Joueb.com
Envie de créer un weblog ?
Soutenez le Secours populaire
ViaBloga
Le nec plus ultra pour créer un site web.
Débarrassez vous de cette publicité : participez ! :O)

L'En Dehors


Quotidien anarchiste individualiste





Crée le 18 mai 2002

Pour nous contacter : endehors(a)no-log.org



D'où venons-nous ?


Nos références
( archives par thèmes )


Vous pouvez nous soutenir en commandant nos brochures :

Les éditions de L'En Dehors



Index des rubriques

Les collaborateurs et collaboratrices de l'En Dehors

Liens

A noter

Recherche

Archive : tous les articles

Session
Nom d'utilisateur
Mot de passe

Mot de passe oublié ?

Mais quelle supposée faiblesse ?
Un mouvement en ruine, ou, pire, autoréférentiel, fermé, partitique, autoritaire. Voilà quelques unes des définitions que Francesco Codello dans son "Une supposée faiblesse" donne du mouvement anarchiste.
Une condamnation sans appel. Curieusement, si je puis me permettre, prononcée sur un journal comme A, dont l'histoire et le présent ont été et demeurent au sein de ce maudit mouvement anarchiste. Mais je suppose que dans le dispositif de Codello un journal n'est pas un lieu d'action, fusse-t-elle de communication, mais une sorte de musée sur les parois duquel on expose les oeuvres, elles bien vivantes et vitales, de la pensée anarchiste.
Certes. Et nous sommes ici au centre à partir duquel se déploie son argumentaire : si d'un coté il y a un mouvement dont l'unique fonction semblerait être celle de gêner la compréhension et la diffusion des idées anarchistes, de l'autre ces idées jouiraient de façon autonomes d'une excellente santé.

Voici ses paroles : "L'histoire des idées anarchistes ne coïncide pas avec l'histoire de l'anarchisme. Heureusement la pensée ne se reflète pas dans le mouvement. Ce fait, cette qualité j'aurais envie de dire, fait que l'anarchie ne dépend pas exclusivement du mouvement anarchiste." Une épitaphe sévère pour une pierre tombale posée avec une féroce suffisance.
Codello réduit d'un coup l'anarchisme à une idée normative, un noumène kantien, un principe abstrait. Et même heureusement abstrait. Abstrait par rapport à ce mouvement dont la logique "peut en fait constituer, par certains de ses aspects de fermeture et d'autoréférentialité, un frein à la compréhension des idées anarchistes."
Il y a les idées (bonnes) et le mouvement anarchiste (mauvais).
Les premières sont si bonnes qu'elles ont un histoire qui se déploie malgré le mouvement anarchiste, et le second est si mauvais qu'il n'est même pas capable de bloquer le développement autonome d'idées que sinon personne ne comprendrait.
La nature délicieusement idéaliste d'un tel dispositif est évidente.

Mouvement fermé et autoréférentiel ?

Peut-être est-ce une de mes limites, mais j'ai le plus grand mal à puiser dans des idées qui ne soient pas corps et âme, projet et pratique, tension et solide expérimentation dans les vies concrètes des hommes et des femmes, des idées qui s'échappent, qui vivent de façon autonome pour pouvoir s'incarner de façon occulte dans des mouvements et des styles de vie qui se développent en dehors des marais putrides du mouvement anarchiste. L'histoire, même récente, nous donne des exemples de la tentative de greffer les idées anarchistes en dehors du mouvement. Tentatives qui ont pitoyablement échoué, car les idées, séparées d'un projet politique visant à les réaliser, ne s'enracinent pas, ou deviennent tout au plus des fleurs à la boutonnière de gens qui se fixent des objectifs bien différents.
Il y a des années, aux temps de la politique idéologique, des partis de masse et du pentaparti, un certain Bettino Craxi, qui acquit ensuite de la notoriété pour d'autres raisons, compris que la dépendance culturelle de son parti, le PSI (Parti Socialiste Italien. ndt) , à l'égard de l'encombrant PCI, était désormais obsolète, inadaptée aux ambitions de pouvoir de qui savait être l'aiguille de la balance pour la constitution d'un gouvernement quelconque.
Notre Bettino national ne trouva rien de mieux que de confier à un intellectuel de toutes les cours comme Luciano Pellicani la tâche de ravaler l'image de son parti.
Pellicani sorti de son chapeau le vieux Proudhon, l'autre tradition, la perdante, l'oubliée, l'enterrée, la vilipendée. On sait comment tout cela se termina. Et le pire ce ne sont pas les sables luxueux de Hammamet (Lieu d'exil de Craxi. Ndt) mais les dix années qui ont préparé le terrain, culturellement et politiquement, au berlusconisme. Mais voilà une histoire de laquelle notre bon Codello, qui la connait pourtant bien, semble n'avoir tiré aucun enseignement.
Les idées anarchistes sont comme les plantes : elles ont besoin de terre et d'eau et de soleil pour prendre racine et pousser, elles ont besoin de la terre de l'eau et du soleil du mouvement anarchiste, c'est à dire de ces hommes et de ces femmes qui de cette farine veulent faire du bon pain. Ceux qui estiment que le mouvement a des limites font bien de les signaler, mais il ne peut pas penser que pour dépasser ces limites il faille jeter le bébé avec l'eau du bain, car on finit par se retrouver avec une bassine vide dans les mains.
Après la fin du marxisme l'envie de puiser à l'anarchisme pour construire des parcours de libération a grandi et cela est certainement à l'origine de la renaissance que notre mouvement, dans toutes ses composantes, a connue dans les 10 ou 15 dernières années. Il s'est produit aussi que les post-autonomes, orphelins du communisme, ont tenté une opération similaire à celle effectuée par Craxi une décennie plus tôt, tentant de s'autoproclamer comme les héritiers les plus authentiques de la pensée anarchiste. La faillite évidente de cette tentative aussi, empêtrée dans la vase d'une pratique intrinsèquement autoritaire et réformiste, démontre que l'on ne peut pas prétendre à l'anarchie si l’on n’est pas anarchiste, sans être mouvement anarchiste. En général beaucoup de mouvements à caractère émancipateur ont des tensions et des modalités organisationnelles d'empreinte anarchiste, on ne peut l’ignorer, mais le souffle libertaire tend à s'épuiser avec le temps qui passe. Quand les mouvements passent de la phase naissante, caractérisée par une large participation spontanée qui les préserve de l'émergence de directions autoritaires de type bureaucratique ou charismatique, au nom de l'efficacité et de la continuité s'affirment alors des modalités d'organisation et des contenus politiques d'empreinte respectivement neo-democrate et réformiste. L'étape qui suit habituellement est celle de l'épuisement du mouvement qui s'accompagne parfois de l'institutionnalisation définitive du noyau politique résiduel.
Le seul antidote que je connaisse qui permette aux mouvements de dépasser le stade naissant tout en maintenant, y compris dans le repli physiologique qui succède au moment initial, une forme libertaire, est la présence d'individus et de groupes qui aient la liberté dans leur ADN politique. Je parle évidemment des anarchistes. Les seuls qui, juste pour donner un exemple, estiment que l'efficacité et la continuité peuvent et doivent se trouver à travers une organisation de type libertaire. L'organisation comme instrument pour potentialiser et non éluder la liberté est une des expérimentations les plus réussies du mouvement anarchiste.
Ce mouvement, que Francesco Codello rejette rapidement comme fermé et autoréférentiel.
Il suggère que nous renoncions au prosélytisme comme une condition de la compréhensibilité de nos propres options théoriques. Une affirmation des plus obscures puisque la logique de l'avant et de l'après tend à suggérer que quelqu'un doit d'abord comprendre une idée pour ensuite, si cette personne décide de la faire sienne, s'engager concrètement dans un mouvement.
Notre ami est tellement convaincu de l'immédiate efficacité des ses propres arguments, qu'il n'estime pas nécessaire de devoir apporter des preuves. Comme le disait une vieille publicité : la parole suffit ! Il convient de rappeler les termes employés pour démontrer que le mouvement anarchiste rend impossible la compréhension des idées car "la présomption arrogante, la foi messianique et l'ostentation exhibitionniste de sa propre vérité supposée. La diversité même, valeur à laquelle on ne saurait renoncer, devient violence lorsqu'elle a comme présupposé le dogmatisme de la pensée qui tend à éloigner les sensibilités les plus sincères et profondes.".

Amen, serions-nous tentés de dire... dommage que cela ne soit pas une messe !

Ses limites sont certainement nombreuses, mais celle d'une affirmation dogmatique d'une vérité présumée et d'une fois messianique me semble être la moins présente parmi les anarchistes. Le concept même de "vérité" se heurte à la praxis d'un mouvement ou l'attitude critique est vive envers toute description du monde prétendant à la dimension de l'authenticité. Le relativisme gnoséologique comme pré-condtion de l'universalisme éthique est un élément cardinal, commun à presque toutes les tendances historiques et actuelles. Comment pourrait se concilier la tension vers une organisation sociale libre et libertaire avec une quelconque représentation du monde qui se prétendrait vraie ? Vérité et autoritarisme marchent la main dans la main : à chaque fois que quelqu'un se prétend dépositaire de la vérité il cherche à l'imposer à sa façon, car la vérité se fait principe politique, éthique, social, et se mettent côte à côte du vrai le bon, le juste et, souvent aussi, le beau.
Quant au messianisme, j'imagine qu'il est inutile de rappeler que l'anarchisme dans ses diverses composantes est intrinsèquement étranger à une quelconque philosophie de l'histoire, à une quelconque envie de palingenèse universelle. Pour les anarchistes la rupture révolutionnaire est la condition de l'ouverture des possibilités d'un monde de libres et d'égaux, mais l'événement ouvre la porte et ne constitue pas l'édifice, tout comme il n'indique pas de quel édifice il s'agit.

Inévitablement autoritaires ?

Poursuivons. Elle est vraiment grossière cette division entre qui, dans le mouvement anarchiste, a prétendu s'annuler dans les mouvements (l'anarchisme allemand) et qui au contraire a prétendu les surdéterminer (anarchisme espagnol de la FAI et de la CNT). Codello déclare que le mouvement allemand n'a jamais existé mais il ignore apparemment que le FAUD (syndicat anarcho-syndicaliste) à compté jusqu'à 200 000 membres : pas mal pour un mouvement (presque) inexistant ! Quant à la CNT espagnole le doute ne l'effleure même pas que plutôt que de s'être superposée aux mouvements, elle en ait été elle-même le coeur qui bat. Dans le schéma de Codello il y a d'un coté le mouvement spécifique, en équilibre entre avortement et malade au stade terminal, et de l’autre les mouvements, vivants, vitaux, vivaces, anarchistes naturels, anarchistes sans le mouvement anarchiste ou, mieux encore, anarchistes malgré le mouvement anarchiste.
Un mouvement intrinsèquement autoritaire car il prétend bâtir des projets, se donner des formes d'organisation (libertaires et non hiérarchiques, s'il vous plait), un mouvement qui veut , arrogance invraisemblable, exister comme tel, jouer la carte de la politique sur le terrain miné mais inévitable qui est celui de la politique.
Une scène publique sur laquelle l'on ne pourrait exister car l'acte même de constituer un groupe anarchiste est avant-coureur de développement autoritaires, reproposant l'opposition entre "théorie et praxis".
Toutefois Codello ne théorise pas une dissolution des formes actuelles du mouvement dans les multiplicités des mouvements, mais une corroboration et un renforcement de l'idée et de l'identité anarchiste dans quelque chose qui ne serait pas un mouvement car elle serait communauté, une communauté qui se reconnaît dans la praxis mais qui ne serait pas un projet politique, que l'on élimine comme intrinsèquement autoritaire.
En affirmant l'échec des tentatives de synthèse unique de la pensée anarchiste (qui, quand ?), notre ami affirme que :
"Il ne peut y avoir de synthèse mais seulement un développement dialogique entre révolution et conservation, entre relativisme et universalisme, entre progression et résistance, entre autorité et liberté." L'Histoire n'a pas d'épilogue mais vit dans la tension continuelle entre le bien et le mal. Dans cette partie de son texte, Codello arrive triomphalement au zoroastrisme ? Je ne crois pas. Comme cela est souvent le cas, l'explication est plus banale et peut se résumer en une recette avec peu d'ingrédients savamment mélangés.


Voyons lesquels. Avant tout le maudit mouvement anarchiste, qui est autoritaire uniquement car il prétend
exister et avoir une identité forte, qui est réservée dans l'ontologie codelienne uniquement à la communauté (a-organique ?) des anarchistes. Mais non seulement cela : ce mouvement a l'idée étrange de vouloir agir pour changer radicalement une base sociale injuste et autoritaire et, donc, se mouvant dans le terrain aride de la politique, en prenant parti, il retombe à nouveau dans l'autoritarisme, il est traversé de tensions messianiques et, par conséquent, désireux de "construire le meilleur des mondes possibles". Ces éléments, en partie présents dans une certaine vulgate dixneuvièmiste du mouvement, sont ainsi rapidement privés d'un quelconque appeal (en anglais dans le texte.ndt). Il suffit de penser à l'anxiété du projet de base chez Malatesta, à son obstination à soutenir que l'événement révolutionnaire, la rupture de l'ordre, n'est rien si elle est coupée de la capacité à concevoir et construire une base sociale libertaire.

Entre liberté et autorité

Une fois évacué l'encombrant fardeau du mouvement anarchiste et sa prétention à faire la révolution, Codello peut enfin placer l'anarchisme dans un jeu de tir à la corde, irrésolu et irrésoluble (sous peine de fin de l'autoritarisme) entre liberté et autorité. La praxis anarchiste tire d'un coté, rendant ainsi le monde meilleur, consciente de devoir supporter les inévitables contrecoups. C'est le dialogue, la logique de la traversée, du maintient de la tension insoluble entre les opposés. Ou en d'autres termes la renonciation, au nom de l'anarchie, à l'anarchie, à celle qu'un autre théoricien de la séparation et de l'opposition entre anarchisme et mouvement anarchiste, a défini une idée exagérée de la liberté. Trop exagérée pour un palais raffiné comme celui de Codello, tellement exagérée que pour en nier le charme, la tension du projet, et jusqu'à l'histoire, il ne trouve rien de mieux que le renverser dans son opposé.
Une opération qui est sans fondement historique et théoriquement faible, très faible, si faible que bien qu'en insistant à foison sur la nécessité d'une identité forte, il ne faut que reproposer la technique de toutes les pensées faibles : la dissolution du sujet.

On a spontanément envie de se demander comment la communauté qui expérimente l'anarchie se détermine par rapport au pouvoir politique. Et le pouvoir, si personne ne se donne la peine de l'éliminer, jouira certainement d'une bonne santé, gênant ses propres sujets. Qui sait pourquoi le terrain de la politique ne pourrait pas lui-même devenir terrain d'expérimentation, lieu de recherche de la synthèse, à savoir de la médiation entre égaux aux options différentes ? Le terrain sur lequel les anarchistes et tous ceux qui, ne serait-ce que le temps d'une lutte, se reconnaissent comme maîtres de leur propre destin, tentent de vivre un rapport d'association sans hiérarchies, fédéraliste et égalitaire.
Dans la concrétude de la vie le dialogue entre les opposés mène, nécessairement, à l'affirmation du plus fort et non à l'impasse libertaire imaginée par qui croit ne pas se salir les mains avec la lutte, avec les différences qui ne sont pas toujours positives, avec qui tue, opprime, discrimine, exploite, massacre. Avec ce monde. Un monde fait de chair et de sang, pas le pays enchanté des contes d'enfant. Un monde ou prendre parti, être partisan, est une nécessité, pas une honte.
L'argumentaire de Codello se perd là justement ou il voulait s'ancrer : l'hypothèse d'un mouvement faible pour donner vie à des idées fortes, le rêve de la l'envahissement libertaire se dilue dans l'acte même d'être "énoncé", une énonciation qui dit clairement que cette pensée "forte" "s'incarne" au delà de l'histoire et de la mémoire et (surtout) du présent actif des anarchistes, en de l'"autre". Un autre qui, pour se maintenir pur, s'abstient de gêner qui, chaque jour, prétend décider pour nous. Son nom est l'Etat et nous, que cela plaise ou non à Francesco Codello, nous existons pour piétiner les rois et les tyrans. L'expression est désuète ? Indubitablement. Il me plairait, un jour, que qui habite ce monde doive l'étudier à l'école comme souvenir d'un "infâme passé".Pourquoi donc se contenter de moins, de "réalités faibles", lorsque l'on peut avoir mieux ? Formule garantie ? Attente messianique ? Non. Seulement conscience que ce monde est à notre image et qu'il ne dépend que de nous d'en refléter une autre. Si dieu n'existe pas, tout est possible. L’anarchie aussi.

Maria Matteo

Traduction Rokakpuos

Texte original en italien paru dans l'espace débat du numéro 311 de A Rivista Anarchica d'octobre 2005
http://www.anarca-bolo.ch/a-rivista/311/52.htm

Le texte de Francesco Codello auquel répond Maria Matteo, se trouve ici :
http://endehors.org/news/9058.shtml
http://endehors.org/news/9058.shtml
Ecrit par rokakpuos, à 08:39 dans la rubrique "Pour comprendre".



Modèle de mise en page par Milouse - Version  XML   atom