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Mur de sécurité civile ou domination économique?
LE MUR ÉRIGÉ par le gouvernement israélien sur les terres de la Cisjordanie a de nombreuses fonctions. Pour les uns nous serions en présence d'un bouclier de protection civile contre toutes infiltrations terroristes possibles, pour d'autres le mur n'est qu'une franchise afin d'étendre de nouveaux chantiers sur des terres confisquées et pour d'autres encore une membrane sélective de main-d'oeuvre à bon marché.

Sous l'égide des politiques de sécurité nationale se cachent bien d'autres stratégies relevant du domaine de l'économie politique. En effet, un simple survol de l'évolution de l'emploi de la main-d'oeuvre palestinienne en territoire israélien permet de relever le dynamisme d'une stratégie de guerre dont l'une des armes principales est le mur, stratégie traduite en termes d'emploi, de salaire et de produit national.
Lorsque Israël s'empara des territoires palestiniens de la bande de Gaza et de la Cisjordanie, l'économie palestinienne reposait principalement sur les revenus de son système primaire. De 1967 aux accords d'Oslo (1993), Israël mena une politique économique au sein des territoires occupés à sens unique jugulant le développement industriel palestinien par ses lois protectionnistes et par la soumission de la main-d'oeuvre palestinienne aux marchés israéliens. C'est ainsi que la force de travail provenant des territoires occupés et employés dans les industries israéliennes devint la force économique principale constitutive du produit national brut palestinien. Au terme de cette période, 1 15 000 travailleurs palestiniens, représentant le tiers de la force productrice des territoires occupés, étaient employés sur le sol israélien nourrissant de leurs salaires des milliers d'autres citoyens devenus dépendants de l'économie israélienne.
Par l'entrée de l'économie israélienne au sein des marchés mondiaux, une inflation des produits de consommation de base s'ensuivit dans les territoires occupés. En conséquence, de nombreux agriculteurs palestiniens abandonnèrent la culture de leurs terres pour rejoindre le système secondaire israélien en pleine croissance afin de répondre à cette soudaine augmentation des prix et au danger d'une paupérisation insurmontable. L'abandon des domaines agricoles et la stagnation des méthodes de développement qui pouvait lui être associé furent favorisés par des sanctions émises par le gouvernement israélien sur les produits agricoles importés des territoires occupés; par les subventions étatiques du lobby agricole israélien; par le contrôle absolu israélien concernant la gestion des ressources d'eau ainsi que de la régulation inégale de son prix. L'agriculture palestinienne ne pouvait dans ces conditions ni concurrencer son voisin ni pourvoir son peuple de revenus décents.
Durant les 26 premières années de l'occupation, la main-d'oeuvre palestinienne en recherche de travail rentable fut employée dans la majeure partie des secteurs industriels et de développement d'Israël, La hausse des salaires de la main-d'oeuvre palestinienne dépassant ceux de Jordanie ou d'Égypte ainsi que les troubles concernant la sécurité nationale ont fart que les territoires occupés perdaient progressivement d'intérêts pour de réels investissements, L'industrie israélienne du textile trouva un partenaire plus avantageux en Jordanie que dans les territoires occupés alors qu'à la même période l'abandon des terres agricoles par la main-d'oeuvre palestinienne favorisa la séquestration d'ultérieurs terrains devenus chantiers de nouvelles colonies.
Malgré la loi émise en 1970 par le gouvernement israélien visant l'égalité des travailleurs et respectant, en accord avec la loi internationale, les droits sociaux des travailleurs palestiniens, ces même droits ont été bafoués par les promoteurs de travail sous l'oeil indifférent de l'opinion publique israélienne. Durant de nombreuses années, la main-d'oeuvre palestinienne paya de son salaire les impôts et taxes imposés aux citoyens israéliens. Capital qui renflouait les caisses de pensions ou autres assurances médicales et sociales d'Israël. La première Intifada de 1987 prit son appui sur cette lésion généralisée des droits sociaux de la main-d'oeuvre palestinienne plus que sur de réelles revendications nationales. Selon les témoignages des camps de réfugiés de Cisjordanie et Gaza, une importante partie des révoltés de 1987 avaient travaillé en Israël.
Au début des années quatre-vingt-dix, la main-d'oeuvre des territoires occupés représentait 7 % de la force productrice d'Israël. Paradoxalement, l'économie du pays devenait dépendante de cette main-d'oeuvre accessible, à bon marché et sans défense occupant les secteurs industriels aux conditions de travail inhumaines, refusés par les citoyens israéliens. Dès 1993, le gouvernement Rabbin décida d'ouvrir ses portes aux émigrés d'outre-mer afin de substituer la main-d'oeuvre palestinienne, décision qui reposait sur le projet de séparation des deux peuples en conflit, accordant ainsi en Israël la légitimité d'imposition d'un couvre-feu sur les territoires occupés. À l'orée de la deuxième Intifada (2000), 1 10 000 travailleurs palestiniens étaient employés en Israël, représentant le quart de la force productrice des territoires occupés. Suite à la fermeture totale des territoires, le taux de chômage des territoires occupés décupla. Le nombre des travailleurs palestiniens évoluant en Israël chuta entre 1999 et 2002 de 1 13 000 à 30 000. Avec le commencement de la construction du mur et l'inaccessibilité aux zones industrielles israéliennes postées le long de la ligne verte, l'une des uniques ressources de revenu devint le travail dans les colonies. Les salaires diminuèrent de 75 % et les garanties de payement devinrent extrêmement aléatoires. Durant le premier trimestre de 2007, 68 000 Palestiniens travaillaient dans les colonies représentant le dixième de la force productrice des territoires occupés, 1e reste demeure depuis 2000 encore en attente de l'établissement d'un environnement propice au travail.
La politique économique israélienne déployée sur les territoires occupés navigue entre (entretien d'une situation humanitaire « respectable » et l'exploitation de la force de travail à bon marché sélectionnée aux divers check points situés le long du mur. Seul le travailleur palestinien en possession d'un casier judiciaire vierge peut éventuellement avoir accès au monde du travail en territoire israélien, l'accès à ce dernier se dévoile donc comme arme de répression judiciaire, dont le mur fait office de tribunal.


Guy David
Alexandre Goetschmann

Guy Davidi et Alexandre Goetschmann, membres du collectif des Anarchistes contre le Mur, sont les réalisateurs du film In Working Progress.

Le Monde libertaire # 1496 du 29 novembre 2007
Ecrit par libertad, à 22:40 dans la rubrique "International".



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