Tandis que Bertrand Delanoë inaugure à Paris un parcours Mitterrand destiné aux nostalgiques du « promeneur du Champ de Mars », Mazarine, l’ex-fille cachée qui n’en finit plus de faire bouillir sa petite marmite, livre à la télévision, après l’édition et avant le cinéma et la chanson, des souvenirs qui ne devraient intéresser qu’elle-même et dont on raconte pourtant qu’ils passionnent les foules.
Pourvu qu’on ne découvre pas que Tonton tenait aussi planqué dans un placard une Richeliette pas encore nubile qui nous assommera un jour prochain avec des mémoires évoquant le vieux monsieur si gentil qui lui donnait le biberon !
Après quelques années de
disgrâce au long desquelles la simple évocation de son nom valait poussées de
prurits au citoyen ordinaire –spécialement aux jeunes gens de la
« génération Mitterrand »- et même à une bonne pincée de socialos pas
vraiment convaincus du bilan du bonhomme, le fantôme de l’ancien président de
la République défuncté il y a tantôt dix ans revient en pleine forme et tout
auréolé de gloire, du moins si l’on en croit la rumeur médiatique, dans le cœur
décidément sélectif des Français.
Un politicien aux manières
si souvent qualifiées de byzantines, obsédé par le complot et le secret, à
l’existence personnelle aussi hypocritement clivée que l’étaient ses amitiés
politiques, auteur de quelques pensums, admirateur de Dalida et d’art officiel,
qui apparaît aujourd’hui comme un parangon de probité et d’envergure
intellectuelle, voilà qui est sans doute révélateur de l’actuelle déliquescence
du personnel politique, représenté, à quelques exceptions près, par des technocrates
aussi impersonnels et inventifs que l’urinoir de Duchamp récemment vandalisé.
A moins qu’à l’instar des
artistes maudits, un homme d’Etat ne prenne sa véritable dimension historique
que purgé par quelques années d’oubli, auquel cas on peut d’ores et déjà
s’attendre d’ici quinze-vingt ans, consterné, à une Chiracomania échevelée au
moment où Nicolas Sarkosy quittera le pouvoir sous les huées, car en ce qui le
concerne l’un et l’autre ne manqueront probablement pas d’advenir avant que,
plus tard, la légende fasse de lui, à son tour, un archange venu délivrer
Marianne des brutes collectivistes et des fanatiques orientaux.
Au même moment, en Israël,
le général Sharon, entre autres exploits commanditaire de la boucherie de Sabra
et Chatila en 1982 et provocateur criminel sur l’esplanade des Mosquées de
Jérusalem en 2000, n’en finit pas de mourir d’une mort de goinfre tandis que le
monde en transe se demande si la terre après lui continuera de tourner, comme
si elle ne pouvait vraiment pas se passer de la tutelle de ces vieillards
atroces.
A-t-on envisagé qu’Ariel
Sharon, en hypothétique sortie de coma, se prendrait peut-être pour Yasser
Arafat ?
Comme toujours en pareille
occurrence, on ferait mieux de se rappeler que les cimetières sont remplis
d’humains, en leur temps aussi indispensables que providentiels, dont la
disparition n’a jamais empêché l’humanité de continuer son chemin, indifférente
ou, le plus souvent, soulagée du poids d’un imposteur, d’un truand ou d’un tyran.
Tout bien examiné, on aurait
pu se passer d’Einstein et même de Mozart (dont on célèbre absurdement cette
année le bicentenaire et demi de la naissance), alors, Sharon ou Mitterrand au
panthéon des Immortels, hein, un peu de sérieux !
Mathias Delfe