser dire merde. Les actions traditionnelles ne marchent plus. Les mots ont été désarmés. Là, en quelques jours, les ados émeutiers obtiennent cent millions de subventions pour les associations de quartier (que mille dossiers et rendez-vous avec les politiques n’auraient jamais pu avoir) et captent même l’attention de la « communauté » internationale. Ils forcent un gouvernement sourd à tout dialogue à changer de langage et l’amènent sur le terrain qu’ils connaissent par cœur pour en être les premières victimes : celui de la loi du plus fort.
Publié dans CQFD n°28, novembre 2005.
Commentaires :
Anonyme |
Excellent!
CQFD tape toujours juste et fort, sans mots inutiles. Répondre à ce commentaire
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à 19:18