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L'En Dehors


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Manifeste contre la Culture

Lu sur Fondation Babyrul :
introduction

PROPOS CONTRE LA CULTURE, les salles de concert et les manageurs
[introduction au MANIFESTE CONTRE LA CULTURE, distribué avec l'autre texte ci-dessous au show-case d'un artiste
électro/drum'n'bass quelconque à la FNAC centre-ville de Grenoble (france) samedi 17 janvier 004]

La Culture c'est quoi?
Quand on déteste les bars et qu'on veut pas tourner dans les salles culturelles qui font la com' et la bonne image des décideurs locaux ou dans les galeries pour vendre et faire vendre, il reste quoi?

Je suis un aphte, une petite ulcération dans la muqueuse de la Culture.
J'ai plus peur d'être intégré par la Culture que de mourir du cancer. Mon Cancer c'est l'ennui des structures déployées pour la Culture, les réseaux de salles de spectacles, les associations culturelles... Tout ce qui mourrait si l'Etat et la Direction à la Culture arrêtait de donner des subventions. Et encore
la Culture ne disparaîtrait pas tout de suite, acharnée comme elle est à vampiriser tous les îlots un tant soit peu subversifs des vrais domaines du changement et du rêve. Acharnement qui n'est plus même seulement l'effort de la Culture à dicter ses directions depuis les bureaux d'un complexe administratif impénétrable, mais une volonté presque inconsciente partout de s'intégrer à ce qui existe déjà.

Les brûlures d'un aphte guérissent vite et l'aphte lui même disparaît bientôt.
Il laisse un petit souvenir d'une douleur dans la bouche.
Je m'identifie mieux à cette tâche blanchâtre au milieu d'une enflure qu'au statut d'artiste et aux nouvelles citoyennetés promues par la Culture.
Je préfère mon aphte à l'alter-mondialisme baigné dans la Culture.
Je préfère le cancer à la vie culturelle citoyenne, à la vie culturelle alternative, à la vie culturelle tout court.
Moi et mon cancer on s'amuse bien merci. On va pas à l'église le dimanche, ni au conseil de la démocratie participative
et de la vie locale.
On attend pas non plus de plus avoir de toit pour en demander un à qui de droit; on rentre dans des maisons vides. Et
on arrête de travailler.

"J'avais un manageur, mais il est parti, il a pris mon coeur et il est parti."
Comme lui t'as eut peur quand j' ai dit que j'allais brûler la maison de la Culture.
Fallait pas avoir peur. Fallait pas, tu sais les manageurs ça sert à rien c'est fait pour qu'on s'ennuie comme des artistes.
Soit pas triste maintenant, on va pouvoir s'amuser vraiment, les journalistes aussi on leur fera peur, comme aux directeurs des centres culturels.

Et puis tant pis si je peux plus faire de musique dans beaucoup d'endroits avec ma cagoule et mes lecteurs de K7, tu sais il reste toujours des autres endroits à prendre pour organiser des fêtes gratuites et sans alcool.

F*ZZK**N, janvier 2004


///MANIFESTE CONTRE LA CULTURE
[Peut être parlé, chanté, joué en saynetes…]

A ma manière je suis un casseur de rêves.

Pas de celles et ceux qui font disparaître la joie et la fantaisie sur leur passage, mais j’ai dû casser les rêves qu’on avait cultivé en moi pour prendre ma vie en main, agir directement sur elle, commencer à choisir avec incidence les conditions de son développement.

 

Ces rêves cultivés sont le seul bien commun du monde.

Rêves de moments intenses, flots d’images stéréotypées, attitudes standardisées par la Culture.

 

J’ai du casser les rêves enclos dans chaque parcelle du capitalisme, les tirant par la racine.

 

Du rêve répandu par millions d’exemplaires fabriqués dans des usines nucléaires au milieu de champs de fœtus jaunes et bleus, encerclés par une tourmente de caméras de télés qui projettent leurs images sur un ciel sombre d’orage, où la tourmente elle-même fait partie de ce qui sort des usines, une industrie ancienne en mutation, une fabrique permanente d’un monde permanent et fatigué.

Une Culture fatigante qui engloutit des années lumières d’énergie à se répéter pour durer.

 

Des parcelles encloses d’ordres et d’images répétées sans cesse.

 

Qu’ai-je gardé de toutes ces années de rêves et d’efforts pour m’insérer dans la Culture ?

Des cicatrices.

 

 

 

 

1

Des personnes civilisées défendent la « vraie Culture », garantie par un service public fort, transparent et désintéressé, par opposition aux services et produits des sociétés multinationales toujours plus incontrôlables ne défendant qu’une logique de marché.

 

A les entendre on croirait qu’il y a une Culture bénéfique par essence et qui s’autonomiserait par rapport au capitalisme, à la société marchande, aux marchés eux-mêmes.

Comme si les territoires publics étaient fait pour être laissés à la libre disposition de tout-unE chacunE, pour l’expression libre, l’épanouissement, les liens sociaux hors compétition…

 

(Samedi 15 aout 1931, à l’Académie Nationale de Musique et de Danse, le livret de l’Opéra que l’on joue ce soir coûte 3 francs (anciens) et la moitié des 32 pages qui le composent sont des publicités pour les enregistrements phonographiques Columbia, carburateurs Solex, instituts de beauté, philatélistes, compagnie aérienne Impérial Airways, crème de toilette, établissement Jacob-Delafon, parfum Gemey, boutiques, chemisier-chapelier, compagnie des wagons-lits, chemins de Fer de l’Etat…)

 

Les citoyennistes pour la défense de la Culture amènent un débat extrêmement superficiel en s’adressant à moi.

Comme si je pouvais oublier derrière tous leurs pseudo-rêves de changements que c’est l’Etat qui joue son image au travers de la Culture qu’il alloue dans les espaces publics, l’image des décideurs d’une ville, d’une région, cela en partenariat étroit et nécessaire avec les intérêts financiers privés des P.D.G.

 

Le droit à la Culture.

 

Les droits sont reliés aux rêves.

Ils sont alimentés par des exemples de ce que la vie pourrait être, avec des images, des pubs, des clips, des reportages, des répliques de films.

 

Celles et ceux qui auront la volonté de se battre pour leurs rêves se battront pour des images entretenues, des images du bonheur comme il est défini par les rêves que la société produit elle-même pour sa survie.

 

« ON VOUS JUGE SUR VOTRE CULTURE.

La France, où vous vivez, est considérée dans le monde comme un des pays où il est le plus agréable de vivre et où la culture personnelle a le plus d’importance.

                La vie de société (relations, réunions, amitiés, conversations, spectacles) y connaît un développement qu’elle n’a nulle part ailleurs. Ainsi non seulement dans la vie mondaine et sociale, mais aussi très souvent  dans la vie professionnelle et les affaires, peut-être même dans la vie sentimentale, vous serez jugé sur votre culture et votre conversation.

                Vous sentez donc immédiatement combien il est nécessaire, chez nous, pour réussir et mener une vie intéressante, de posséder des connaissances suffisamment variées pour participer avec aisance à toutes les manifestations de cette vie de société ou même simplement aux conversations intéressantes. »

 

 

 

2

On dirait qu’une partie de la Culture nous invite à croire qu’il y a au fond de nous une part d’innocence et de vérité qu’il faut écouter et ne jamais faire taire, en même temps que la Culture nous rappelle que sans l’éducation de la famille au respect des règles sociales, nous sommes des animaux, des asocialEs, sans loi.

 

Il y aurait en nous une part de rêve naturelle que le respect de la loi transformerait pour la rendre humaine ?

Culture, dis moi qui tu es !

 

La Culture c’est payer 5 euros pour entrer dans une salle surveillée par 10 vigiles et regarder une scène éclairée avec des artistes dessus.

La Culture c’est un grillage de deux mètres de haut autour des écoles.

La Culture c’est vendre de la vie, et manger des animaux morts.

La Culture c’est une journée cool avec « la femme » une fois par an.

 

Ce que la culture hip-hop est au rêve : une forme morte, une esthétique qu’on pratique avec le sentiment de rejouer les mêmes scènes des débuts du mouvement, la part de rêve commune (mass-médiatisée) en plus.

 

ChacunE peut s’approprier une part du rêve exploitée autour du mouvement en consommant, après le travail, pendant le week-end.

En fait le rêve dont on s’empare là ne va rien changer à la vie.

Peut-être va-t-il nous envelopper entièrement, nous faire prendre d’autres rythmes, nous faire voir d’autres visages.

 

La culture était l’entonnoir qui a conditionné la diffusion de ce rêve étiqueté, adapté.

On s’empare d’une marchandise.

 

Culture ou la gestion des masses.

 

Le hip-hop, la techno et le punk sont maintenant des miroirs dans lesquels se reflètent des rêves standards.

Les mêmes rêves dealés sur les supports à diffusion massive, exploités par les institutions publiques ou privées.

 

Ces mouvements ont sans doute créé du rêve dans le changement quand ils faisaient partie des sous cultures, quand les médias, les pouvoirs publics et les administrations n’avaient pas encore adapté leurs normes pour les absorber, les digérer, les recracher, modelés, reconnaissables, distribuables à plus grande échelle dans les circuits commerciaux.

 

Des sous-cultures ont dû propager les mêmes rêves qui se dégagent des perspectives nouvelles offertes par la transgression des règles de la société, avant d’être assimilées par la culture.

 

Il y a des perspectives de changement et donc du rêve dans les pratiques de réappropriation (illégales ou pas encore), et non des perspectives de changement dans les rêves distribués par la culture.

 

De ce que je connais :

Dormir dans des squats.

Circuler dans différents lieux de résidences et de fuites développés sur des modèles d’autogestion dans lesquels les ressources (à un niveau librement consenti) et les tâches, collectivisées, peuvent libérer de la misère de l’ennui et des fardeaux quotidiens.

Squatter des maisons abandonnées pour y vivre, toucher RMI et autres primes de l’Etat sans aucune volonté de s’ intégrer.

Volonté de cracher dans la soupe quand même, même en profitant quand même de la soupe.

Vivre pleinement sans contraintes de travail salarié, sans loyer.

Ne plus rien perdre en ne possédant rien, seulement par usage.

Etre donc voleurE.

Vivre sur les poubelles de Babylone.

Etre indépendantE sans autre drogue que la circulation gratuite.

Organiser des fêtes gratuites, faire circuler des objets volés et transformés, poser des CDs gratuits dans des étalages de gros disquaires…

 

Au revoir Père Noël.

 

Je veux des grands espaces pour y habiter gratuitement, et pas seulement une ou deux pièces pour dormir et manger. J’ai besoin de plus d’espaces, de plus de temps. Vous croyez que je vais me contenter des logements que vous réservez pour vos citoyenEs, croque-morts !

Toutes les maisons vides que vous cachez, les bâtiments, les usines, vous croyez pas que des affamés comme moi vont y pénétrer une nuit? (pour n’en ressortir qu’avec des cars de flics déplacés spécialement pour expulser)

Tout ce que vous gardez sous contrôle et sous clé, finit tôt ou tard par être déplacé, utilisé,  par l’une ou l’autre des incarnations de vos peurs.

Du rayon de supermarché à la grande poche dans la doublure de ma veste, tout finit bien par circuler.

 

Je suis un pirate, ceci est mon manifeste.

 

Même les rêves que vous mettez sur le marché ne suffisent pas à empêcher mon envie de circulation de chercher quelque chose qui aille plus loin que le réel que vous entretenez.

J’ai envie de circuler moi-même, de faire circuler ce dans quoi je mets un peu de moi-même, des objets, des idées, des envies, qui ne trouvent aucune satisfaction malgré toutes vos offres de noël.

Rien ne me satisfait plus dans la permanence de vos offres à vie.

 

Qui êtes-vous ?

 

Le conseil de quartier veut ma perte. J’ai déchiré toutes les affiches de la démocratie participative, citoyenneté de mon cul. Le mouvement citoyen mondial m’en veut.

 

Mort-mouvance.

 

Non mais qu’est-ce que vous nous offrez encore ? De quoi vous pensez sérieusement qu’on peut se satisfaire pour vivre ?

Se laisser mourir toute l’année dans des offres minables accordées par les décideurs et à chaque élection supplier pour qu’on améliore des situations médiocres ?

Mais qu’est-ce que j’en ai à foutre que l’adjoint au Maire déplace son Audi pour venir me parler à moi des conditions dans lesquelles lui peut changer ma vie.

Si j’ai besoin de quelque chose je le prends, je lui demande pas son avis.

Des fois des voitures de luxe brûlent sur les parkings, qu’il fasse attention à la sienne.

 

Qu’est-ce que le conseil de quartier pourrait me proposer pour me satisfaire ?

L’existence légale n’a plus de prise sur moi, c'est-à-dire justement que ce n’est plus là que se situe le rêve pour moi.

J’ai compris ce qu’il y avait de magique dans les images qui sont transmises de générations en générations, c’est le sentiment de recommencer nouvellement quelque chose d’ancien.

C’est là qu’on en est, comme si le citoyennisme nouvelle école pouvait cacher des siècles d’abus et d’humiliation par les autorités publiques. Comme si me déplacer au conseil de quartier pour voir les éluEs c’était vraiment du dialogue et pas une représentation ridicule et dépassée de mon impuissance au sein du monde qu’ils/elles entretiennent.

 

Plaise à mon cancer de l’obéissance que vous viviez assez vieux/vieilles pour voir la Mairie brûler aussi.

Demander des autorisations pour vivre c’est déjà une habitude de la Culture, alors quand est-ce-qu’on rigole ?

C’est pas dans les espaces conviviaux que vous nous avez dessinés que ça risque d’arriver, ni dans les parcs d’attractions culturelles.

 

La Culture c’est quoi ?

 

ça sert à rien de défendre des grands principes comme la Culture, les droits, de s’en remettre constamment à un plus grand ensemble de gestion qui décide pour nous.

 

Aujourd’hui on reconnaît que nous ne pouvons plus prendre aucune décision par nous-mêmes ; on traite les fainéantEs d’assistéEs mais la culture nous empêche d’être autre chose que des assistéEs, dépendantEs des ordres d’unE patronnE, d’une administration, d’unE profE.

 

Quand j’ai choisi de changer les règles de ma vie pour pouvoir respirer un peu je n’étais plus dans l’acceptation de la Culture, j’étais contre la Culture.

Mais j’avais encore mes rêves, qui n’étaient pas mes rêves, mais ce que je voulais voir de moi dans des  environnements fabriqués de divertissement.

 

Tout n’est que divertissement hors du travail, du racket immobilier et de l’éducation.

 

On ne fait pas ce qu’on voudrait, on vend son temps et son énergie, parce qu’il faut bien payer un loyer.

C’est absurde, mais c’est notre Culture.

 

Les rêves de la Culture ne trompent que le temps des pauses entre deux contraintes débiles et fatigantes. Ensuite il faut obéir.

 

En France la Culture du divertissement vit des agréments et des subventions accordés par l’Etat. C’est l’Etat qui défend la Culture. C’est la police qui défend l’Etat. C’est les matraques, les gazeuses et les balles dans le dos qui défendent la police.

 

Les voisinEs veillent à la défense de la Culture, comme les flics.

 

La Culture c’est comme un tribunal qui punit la masturbation, c’est comme l’enfermement à domicile.

La Culture c’est sortir en club pour se mettre la tête 75 jours par an.

La Culture c’est pas la fête, c’est pas la joie, c’est pas la vie ; c’est le coma, ludique.

 

3

Le mouvement citoyen mondial défend la Culture. Il recherche une cohérence entre marchés et droits de l’Homme.

 

« Le citoyennisme, c’est une adhésion réciproque j’veux dire. »

 

Adhésion réciproque censée revivifier un lien social qui ne soit pas réduit au seul lien marchand, que chacunE participe à la politique locale soumise à l’autorité et aux subventions de l’Etat, à la vie de quartier, et quand la démocratie est menacée aide la police.

 

Pour cela, le Monde a besoin d’une Culture forte, porteuse de vraies valeurs.

 

Pour qu’entre deux coupures on trouve dans la seule cellule communautaire légale de la famille un peu de fraîcheur, et entre voisinEs de palier, de quartier, un peu de chaleur humaine, c’est bien de valeurs ancrées très profondément que la société civile a besoin.

 

Il faudra que dès le plus jeune âge, l’école et les programmes multimédias inculquent par l’exemple aux jeunes citoyennEs le respect d’un ordre qui, laissant à chacunE une place bien particulière dans l’organisation de la société confère à toutes et tous la paix, et la sécurité.

 

Culture de la paix sociale.

 

Cela pour qu’entre deux échanges introduits par les nécessités matérielles marchandes, chaque acteur de la vie ne pense pas que l’acquittement par l’argent dédouane des autres liens humains que l’on a construits pour la paix.

 

La politesse, la soumission à l’autorité, la convivialité (à la place qu’on lui décerne dans les échanges économiques et dans les espaces publiques), et l’Amour.

 

Cela tient dans le code de la Culture.

 

La Culture change, qui annonce de nouvelles citoyennetés.

 

Où l’appartenance de chacunE à la collectivité est le bien le plus précieux à défendre contre celles et ceux qui veulent agir en dehors des limites de la liberté, limites posées en tout par nos valeurs, la propriété privée, la famille, la police.

 

Ce manifeste ne dit rien de nouveau. ChacunE écrit son manifeste contre la Culture en refusant de se résigner à obéir, en refusant de se justifier et prendre seulement ce qu’on veut bien lui donner.

Ma révolte est contagieuse seulement hors de la Culture. Autrement elle devient un discours qui n’a que le mérite d’exister en lui-même et n’apporte pas de perspectives de changements.
 

4
A 20 ans j’ai fui ma Culture de l’ennui et du quotidien en partant loin de ma famille faire ma vie avec peu d’argent et des rêves.
Je rêvais d’une carrière artistique, de succès, d’être présent au niveau national et international au même titre que d’autres artistes qui font les tendances.

Je voulais passer à la télé, donner des interviews dans les magazines.

Je rêvais d’être une star de la Culture.

Je rêvais de trouver la femme de ma vie, une artiste, de faire un beau mariage, d’avoir des enfants.

En partant de chez moi je fuyais une partie de la Culture trop oppressante au quotidien, mais j’emportais trop de rêves qu’elle avait fabriqué en moi pour en être encore tout à fait séparé.

 

Trop de rêves à abandonner.

 

Mon sexe ma sexualité :

Peut-être le pire de ce que j’ai fui : mon éducation sexuelle protestante, la morale chrétienne.

On a intégré en moi qui étais si seul le rêve d’une deuxième partie de moi-même qui m’était réservée, hors de moi.

On a intégré en moi des pensées pures et impures, comme un cyborg dépossédé d’une partie de lui, virtuelle, et éduqué dans l’attente de retrouvailles ; la séparation des désirs en un domaine des fantasmes, péchés, et de l’idéal pur de l’âme sœur.

 

On a construit ma sexualité, on l’a atrophiée, et bien sûr comme j’étais un garçon on m’a appris à avoir peur des femmes, vierges ou salopes, toujours prêtes à faire naître le péché si je n’étais pas déjà moi-même plein du désir corrupteur.

Et je l’étais.

 

Mais jusqu’à 23 ans je n’avais pas de rapports sexuels avec d’autres personnes.

Et je n’ai pas commencé tout de suite par la pénétration avec mon sexe comme on l’apprend classiquement aux autres cyborgs.

 

J’aime bien lécher des parties du corps, la nuque, les chevilles, les cuisses, les doigts.

J’aime bien qu’on me griffe le dos et les fesses, et qu’on me mette un doigt dans le cul, ou autre chose.

Maintenant je ne sépare plus mes désirs et ce que j’aime de ma vie sexuelle.

 

Arrivé à Paris à 20 ans, je ne voulais pas travailler.

Je n’aime pas le travail et les patrons.

J’ai vécu dans des squats, et j’y suis toujours, parce que je ne supporte plus les contraintes de cette Culture qui accepte que l’espace et le logement soient des produits avec une valeur marchande.

ça me vaut d’être régulièrement confronté à elle, la Culture, un ensemble plus grand et plus fort, écrasant, qui veut me faire taire et m’enfermer dans un coin.

Les intimidations de la police, des magistrats, des propriétaires, des voisinEs, c’est la Culture.

 

La Culture c’est siffler les femmes, et taper les pédés.

La Culture c’est aussi être gouine ou pédé ou avoir des amis pédés et gouines, et aimer la Culture, l’intégrer.

 

J’ai abandonné tellement de rêves.

 

Des bibliothèques entières de ma vie en feu.

 

5

On m’entend dans toutes les chambres d’un hôpital

Je suis passé en millions de couleurs

De mon lit je vois les toits de la capitale

Je suis dans la conscience collective, mon état de conscience fait partie du bien commun, mon état commun est un bien collectif.

Je laisse une marque dans l’histoire, je marque l’histoire de ma vie, ma vie est l’histoire d’une réalité affectée à l’Histoire.

Je vole, je passe les ondes, je suis dans les mémoires, dans tous les relais.

Rêves de Lumières.

 

Cassés, les rêves de faire partie du système, de voir son disque, son livre, son objet dans les rayons de la cité marchande, de voir sa gueule en 4 mètres par 3 dans la rue, de prétendre à l’éternité, à l’histoire, à la Culture.

La musique fait voyager sans se déplacer. Les sons font rêver ; la musique c’est du rêve pur, qui n’est pas en soi propice à l’aliénation ou à la diversion des problèmes d’oppressions et d’exploitations bien réels. Mais volés et appropriés, traduits en des langages simplifiés, puis distribués par catalogue, les rêves que provoque la musique servent la culture.

 

La Culture est un ensemble de valeurs que je me prends dans la gueule trop souvent.

C’est une panoplie de rêves tous semblables, une panoplie d’options fantaisistes à acheter entre des milliards d’interdits.

 

La musique circule.

Elle ne doit pas être vendue.

Elle doit rester fluide et circuler sans barrières, parce que le rêve référencé et commercialisé c’est de la putréfaction à s’injecter dans le cerveau.

Un prix c’est une barrière. Un copyright c’est une barrière.

 

D’où le Don A l’Etalage (et les autres pratiques de piratages du système marchand) qui consiste à insérer des supports gratuits dans les rayons de marchandises.

D’où le fait aussi de ne pas « vivre de son Art » pour pouvoir dire non à la Culture sans risquer de se retrouver crève-la-dalle ou à la rue parce qu’elle me fait vivre, me maintient dans une spécialité d’artiste, m’empêche de changer le monde.

 

-T’aimes la Culture babouin ?

Pour moi la féminité c’est changer de slip tous les jours.

-Sans blagues ? Moi je ne lave mon linge qu’avec la lessive Bégère !

[applaudissements, tombé de rideau, la foule se disperse]

 

La Culture dans les grandes bibliothèques, dans les patrimoines conservés pour les générations futures c’est comme des parts de vie conservées par une machine gigantesque, à l’échelle d’un monde.

Les générations futures ne verront pas le changement, enfermées dans la Culture. 

 

La Culture est intégrée dans l’éducation des citoyennEs, elle transpire de partout quand ça pue la peur.

La Culture te fait payer la misère quand tu regardes les nuages par les fenêtres de la classe.

 

La France sera toujours un pays avec des frontières et des étrangerEs. Et des centres de rétention pour y enfermer les étrangerEs .

 

La Culture traite les étrangerEs aux frontières comme de la merde.

La Culture t’ordonne de te justifier tout le temps. Tu es citoyennE ou tu es contre la Culture.

La Culture selon la Loi, la loi de la République c’est l’humiliation et la punition.

 

Avec deux parents nés à l’étranger la Culture française redevient un vrai projet raciste dès lors qu’il faut refaire une carte d’identité.

 

Ma chance c’est d’être un garçon et d’avoir des papiers qui disent que je suis français ; je suis blanc.

Je peux marcher tranquillement là où les femmes se font siffler, les jeunes soupçonner, les peaux mâtes contrôler ou embarquer.

 

 

J’ai joué les morts-nés

Avec l’air français

Le néant épais

Pour mieux être fiché

Les lois, les contrats, les prix, les clichés,

La vie des forçats

Au format télé.

 

La France j’devrais lui dire merci pour quoi ?

Quelles richesses ?

 

Dès ma naissance elle m’a tenu à la gorge pour que je crache de la productivité, me prenant par le col, une lame sous la gorge, elle m’a bien dit :

-Maintenant que t’es là, tu appartiens à quelqu’un. Tu es bien sûr la propriété de l’Etat français.

Souviens-toi toujours de ça, tu ne feras pas ce que tu veux sans en demander la permission.

Même des choses insignifiantes ou nécessaires te seront interdites, sans que tu aies ton mot à dire.

 

C’est comme ça.

 

En échange de ta participation forcée tu auras les mêmes droits que les autres, des miettes du rêve de liberté que la dictature démocratique entretient.

Tu auras droit au bonheur, le même que les autres.

Ca veut dire qu’il faudra payer comme les autres.

Suivant ta couleur de peau, ton sexe biologique et tes revenus tu en baveras plus ou moins, mais tu auras droit aux mêmes rêves que tout le monde.

 

On te fera chier comme tout le monde avec des systèmes de papiers et d’autorisations invraisemblables pour tout et n’importe quoi, tu comprendras vite quelles faiblesses combler quand notre système de justification raciste, sexiste, hétéroflic humiliant t’ aura bien à l’œil.

 

Ça commence maintenant.

 

Franchement c’est trop de bonheur la France youhou c’est le pays de la culture alors pourquoi tu pleures avec des serre-flex autour des poignets ? ça te serre trop ?

T’as la honte ou quoi ?

T’aimes pas les uniformes bleus qui te maintiennent au sol ?

 

On te demande pas ton avis.

 

Tu crois que tu vas changer quelque chose en mettant un bulletin de vote dans une urne ?

Très bien, tu nous simplifies la tâche.

Tu vois ATTAC et compagnie, les citoyennistes, ils assoient encore au sein de la contestation l’incontestabilité de ta participation forcée à notre système de voleurs de terres et de chair fraîche.

Pour que tout passe encore par nous, même avec ambiguïté, nous avons besoin que l’on dise encore que notre rôle n’est pas contestable, comme la police a besoin qu’on l’aime.

 

Citoyen c’est ton identité inaliénable au sein du jeu dont  tu ne définis pas les règles.

Qu’elles soient inadaptées ou injustes ne changera rien au fait que tu profites des richesses de la France de force.

Si tu craches dans la soupe la société toute entière t’en voudra et te le fera payer.

Tu connais la prison ?

 

La France ce pays de merde qui pue la tristesse moribonde d’un ennui de ville en ville.

 

Me parlez plus de la Culture.

 

J’avais 13 ans et j’étais à une boum.

 

La Culture c’est travailler, fumer et consommer de la Culture.

 

La Culture faute de moyens.

 

6

La vie de la jeune personne qui travaille dans un magasin bio :

Ses amiEs viennent la voir le soir à cinq heures quand elle dégivre les frigos.

Puis elle rentre dans son appartement où elle vit seule.

Elle prend à manger dans le frigo et elle allume la télé.

 

Il n’y a pas d’autres êtres vivants.

Tout a été préparé pour qu’elle se retrouve seule.

 

Elle reçoit le chèque de son patron chaque mois, elle le dépense de la même façon chaque fois, pas de changements en vue.

 

Au mieux un autre travail, un meilleur salaire, un chien, unE copinE, une belle voiture, de la défonce, Nouvel An à Barcelone.

Des aménagements déjà planifiés dans un grand projet dessiné par des architectes hors d’âge, des gigantesques mécanismes apparemment impossibles à enrayer tout seul.

 

Avec le temps, dans cette Culture, on trace sa route entre les résidences standing pour classe moyenne, le taudis, ou la prison.

 

Les créateurs de noël ont aussi inventé la machine à faire des boules de glace carrées, les lunettes chauffantes, les écrans plats.

Brûle tout.

 

La Culture faute de goûts.

 

La Culture n’est pas très loin de Carrefour et de Leclerc.

A Lille en 2004 on voit bien qui profite de la Culture.

Pas un mot sur les sponsors, taisons-nous.

 

La Culture en baillon.

 

Nous voulons du spectacle disent les intermittents.

 

 « Chère consommatrice, cher consommateur,

J’ai le plaisir de vous remettre une grande enquête sur la         consommation des foyers.

 

Elle est parrainée par les plus grandes marques qui avant de concevoir les nouveautés qui seront demain dans vos magasins, souhaitent connaître votre appréciation personnelle sur les marques et les produits que vous achetez aujourd’hui.

 

Coopérer à cette enquête, c’est donc pour vous et votre famille une occasion unique d’influencer directement la qualité des produits et des services que vous achetez aujourd’hui.

 

Coopérer à cette enquête, c’est donc pour vous et votre famille une occasion unique d’influencer directement la qualité des produits  et des services les plus courants proposés à la consommation.

 

Et pour vous remercier de bien vouloir y répondre vous pouvez recevoir une série d’échantillons gratuits et d’offres spéciales de vos marques préférées.

 

Vos remarques vont permettre aux industriels comme aux distributeurs d’améliorer leurs produits et leurs services.

Votre avis va vraiment être pris en compte et avoir une ré          elle influence. »

 

Le citoyennisme c’est une adhésion réciproque j’veux dire,

Le citoyennisme c’est une adhésion réciproque j’veux dire,

Le citoyennisme c’est une adhésion réciproque j’veux dire,

Le citoyennisme c’est une adhésion réciproque j’veux dire,

Le citoyennisme c’est une adhésion réciproque j’veux dire,

Le citoyennisme c’est une adhésion réciproque j’veux dire,

Le citoyennisme c’est une adhésion réciproque j’veux dire,

Le citoyennisme c’est une adhésion réciproque j’veux dire…

 

Faut qu’j’me drogue sinon j’saigne,

Faut qu’j’inonde à chaque étage,

de mon pouls hologramme

(vois les pixels ils ne font pas de cadeaux

j’regarde mes pores s’resserer comme des étaux)

j’attends la prochaine…

 

On est en train de te perdre lecteur !

-électrochoc-

Echo Beta Charli Tango…

La Mort-mouvance n’est pas un fait.

Elle est démentie par les plus hautes autorités.

 

Les théories sur la putréfaction des formes institutionnelles et artistiques qui affecterait le corps humain ne sont que des rumeurs.

 

Je veux être un avorton de la Culture.

 

Das ist mein leben, c’est ma vie.

C’est ma vie.

 

A suivre…

BABYBRUL et FUZZKHAN, stars dans la galaxie M51

Ecrit par Cercamon, à 22:43 dans la rubrique "Culture".



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