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Morte la Françafrique ?
Concurrencée, critiquée, l'influence française sur une partie- de l'Afrique reste une réalité incontournable. Elle s'appuie sur une longue tradition d'interventionnisme économique, diplomatique et militaire, incarnée par des réseaux aux logiques parfois contradictoires. Survivront-ils aux échéances électorales de 2007 ?

« Ambiance de fin de règne », "la France a perdu la main en Afrique"... Les commentaires plus ou moins avisés et partiaux des "spécialistes" de 1ê présence française dans le continent noir sont quasi unanimes. Dans les revues spécialisées et les débat télévisés, la fin de la domination française dans son pré carré est déclarée, parfois avec nostalgie, parfois avec le ton revanchard de ceux qui n'ont jamais supporté que l'on puisse critiquer ce prétendu rempart à la pénétration anglosaxonne. Nostalgies cocardières, nostalgies d'Empire. Les critiques qui ont déferlé contre le dernier sommet des chefs d'Etat Afrique-France en décembre 2005, symbole de l'allégeance d'une partie de l'Afrique à son commandant post-colonial, ont fini de planter le décor. Désormais, les efforts diplomatiques de la France s'inscriront dans un cadre européen, annonce Jacques Chirac à un parterre de journalistes qui n'a déjà plus d'yeux que pour la présence chinoise ou la perte de contrats pétroliers au profit d'entreprises américaines. Mais cette promesse de multilatéralisme apparat comme un leurre tant l'influence de la France sur les questions africaines reste primordiale au sein de l'Union européenne ou de l'ONU, tant la France s'accroche encore à son "domaine réservé" africain.

"La Françafrique n'existait pas; d'ailleurs elle n'existe plus"

La fin de la France en Afrique, c'est avant tout la fin de la «Françafrique", liton de plus en plus, officialisant ainsi un concept forgé par François-Xavier Verschave - le Président de l'association Survie, décédé en juin 2005 - pour désigner un mécanisme de domination économique, diplomatique et militaire exercé par la France depuis les années 60 par l'intermédiaire de réseaux occultes (mercenaires, intermédiaires, financiers) ou institutionnels (services secrets, cellule africaine de-l'Elysée, régimes dictatoriaux "amis", forces spéciales) (1).
Conséquence positive de cet éloge posthume, on ose enfin écrire que pendant quarante-cinq ans, la présence française en Afrique a été inspirée par des finalités inavouables et la sauvegarde quasi -exclusive d'intérêts propres: maintien du rang international, approvisionnement en matières premières, financements occultes, notamment de partis politiques.
Ces intérêts auraient-ils disparus aussi rapidement ? Ce n'est pas l'avis des deux cents participants au "contre-sommet Afrique France" qui s'est tenu à Bamako début décembre 2005 (2). Ce contre-sommet a mis en évidence la persistance de mécanismes de domination économiques, politiques et militaires vécus au quotidien par les populations togolaises, tchadiennes, camerounaises, congolaises, etc. "La Françafrique tue l'espoir de la jeunesse africaine" affirmait une banderole brandie dans les rues de Bamako le jour d'ouverture du sommet officiel. En effet, si le temps du foccartisme (du nom de Jacques Foccart, l'homme des basses besognes du Général de Gaulle puis de Jacques Chirac) semble révolu, de même que l'âge d'or des réseaux mitterrandiens et pasquaiens, qui se sont disputés et partagés l'Afrique jusqu'au milieu des années 90, il serait prématuré de croire que la France a renoncé à sa "pompe Afrique". N'oublions pas qu'au moment de la réforme de la coopération lancée par le gouvernement Jospin, certains avaient déjà annoncé la fin de la Françafrique... Peu de temps après éclataient l'affaire Elf et le scandale de l'Angolagate (3).

Des dictateurs "amis de la France"

La prédation néocoloniale française s'appuie sur la complicité de régimes autoritaires et corrompus. Ces derniers reçoivent, en échange de leur collaboration, un soutien diplomatique, militaire et économique, via une Aide publique au développement parfois qualifiée d'Aide publique aux dictateurs (4).
Ces dictateurs "amis de, la France" sont les complices d'un pillage organisé des ressources naturelles du continent africain depuis 45 ans. Ce pillage a contribué à la généralisation du "paradoxe pétrole/pauvreté" (5) : des populations pauvres dans des pays très riches en matières premières.
Certains potentats francophones, souvent assis sur des mines d'or, de diamant ou de pétrole, battent ainsi des records de longévité et reçoivent leur lot de félicitations françaises 'à chaque réélection prétendument démocratique. Le gabonnais Omar Bongo, "réélu" à l'automne dernier,' est devenu le doyen d'entre eux, avec bientôt trente-neuf ans de "règne". Tripatouillages constitutionnels, manipulations des listes d'électeurs, intimidations envers les opposants et scrutins truques sont des concessions régulièrement consenties en Afrique par la France aux principes démocratiques qu'elle promeut par ailleurs. Qu'importe la manièie pourvu que le régime perdure. La stabilité reste la clé de voûte d'une Françafrique qui, dans un contexte de plus en plus concurrentiel, tente de maintenir son pré carré. Dernier exemple en date en février 2005 : le remplacement du dictateur togolais Eyadéma par son fils, adoubé par la France malgré un coup d'État électoral des plus caricaturaux (6).

Soldats et barbouzes

Cette stabilité est en partie assurée par le bras armé de la Françafrique, l'armée et ses corps d'élite. Si le dispositif militaire fiançais en Afrique est en voie de restructuration (avec une baisse des effectifs et la fermeture de certaines bases) il reste parfaitement opérationnel. Depuis N'Djamena, Libreville, Djibouti, la France est en mesure d'intervenir un peu partout sur le continent En l'absence de tout contrôle parlementaire, l'opacité de ces interventions est souvent la règle.
Certains épisodes tragiques ont montré combien il était dangereux de laisser une telle capacité d'intervention entre les mains d'un nombre trop restreint de personnes (7). Que l'on songe en particulier au Rwanda, où des militaires français ont encadré les futurs auteurs du génocide des Tutsi (8).
De manière générale, la France a conclu des accords militaires secrets avec la plupart de ses anciennes colonies: Ces accords lui permettent notamment de manoeuvrer assez librement sur leurs territoires: On a vu ainsi l'aéroport de Lomé, au Togo, servir de base logistique arrière pour la force Licorne stationnée en Côte d'Ivoire. Ce même aéroport a également pu servir de cadre à des trafics d'armes dans lesquels se sont illustrés des acteurs français plus ou moins contrôlés ou contrôlables.
En effet, à côté des interventions militaires directes, qui s'inscrivent de plus en plus dans un cadre multilatéral (comme en Côte-d'Ivoire), il faut prendre en compte -l'action des "électrons libres", marchands d'armes, dirigeants de sociétés militaires privées, conseillers militaires particuliers auprès de présidents africains. Ces "barbouzes" permettent à des acteurs français de garder un certain contrôle du terrain militaire ou sécuritaire en Afrique. Le "corsaire de la République" Bob Denard (qui; de son propre aveu, n'a jamais rien fait qui ne soit autorisé parla France), aujourd'hui en procès, a cédé la place à une multitudes d'autres "barbouzes" ou militaires recyclés, sans doute moins caricaturaux mais tout aussi efficaces dans leurs activités respectives (9). On peut citer parmi eux le marchand d'armes et ancien membre de la cellule anti-terroriste de l'Elysée Robera Montoya, actuellement en disgrâce suite à la découverte d'un arsenal destiné au régime ivoirien dans un des ses entrepôts de Lomé. Autre figure de l'aventurisme françafricain, le juriste mercenaire" Charles Debbasch, auteur de plusieurs maquillages constitutionnels au Togo. Cet ancien- directeur du Dauphiné Libéré (quotidien régional) a eu l'intelligence de persuader le régime qu'un manuel de droit bien utilisé est aussi efficace qu'un régiment de tanks pour réussir un coup d'État.

La puissance des réseaux

Ces acteurs "parallèles" font apparaitre le poids des réseaux dans la gestion néocoloniale de la Françafrique : réseaux militaires, aux solidarités renforcées par des passages communs dans des écoles ou des corps d'élites, mais aussi réseaux financiers, économiques, maçonniques (avec le rôle de plus en plus prépondérant de la Grande loge nationale de France, obédience affairiste qui a fidélisé un grand nombre de dictateurs africains). Ceux-ci évoluent tantôt au coeur, tantôt à la marge du pouvoir politique, défendant tour à tour des intérêts publics ou privés. Cette situation contribue à rendre la politique de la France en Afrique totalement illisible, à l'image de ce qui se déroule actuellement en Côte-d'Ivoire ou les conflits . d'intérêts entre acteurs économiques et diplomatiques plombent la position française.
Ces réseaux sont en outre de moins en moins franco-français. On voit s'y illustrer un nombre croissant d'intervenants russes, israéliens, sud-africains, etc. François-Xavier Verschavë avait ainsi annoncé l'ère de la Mafiafrique, un système de prédation encore plus complexe impliquant une multitude d'intervenants économiques et financiers, utilisant à dessein tous les mécanismes d'évasion fiscale et d'opacité financière, via des paradis fiscaux et judiciaires.

Le nerf de la guerre

Dans ce schéma complexe, les multinationales françaises ont acquis une place de choix auprès d'un pouvoir politique qui semble de plus en plus "rouler pour elles". Ces firmes sont perçues comme les porte-étendards de la France dans un monde globalisé où la puissance se mesure de plus en plus en termes économiques et commerciaux. Affaiblie par de multiples scandales, Elf a été rachetée par Total. Cette multinationale conserve des intérêts considérables au Gabon ou au Congo-Brazzaville. Malgré le climat concurrentiel de plus en plus exacerbé sur le marché du très convoité pétrole afri-
cain, elle affiche pour 2005 un bénéfice record de 12 milliards d'euros. Mais l'exploitation des matières premières n'est pas la seule source de profits colossaux. Les multinationales françaises obtiennent également des contrats juteux dans l'équipement, à l'exemple du groupe Bouygues dans le projet pétrolier Tchad-Cameroun.
C'est cependant- le groupe breton Bolloré qui est aujourd'hui la valeur montante du capitalisme français en Afrique. Investissant à tour de bras dans l'équipement, le transport, le bois, Vincent Bolloré s'est construit en quelques années un véritable empire africain, à un rythme "tellement
rapide qu'il pourrait en devenir suspect", comme le çommentait François-Xavier Verschave: Le vice-président de Bolloré n'est autre que Michel Roussin, ancien conseiller de Jacques Chirac à la mairie de Paris et ancien ministre de la coopération, également responsable du comité Afrique du MEDEF. Pour ces multinationales, l'Afrique présente un taux de rentabilité sans équivalent.

Epilogue en 2007 ?

La Françafrique disparaitra-t-elle avec Jacques Chirac ? C'est l'avis optimiste de certains commentateurs, tant le Président fiançais incarne aujourd'hui ce système, à travers ses amitiés multiples au sein des réseaux et surtout ses liens privilégiés avec la plupart des dictateurs d'Afrique francophone (10). La succession est pourtant déjà ouverte, si bien qu'on a pu dire qu'une partie du premier tour de la présidentielle de 2007 avait déjà commencé... en Afrique. Les deux candidats "pressentis" de l'UMP ont en effet déjà réussi à s'attirer les sympathies de quelques parrains locaux, multipliant les déplacements en Afrique dans le cadre de leurs fonctions ministérielles (11). ,
A gauche, l'héritage des années Mitterrand - qui a été en son temps un pilier de la Françafrique - est lourd à porter. Malgré la persistance de quelques réseaux résiduels et autres amitiés entretenues par certaines personnalités du PS (Michel Rocard, Guy Labertit) avec des chefs d'Etat africains, l'heure semble être à la remise en cause. Une remise en cause "molle", le manque d'envergure de la réforme de la coopération sous Jospin ayant déjà montré le peu d'intérêt accordé par une partie de la gauche à l'Afrique. D'autres voix plus radicales se font cependant entendre, de l'extrême gauche au centre droit. Seront-elles en mesuré de peser dans le débat ?
Une coalition d'ONG françaises réunies au sein du CRID (12) a d'ores et déjà décidé de faire figurer la question des relations franco-africaines dans les points qui seront soumis aux candidats. Sans une mobilisation citoyenne importante et un sursaut des décideurs politiques, la Françafrique pourrait couler encoie longtemps des jours heureux.

Fabrice Tarrit
Siège national de l'association Survie


(1) c£ La Françafrique, Stock, 1998 ou Noir Silence, Les Arènes, 2000.
(2) Plus de détails sur http://wwwcadmali.org/contresommet
(3) Une affaire de ventes d'armes à l'Angola, alors en pleine guerre civile, dans laquelle jean-Christophe Mitterrand et des proches de Charles Pasqua ont été mis en cause.
(4)c£ LAide publique au développement, un outil à reinventer, Guillaume 0llivier, C.L-Mayer, 2004.
(5)Selon l'expression d'évêques congolais en 2003. Leur plaidoyer "Pétrole Congo" a inauguré le volet africain de la campagne internationale "Publiez ce que vous payez !"
(6)cf Le choix volé des togolais, ouvrage collectif, I:Harmattan, 2005.
(7) Citons l'exemple du COS, instance de commandements des corps d'élite, placé sous le contrôle exclusif du Président de la République.
(8) Cf l'Horreur qui nous prend au visage, Commission d'enquête citoyenne, Karrhala, 2005.
(9) cf. La Privatisation de la violence, Xavier Renou, François-Xavier Vexschave, Agone, 2006.
(10) cf Noir Chirac, François-Xavier Verschave, Les Arènes, 2002.
(11)Un article de Libération du 6 décembre 2005 évoquant la possibilité d'une candidature indépendante de Dominique de Villepin faisait dire à un ministre chiraquien (resté anonyme) que l'actuel Premier ministre n'aurait pas de mal à drainer des fonds car "certains chefs d'entreprise n'hésiteront pas à l'aider [ ...] sans parler de ses réseaux dans la Françafrique". Si c'est un ministre qui le dit, chiraquien qui plus est...
(12)Centre de recherche et d'information pour le développement


S!lence #335 mai 2006

Ecrit par libertad, à 21:40 dans la rubrique "International".



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