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Inf'OGM : "Le mercredi 16 avril 2008, malgré une centaine d’amendements déposés et des débats initialement prévus jusqu’à vendredi, le Sénat a adopté, en deuxième lecture, le texte de loi sur les OGM. Les remous de la semaine dernière au sein de l’UMP sur l’amendement 252 ont laissé des traces et la majorité a resserré ses rangs, laissant le moins de place possible au débat. La stratégie a donc porté ses fruits.
Un sous amendement pour unique débat
Après la lecture de l’Assemblée nationale, le rapporteur du texte au Sénat, Jean Bizet, a annoncé qu’il ferait tout pour que le texte redevienne conforme à la version votée par les Sénateurs en première lecture, laissant ainsi entendre que de nombreux amendements seraient déposés. Mais suite à des arbitrages orchestrés par l’Elysée et Matignon (1), la Commission des affaires économiques du Sénat a finalement décidé de ne déposer qu’un sous-amendement à l’article 1er, destiné à "préciser" (2) l’amendement 252. En réalité, il l’annihile purement et simplement.
L’amendement 252 (proposé par le député Chassaigne), adopté de justesse à l’Assemblée nationale, prévoit que "les organismes génétiquement modifiés ne peuvent être cultivés, commercialisés ou utilisés que dans le respect (...) des structures agricoles, des écosystèmes locaux et des filières de production et commerciales qualifiées "sans organismes génétiquement modifiés", et en toute transparence". Cet amendement modifie donc l’équilibre du projet de loi dans ses principes, en établissant une protection du « sans OGM ». Lors de l’examen de cet amendement à l’Assemblée nationale, Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’Etat à l’Ecologie, ne s’est pas fermement opposé à son adoption provoquant la colère de son groupe parlementaire.
Ainsi, pour ne pas aller formellement à l’encontre de cet amendement, déjà trop sujet à tensions, l’UMP a préféré sous-amender le texte, en introduisant une disposition pour le moins floue sur le « sans OGM » : "La définition du sans OGM se comprend nécessairement par référence à la définition communautaire. Dans l’attente d’une telle définition au niveau européen, le seuil de correspondant sera fixé par voie réglementaire, sur avis du Haut conseil des biotechnologies, espèce par espèce". Or, précisons que la législation communautaire ne prévoit à aucun moment et dans aucun texte la définition d’un tel seuil... Ainsi, après avis du Haut conseil, l’administration française aura toute latitude pour définir ces seuils. Ce sous-amendement restreint considérablement, voire annule, la portée de l’amendement 252. En effet, par « sans OGM », les députés de l’opposition entendait "seuil de détectabilité", seuil qu’utilise également la répression des fraudes (DGCCRF) quand elle contrôle les produits « sans OGM » (3). Ainsi, à plus long terme, ce sous-amendement pourrait remettre en cause les cahier des charges des filières sans OGM.
La stratégie du vote conforme conduit l’opposition à quitter l’hémicycle
Le dépôt d’un unique sous-amendement par le rapporteur de la loi et le soutien des ministres Nathalie Kosciusko-Morizet et Jean-Louis Borloo à la position de la Commission sur le rejet des autres amendements a donc évincé le débat espéré tant par la société civile que par les députés de l’opposition (PS, PCF, et Verts). Ces derniers ont donc quitté l’hémicycle en cours de séance. Ainsi, mercredi soir, après l’adoption du sous-amendement, le Sénat a mis en œuvre la stratégie du « vote conforme » sur les 14 articles suivants, c’est-à-dire qu’il n’a pas modifié les termes dans lesquels ces articles avaient été adoptés à l’Assemblée nationale. L’examen du texte à l’Assemblée nationale, en deuxième lecture, prévu pour la deuxième quinzaine de mai, ne portera donc que sur l’unique article amendé, à savoir l’article 1er, qui fixe les principes de la loi. Par conséquent, plus aucun débat n’aura lieu sur les dispositions relatives au Haut conseil, aux règles de coexistence et de responsabilité... Seules voies de secours : le dépôt d’amendements pour l’inscription d’articles additionnels, et un nouveau vote solennel du texte, qui obligerait le gouvernement à présenter un nouveau projet de loi...
1, Le Monde, 16 avril 2008
2, Jean-François Copé, Reuters, 15 avril 2008
3, Note d’information 2004-113 de la DGCCRF