Néoconservateurs, néofondamentalistes, néostaliniens, les capitaines néos ont le vent en poupe
Surgies tout armées des décombres de l’Etat-providence occidental, du communisme bureaucratique et autoritaire comme des révolutions tiers-mondistes confisquées par des juntes militaro-affairistes, des idéologies pas vraiment fraîches et pour la plupart franchement faisandées envahissent tout le champ politique, séniles discours radotants, antiques croyances rhabillés de clinquant grâce au magique préfixe néo.
La langue n’est jamais innocente, aussi n’est-ce pas sans perverse
intention que dans la bouche des prescripteurs de pensée elle désigne
comme nouveauté, utilisant ce que celle-ci a de séduisant, spécialement
pour les jeunes gens, les recettes les plus rances : les
néoconservateurs américains, inspirés par le philosophe passéiste Léo
Strauss et le très approximatif essayiste Francis Fukuyama qui
prophétisait la « fin de l’Histoire » dans un ouvrage aussi fameux que
fumeux ne sont que de bons vieux réactionnaires christiano-intégristes,
ultrasionistes et philistins, cocktail ébouriffant qui n’a pourtant
rien d’improbable au pays où l’on ne lit souvent que la Bible en
prenant ses légendes, allégories, paraboles et symboles au pied de la
lettre.
Leurs cousins, les néolibéraux, enfants de Friedrich Von Hayek et de
Milton Friedman (et de ses Chicago boys qui déboulaient naguère entre
les bottes des dictateurs sud-américains), eux-mêmes descendants du
père Adam Smith, sont arrivés au pouvoir, celui qui domine les bourses
et les esprits, dans les valises de Ronald Reagan et de Maggie
Thatcher, pénibles bourgeois culs-bénis et revanchards qui rêvaient
d’en découdre enfin avec le welfare state cher à un J.M Keynes qui
avait su convaincre jusqu’aux ploutocrates les plus épais qu’un minimum
de redistribution du bien-être était le meilleur garant de la paix
entre les peuples et à l’intérieur d’eux-mêmes, c’est dire si ce
mirobolant système n’est ni furieusement moderne, comme on prétend
néolibéralement que le serait l’exploitation délocalisée des masses
créatrices de richesses, ni autrement libéral que commercialement
parlant.
Ailleurs, ou en face, puisque ces néos-là défient les premiers cités,
on trouve les néo-intégristes salafistes, du mouvement fondamentaliste
Salafiya né à la fin du XIXème siècle et demeuré confidentiel, tout
comme le wahhabisme à peu près confiné à l’Arabie saoudite, jusqu’à
l’effondrement des espoirs de révolution socialiste dans le monde
arabo-musulman.
Là encore, hier, c’est demain : le modèle de société proposé aux
peuples n’est autre que celui des premiers temps du mahométisme
triomphant, avec ici –la péninsule arabique- l’acceptation hypocrite de
la seule modernité matérielle jusque dans son extravagance ou là
–l’Afghanistan des Talibans et leur puritanisme mortifère essaimé du
Pakistan jusqu'aux républiques caucasiennes- un rigorisme borné qui
dépasse le néo-intégrisme pour atteindre le néo-archaïsme, qui n’est
autre que ce nirvana, cet acmé spirituel, politique et juridique auquel
aspirent tous les néos, dont le tronc commun, bien plus puissant et
significatif que leurs divergences de surface, est que, (ré)novateurs
autoproclamés, ils ne vénèrent de facto que l’ancien, qui a fait ses
preuves, surtout les pires.
Et puis, un temps désemparés, privés de modèle de référence sans quoi
il n’est pas de néos (car ils n’inventent jamais rien ; mieux, la
véritable nouveauté les terrifie), ragaillardis aujourd’hui par l’échec
des réformateurs des PC occidentaux, voici que donnent de la voix les
néostaliniens, déjà chantres de Fidel Castro et de Kim Jong Il, pas
loin de réhabiliter Saddam Hussein ou Pol Pot, tout prêt à chanter les
louanges de Vladimir Poutine dès lors qu’il aura choisi de poser au
petit père du peuple plutôt qu’au tsar, ce qui n’est après tout qu’une
affaire de nuances, puisque les édifices politiques absolutistes sous
la disparité des architectures partagent les mêmes fondations :
concentration entre les mains d’un seul homme de tous les pouvoirs,
interdiction des partis, presse aux ordres ou censurée, opposition
incarcérée ou assassinée, Etat bureaucratique omniprésent et
omnipotent, soumission prétendument volontaire, voire dynamique, des
citoyens à de vastes desseins qui les dépassent, à des avenirs d’autant
plus radieux qu’ils ne seront plus là pour en juger.
Les néostals, comme tous leurs frères en nostalgie, ont le regret d’une
époque bénie où tout était simple, manichéen, binaire : il y avait d’un
côté les bons, ceux qui croient à la même religion ou au même système
politico-économique qu’eux, aux mêmes prophètes qu’eux, de l’autre les
mauvais, les adeptes des autres croyances religieuses ou
politico-économiques ou, pire, les sceptiques, incroyants, infidèles,
renégats, hédonistes, cyniques, anarchistes parfois lorsqu’ils se
défient eux-mêmes de tout messianisme, pacifistes, intellectuels,
artistes, athées, minoritaires de tout poil, imprécateurs contempteurs
des hommes providentiels, fortes têtes insoucieuses des hiérarchies,
gens du large irrespectueux des frontières, paisibles et inventifs,
possibles créateurs d’un monde nouveau vraiment neuf qu’il convient
pour cela de nier, de pourchasser, d’anathémiser, d’emmurer, d’anéantir
par le couteau, le camp de rééducation, le silence.
N’est-ce pas que se lèveront bientôt -ils sont déjà éveillés et
remplissent parfois de leur bêtise les pages des faits-divers ou de
leurs outrances criminelles des tribunaux pas encore à eux soumis-,
hors du sépulcre des dogmes que l’optimisme des inventeurs de vie à
trop tôt ensevelis, les néofascistes, les néonazis, les néo-racistes,
les néo-moralistes, les néo-inquisiteurs, non plus rasant les murs à la
nuit tombée ou noircissant les pages de médiocres revues
néo-nationalistes ou néo-obscurantistes, mais galvanisant les masses au
grand jour sur les places, dans les journaux, ivres d’eux-mêmes, imbus
de leurs discours abscons, dénonçant qui le Juif, qui l’Arabe, ou
encore l’homosexuel, le Rouge, le mécréant, le laïc, le chômeur, tout
ce qui fait peur, est étranger, différent ou ne s’aligne pas assez
promptement aux mots d’ordres les plus primaires, aux idéaux les plus
vains, aux figures les plus surannées de la toute-puissance nées de et
couvées par la superstition et l’ignorance, Dieu, le Chef, le Grand
sorcier ?
Pour éviter cela, puisque les mots accouchent du réel, si nous substituions à cet épouvantable néo le doux terme de post ?
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Anonyme
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* welfare : « bien-être »
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Solveig
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La langue n'est pas innocente, comme tu le rappelles... aussi pourquoi donner un diminutif ("Maggie") à madame Tatcher, et laisser le prénom de monsieur Reagan entier ("Ronald" s'abrévie en "Ron") ?
Sinon, je propose de travailler activement à la machine à voyager dans le temps pour envoyer les nostalgiques voir de plus près les époques qu'illes regrettent :)
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à 18:27