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En route ! : "A l’heure ou nous vous écrivons, 23h59, la zone du port est pilonnée, après une journée de bombardements intensifs. Canarder la ville en continu, un jour de prière, c’est sans doute la fameuse « surprise » pour Misrata que Saif Kadhafi avait annoncé la veille, sur la chaîne nationale.
Les snipers du Tamina Building n’ont toujours pas quitté leur position. Coupés de leur base de ravitaillement et encerclés par les insurgés, ils tentent d’échapper à la rédition en cherchant une voie de sortie. En soutien, les forces kadhafistes ont essayé plusieurs fois de reprendre la rue. Jeudi, ils ont encore tenté, à l’aide d’un tank et d’un tracto-pelle suivis d’un transport de troupe blindé, de défaire un barrage monté quelques jours plus tôt pour isoler les snipers. Ils ont été repoussés une nouvelle fois par les rebelles. Depuis l’une de leurs positions arrières plus en retrait sur Tripoli Street, les loyalistes pilonnent aussi la zone au mortier avec des Cluster Bombs (obus a sous-munitions particulièrement assassins) : un sifflement, dix secondes et six bombes se dispersent dans une zone de quarante mètres. Les shebab les craignent désormais plus que les tirs de RPG ou de fusils d’assault, dont les munitions commencent à manquer aux snipers. Pour s’en protéger, ils laissent ouvertes les portes des bâtiments et ont troué des murs pour pouvoir s’y engouffrer le plus vite possible.
Comme ceux du Tamina Building, la plupart des tireurs kadhafistes aux alentours sont encerclés, parfois seuls, sans eau, ni nourriture depuis une semaine, avec les cadavres de leurs collègues qui pourrissent dans les appartements d’à-cotés. Isolés dans différents immeubles, les mercenaires traversent parfois les rues à découvert pour rejoindre d’autres positions. Ceux qui tenaient les rues et tiraient tout azimut depuis quatre semaines sont désormais retranchés, sur la défensive, et ne font feu que lorsqu’ils y sont acculés. En plusieurs endroits, les shebabs ont installé des enceintes amplifiées avec lesquelles ils harcèlent les snipers et les enjoignent a se rendre. Les réponses sont parfois sans ambiguités : « je vous nique, je nique ta mère, ta soeur, Kadhafi est Kadhafi, on va vous buter jusqu’au dernier ». Sur le toit d’un autre immeuble, flotte un drapeau blanc. Le sérieux d’une rédition ne peut être évalué que d’une seule manière : déposer les armes et sortir du bâtiment. Ici, les combats urbains sentent la fin. Après des semaines de guérilla urbaine, l’expérience et la détermination ont renversé le rapport de forces dans la bataille du centre-ville.
Mais au port, qui reste le point stratégique, les bombardements des loyalistes se sont intensifiés depuis deux jours. La zone est à la fois le seul accès à la ville et les poumons de la cité : complexe industriel, centrale électrique, dépôts de pétrole, etc. Hier matin, une pluie de bombes de deux longues heures s’abattait sur le quartier d’habitation bordant le port. Vingt-trois personnes y sont mortes. Au même moment, au moins quatre tanks et une trentaine de voitures des forces kadhafistes ont tenté une percée sur la route principale de la zone commerciale qui relie le port Qasr Hamad à la Highway. Après plusieurs salves des tanks, inefficaces contre des contenairs remplis de terre qui barrent la voie, les shebab (appuyés tardivement par l’OTAN) ont réussi a détruire quatre tanks et à s’emparer de quelques véhicules, en perdant un combattant.
A Misrata, les habitants sont amers quand il est question de l’OTAN. Face aux bombardements, l’appui aérien ne signifie pas grand chose de concret. Ils en espèrent plus mais sont aussi très clairs quant à un éventuel débarquement terrestre, même déguisé en intervention humanitaire. Tous sont d’accord : « cette guerre est la nôtre, maintenant, il nous faut des armes ».
Misrata, vendredi 15 Avril