Lu sur indymedia
Quand les dépêches tombent pour enterrer un mouvement qui s'y refuse. Une matinée de dépêches commentées (plus des liens...)
Le CPE est mort, vive l'insertion forcée et les boulots de merde !
Toutes les organisations syndicales et politiques de gôche se félicitent de la mort du CPE…
Celleux qui ne se battent pas que pour ça -et illes sont les plus
nombreux-ses - se prennent cette « victoire » dans la gueule comme la
pire chose qui pouvait arriver…
La Fage, et la Confédération étudiante, ces organisations de
mou-molle-s qui viennent de remporter des sièges au Crous après le
boycott des élections en appellent à la fin des blocages…
Bref le retour à la normale s'organise et il n'est pas loin le moment
où seront stigmatisés les « jusqu'au-boutistes » dans tous les médias :
c'est le résultat de la stratégie du je vous envoie un gros paquet de
merde dans la gueule, pour ne reculer que sur un point après la
mobilisation…
Voici le boulot d'un long après-midi à partir de dépêches et de quelques articles...
Une brève de ce matin évoque les dispositifs « déjà existants, qui
seront renforcés » pour l'emploi des jeunes, extraits (en lien des
descriptifs de ces contrats de merde trouvé sur le web) :
« Cette proposition de loi de deux articles remplacera le CPE par un
ensemble de dispositifs d'insertion professionnelle des jeunes déjà
existants, qui seront renforcés, dont le CIVIS (contrat d'insertion
dans la vie sociale) , le contrat de professionnalisation, le contrat
jeune en entreprise, ainsi que des "stages renforcés dans les
disciplines, les métiers en tension, là où il manque de la
main-d'oeuvre", a ajouté le chef de file des députés UMP Bernard
Accoyer. Il a précisé qu'"un référent accompagnera ces jeunes" dans
leur parcours professionnel. »
En bref, c'est le paternalisme qui prévaut et les sous-emplois pour ces
jeunes qu'il s'agit, comme toujours, d'aider à s'intégrer à ce monde du
travail de merde et ce par le bas de l'échelle.
Ces dispositifs visent avant tout à occuper…et à terme à culpabiliser
celleux qui n'ont pas de projet professionnel, qui n'arrivent pas à
rester à un poste qu'illes ne veulent pas, sous le joug de patrons qui
avant tout espèrent tirer le plus possible de subventions. « T'as un
boulot, t'as de quoi être content, alors ferme ta gueule », tel est et
tel sera le mot d'ordre…
Toujours faire ses preuves, montrer patte blanche même dans les «
métiers en tension » à savoir le bâtiment ou la restauration où règnent
la plus féroce exploitation... Le « référent » devra bien sûr se
rejouir de voir une vie d'exploitation commencer sur le bon pied
"Nous remplaçons un dispositif qui a été incompris par un dispositif
plus ciblé" sur "les jeunes les plus en difficulté", a souligné M.
Accoyer. »
Le CPE, un problème de com', c'est ce que n'ont jamais arrêté de dire
les « réformateurs » gouvernementaux ; une opération ratée, donc,
disent-ils, pas une loi qui laissait à l'évidence toute lattitude à
l'exploitation, une loi que tout le monde a compris, très vite… ils ont
pourtant insisté sur la « mondialisation », la Chine, l'Inde et
l'existence de contrats du même type (condition normale d'exploitation)
dans les pays anglo-saxons… Ils ont traité les manifestants de «
conservateurs », d' « égoïstes », de petits bourgeois avec pour
perspective ultime de devenir fonctionnaires…Ils n'ont pas compris que
si beaucoup voulaient devenir fonctionnaires, c'était pour échapper à
la logique du marché, à l'emprise du travail sur la vie…
Se protéger d'une sale vie est certes une attitude défensive, mais elle
signale une ouverture à d'autres possibles peut-être hors du salariat
et de sa tutelle, contre le capitalisme, ses valeurs et ses évidences…
Autre dépêche, autre extrait « Dominique de Villepin a en effet proposé
lundi matin aux partenaires sociaux d'engager "une discussion sans a
priori" sur la sécurisation des parcours professionnels, la précarité
et l'insertion des jeunes dans l'emploi.
Suite à ces discussions, il n'est pas exclu que, "dans un deuxième
temps, le Parlement soit appelé (...) à légiférer", "si telle est la
volonté du gouvernement", a ajouté M. Accoyer, sans plus de précisions.
Mais "le dialogue social doit d'abord se faire", a-t-il temporisé. »
Pif, paf, pouf, ça on va se le prendre en pleine gueule, les syndicats
voient le gouvernement reculer, ils veulent faire avancer leurs billes
et peu importe que cela se fasse contre nous, ils nous représentent,
non ?
La « sécurisation des parcours professionnels » va sûrement faire
plaisir à la CGT qui prône une telle mesure depuis longtemps au niveau
européen par le biais du b CES (instance de dialogue regroupant des
têtes « expertes » syndicales européennes et des représentants des
syndicats patronaux…). Son but : faire qu'il n'y ait plus de chômage,
en obligeant celui qui perd son emploi à trouver et faire une
formation… La logique est donc, au nom de l'emploi à tout prix, de
pousser chaque salarié à s'adapter, s'adapter encore et toujours à ce
monde - faute bien sûr de pouvoir le changer. L' « insertion
professionnelle des jeunes ».
Comme le CPE est retiré, l'Unef risque de se dire prête à négociervoir
dépêche vu qu'elle se sent bien sûr représentative des aspirations de
la jeunesse… Bien sûr, « le syndicat leader de la contestation »
appelle à « maintenir la pression » et Julliard de préciser « qu'il
[appartiendra] « aux Assemblées générales dans les universités de
décider la poursuite ou non de la mobilisation sur d'autres
revendications et peut-être sous d'autres formes ». »
Nous ne sommes pas dupes : après n'avoir porté que ses forces -
médiatiques -- sur le CPE, l'Unef et le porte-parole autoproclamé du
mouvement, Julliard, ne va pas poursuivre la lutte en mettant en
lumière les remises en cause les plus radicales effectuées par le
mouvement.
Partout, l'Unef a été débordé une fois la mobilisation amorcée…et ce
n'est pas l'Unef qui lui a permis de tenir mais les discussions, les
réflexions sur les vrais motifs de la mobilisation qui ont fait sa
force et sa détermination. Julliard dans la même dépêche affirme que «
"d'autres questions ont été soulevées pendant la mobilisation" et "ne
sont pas réglées alors qu'elles sont importantes".Il a cité "la loi sur
l'Egalité des chances", "le CNE" ou "l'insertion professionnelle des
jeunes" ».
Bref que les mesures conjoncturelles liées au travail, rien sur la loi
CESEDA, le flicage des gamins dès trois ans, le salariat, le
capitalisme et son idéologie, la critique des médias, de la société
industrielle et de la croissance.
Pas de remise en cause profonde... ?
Villepin dans une autre dépêche « a insisté sur les "objectifs au coeur
de l'action gouvernementale au cours des prochains mois" : "donner à
chacun sa place, créer des emplois, créer de la croissance", "préserver
notre modèle social en l'adaptant". "Notre responsabilité, c'est de
préparer l'avenir de notre pays. ». Croissance, emploi…gauche et droite
s'accordent à coup sûr la-dessus et c'est là que l'on voit où mènent
les revendications des organisations et syndicats gauchistes : à ne
remettre en cause ni le salariat, ni la croissance au nom du réalisme,
de la « crédibilité » et des « envies des français »…on perd le fond du
problème. Merci à vous !
Soit dit en passant, le village autogéré sur la place du parlement de
Rennes s'est fait expulsé ce matin ; là-bas, cela fait deux semaines
que le mot CPE a été banni après plus de deux mois de blocage…
Quant au PS, qui n'a contrôlé rien du tout et exigeait déjà il y a deux
semaines par la voix de Strauss-Khan et de Hollande, la « fin d'une
situation dangereuse », il se frotte aujourd'hui les mains (voir la
dépêche de ce matin) et se félicite du « travail pédagogique [des
députés socialistes] tout au long de ce processus a permis une prise de
conscience des Français sur les dangers du CPE ». Comme si les gentes
avaient eu besoin du PS pour comprendre… C'est toute la classe
politique qui est décrédibilisée, à bout de souffle aujourd'hui…Mais ça
ils ne le diront pas…
Ségolène Royal, celle qui nous maternera de force s'il le faut, affirme
dans Le Monde une bonne vieille rengaine (qui rappelle Fabius en 1983)
: "Il faut réconcilier la société française avec ses entreprises". Les
entreprises et leurs modernisations successives ont participé à la
destruction des solidarités, à la séparation, l'individualisation,
elles ont cassé des vies, tué dans l'œuf les possibilités de
changement. Qu'on réconcilie une société mortifère avec ses entreprises
salopes, merci Ségolène.
Enfin, l'Express a publié un article nul sur le mouvement. Quelques extraits :
« Qu'y a-t-il de commun entre les anti-CPE qui occupent les facs, les
pro-CPE qui se disent pris en otage, les « anars » qui ont vandalisé
l'Ecole des hautes études en sciences sociales, à Paris, les casseurs,
qui ont déboulé des cités, et les antiblocage qui, malgré leur
hostilité à la mesure Villepin, refusent de louper leurs cours et
s'organisent en collectifs ? Au-delà de leurs divergences tactiques,
politiques ou sociales, ils se ressemblent, ancrés à leurs bandes,
attachés à leurs parents, désespérément accrochés à des diplômes dont,
en grandissant, ils voient la cote s'effondrer »
Bon rigolons un bon coup et signalons cet « ancrés à leurs bandes »,
c'est peut-être pas si faux, car les bandes, une fois liées entre elles
pourraient devenir (certaines le sont déjà) pourraient devenir une
force d'auto-organisation susceptible de contrecarrer les partis et
syndicats aux membres déliés les uns des autres… « attachés à leurs
parents » qu'est-ce que c'est que cette banalité, cette porte ouverte :
quand en 68 les étudiant-e-s et les autres critiquaient le conformisme
de leurs parents…illes n'en restaient pas moins attaché-e-s à eux… «
Désespérément accrochés à des diplômes dont, en grandissant, ils voient
la cote s'effondrer »…Le pire dans les diplômes c'est ce qu'on en fait
: il y a toujours de la place pour devenir un salaud, ça nous le savons
tou-te-s…
Les deux dernières citations montrent bien la manière détournée qu'ont
la plupart des journalistes de montrer le mouvement : celui-ci est
conservateur, les étudiants recherchent avant tout la sécurité…
Mais il y a pire dans cet article :
« …les révoltés de 1968 étaient « offensifs », ceux de 2006 sont «
défensifs ». Ils ne prétendent pas, pour l'instant, changer la société.
Juste y entrer. On leur a promis une place. Ils veulent la prendre.[…]
Les jeunes de 2006 ne critiquent pas la société de consommation ni même
l'université, au contraire. »
Ce constat rappelle la remarque précédente sur le caractère
conservateur (n'est-ce pas ce qui se cache derrière le mot « défensif »
?) du mouvement ; « ils ne prétendent pas, pour l'instant, changer la
société », nous voudrions juste une vie pépére sous le joyeux joug
capitaliste, c'est ça, c'est pour ça que certain-e-s lancent des pavés,
des bouteilles ou des cocktail, en es-tu bien sûr l'ami journaliste ? «
Les jeunes de 2006 ne critiquent pas la société de consommation ni même
l'université ». Pathétique tout simplement, aveuglement volontaire
sûrement…Sûr que l'auteur de cet article n'est pas venu discuter avec
des étudiant-e-s sur les campus ou bien avec la fraction «
représentative », c'est-à-dire « organisée » et élue qui ne représente
qu'elle même
Une dernière citation pour la route :
« Il faudra bien qu'un jour ils se réconcilient avec le réel, avec ce
système dont leurs parents se méfient : 7 Français sur 10 considèrent
que les hommes politiques ne se préoccupent pas de ce qu'ils pensent
(Sofres) et 36% d'entre eux adhèrent à l'économie de marché
(GlobalScan), alors que les Chinois, les Britanniques et les Allemands,
eux, y croient à mort. Qu'ils se réconcilient... ou qu'ils construisent
autre chose. »
Paternalisme, injonction à se « réconcilier avec le réel », comme si le
réel était l'économique, comme si nos vies ne valaient rien face à
ça…Nous nous basons sur nos propres expériences, notre propre vécu pour
dénoncer ce monde, notre avenir vaut bien sa destruction.
Aujourd'hui, alors que les médias déclarent le mouvement fini, nous
devons plus que jamais nous rencontrer, ne pas perdre l'élan et la
puissance qui a fait reculer ce gouvernement. Nous avons su montrer
notre détermination et révéler nos véritables motivations, nous devons
continuer.
N'oublions pas tou-te-s les interpellé-e-s, saoulons les états-majors
politiques et syndicaux pour qu'ils réclament l'amnistie, pour
qu'aucun-e d'entre nous ne garde le goût amère de la prison et d'une
solidarité inexistante.
Nous ne lâcherons rien (ni personne) !
Ecrit par , à 21:01 dans la rubrique "
Actualité".