Il ne s’agit pas ici de « crier au loup » et de déterrer hâtivement de vieilles peurs qui pourrait couvrir une volonté de sensationnalisme politique.
A trop fermer les yeux, on fini cependant par ne plus rien voir et quand on les rouvre la surprise est amère, et comme on dit, avec un zeste de regret, « il est trop tard ».
L’autoritatisme ambiant qui s’exprime aussi bien sur le plan judiciaire qu’à propos des mouvements sociaux apparaît comme contradictoire avec le « discours libéral ». Pourtant les deux vont tout à fait de pair.
PEUT-ON PARLER D’UN RISQUE NEOFASCISTE ?Des précautions sont à prendre pour répondre à une telle question. Ces dernières doivent se fonder sur deux choses :
- une analyse lucide de l’Histoire,
- une analyse lucide de la situation présente.
Il est évident que l’Histoire ne se reproduit pas, ne serait ce que parce que les situations et conditions ne sont jamais les mêmes. Donc, toute assimilation d’une période avec une autre est erronée, même si des similitudes existent. C’est ce qui explique, on le comprendra, qu’il faille utiliser le terme de fascisme avec la plus extrême prudence.
Quelles sont, brièvement, les caractéristiques essentielles du fascisme :
- un pouvoir fort
- un populisme outrancier,
- la négation des conflits sociaux et une brutalité dans leur gestion.
Ces caractéristiques, nous les retrouvons aujourd’hui, à différents degrés, dans les « démocraties ». Dire cela n’est pas céder à un fantasme ou à un délire de persécution, mais correspond à une réalité que chacune et chacun d’entre nous ressent confusément.
- le pouvoir fort : la tendance est non seulement à la présidentialisation du pouvoir, mais aussi à un véritable verrouillage de ce même pouvoir par des partis gestionnaires du système - la situation politique est de fait bloquée ;
- un populisme outrancier : pas besoin de longs discours : démagogie, promesses, arrosage corporatiste pour calmer la grogne,…
- négation des conflits sociaux et brutalité de la répression : il y a un impératif qui est le marché, une « rationalité économique » incontournable et l’Etat se doit de la faire respecter.
L’hystérie de la confiance aveugle dans le marché à pris la place du délire nationaliste qui a caractérisé les fascismes du 20e siècle.
L’Etat, quoi qu’étant le défenseur des intérêts des possédants, pouvait dans une certaine mesure, influer, dans le cadre de ses frontières sur le fonctionnement économique du territoire économique qu’il représentait. Ceci n’est actuellement plus possible du tout. L’Etat national s’est dessaisi volontairement de quasiment toute prérogative dans le domaine économique : déréglementation, dénationalisations, libéralisation à outrance de tous les secteurs économiques.
Désormais la régulation économique ne se fait que par les mécanismes de marché et la régulation sociale ne peut se faire que par la violence.
C’est ce qui explique la montée de l’autoritarisme étatique.
Alors que sous le fascisme, l’individu était la chose de l’Etat, dans le libéralisme, l’individu est devenu la chose du marché.
Mais dans tous les cas, le concept de « citoyen » est vidé de tout son sens. Seuls les mots, dans la logorrhée « démocratique » soutiennent l’idéologie chancelante d’une réalité républicaine qui ne correspond plus qu’aux intérêts du Capital.
LA DEMOCRATIE EST-ELLE EN DANGER ?Le système marchand n’a jamais été démocratique. Fondé sur un principe d’exploitation et d’inégalité il a montré un visage « démocratique » tant qu’il a pu se payer la « paix sociale ».
Il n’a pas pu dans deux cas :
- après la crise de 1929 et avec le péril, pour lui, « communiste », ce qui a donné le fascisme ou plutôt, « les » fascismes ;
- aujourd’hui la déliquescence du lien social, des solidarités, de l’intégration salariale, de la qualité de la vie à tous les niveaux accroît les tensions qu’aucune mesure ne peut apaiser.
Quand le pouvoir dit qu’il veut des « syndicats forts et respectés », il est tout à fait cohérent. En effet il faut entendre par là une véritable police des salariés qui fasse respecter les règles du système et étouffe de fait toute revendication sociale. On retrouve ainsi le rôle des « syndicats » qui a été le leur sous les régimes fascistes. Mais présenté de cette manière, il y a là un double discours qui peut faire, et fait, illusion.
Cette intégration politico-syndicale est d’autant plus urgente que la révolte gronde et qu’il n’y a plus les moyens financiers de la faire taire.
L’Etat gendarme a remplacé l’Etat providence.
L’autoritarisme fleuri sur la pourriture de tout système en décadence. Or, ce système est décadent – incapacité d’assurer la paix sociale, aggravation des inégalités, liquidation de tous les « acquis » des salariés….
Le libéralisme fait entrer ce système marchand dans une logique mortifère qui dévoile entièrement ce qu’il est en réalité, un système inégalitaire fondé sur le pouvoir de fait d’une minorité qui impose sa loi au reste du monde.
La démocratie, même frelatée, est un luxe que peut se payer de moins en moins le système marchand.
Ces inégalités et ces injustices que nous subissons aujourd’hui, ont été le pain quotidien des pays que nous avons, à une époque colonisé, et qui permettait notre « opulence ». Aujourd’hui nous retombons peu à peu dans l’état où nous les avons mis : pauvreté, inégalité, exclusion, disparition des protections sociales, dérégulation,….
On ne peut donc pas crier au fascisme au sens de la reproduction d’un modèle politique qui appartient au passé, et en ce sens n’est pas reproductible. Pourtant, le libéralisme, dans la phase mondialisée du système marchand ne peut produire qu’un autoritarisme pour permettre à ce système de se perpétuer.
Au 20e siècle la guerre et le fascisme ont sauvé le capitalisme de la décadence… que va-t-il se passer au 21e siècle ? La réponse dépend de nous.
Juin 2008 Patrick MIGNARD
Voir aussi :
«
DECADENCE »
«
MARCHANDISE : RETOUR AUX FONDAMENTAUX »