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L'En Dehors


Quotidien anarchiste individualiste





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Les Provos à Amsterdam
--> Exposé de Tjebbe van Tijen, compte-rendu de Geneviève Dreyfus-Armand. Les années 68 :événements, cultures politiques et modes de vie. Lettre d’information n°13 Séance du 26 février 1996

Lu sur irice cnrs : T. van Tijen évoque les racines culturelles du mouvement provo : le surréalisme, le mouvement COBRA (Copenhague-Bruxelles-Amsterdam), le lettrisme et le situationnisme ; aux Pays-Bas, les artistes du mouvement COBRA éditent Reflex, publication aux propos délibérément irrévérencieux et la revue Potlatch, qui commence à paraître en 1959 et diffuse les thèses situationnistes. Dès le début des années 1960, un mouvement antiatomique hollandais émerge et Amsterdam voit, parallèlement, se développer des happenings d’artistes et de marginaux ; des fêtes provocatrices se multiplient, où la marijuana est fumée ouvertement, et des artistes cultivent un théâtre de l’absurde. Le mécène Nicolaas Kruze, propriétaire du restaurant « Les cinq mouches » et prophète de la « nouvelle mathématique messianique universelle » est associé à ce milieu artistique. Des cercles de discussion sur toutes sortes de sujets se constituent à Amsterdam et c’est à la confluence de toutes ces influences et pratiques que naîtra le mouvement provo.

Un personnage joue un rôle important : Robert Jasper Grootveld ; sensible aux cancers provoqués par la fumée du tabac, il centre dès 1963 son action sur la lutte antitabac et milite contre la publicité en faveur des cigarettes. Il se fait le porteparole d’une sorte de messianisme militant, mi-sérieux, mi-plaisant, et recouvre de graffiti les affiches publicitaires des marques de tabac ; plusieurs fois arrêté, il crée cependant, avec l’aide de N. Kruze, un « temple anti-fumeur », lieu devenu vite populaire. À la même époque, Grootveld participe également, au Quartier latin, à Paris, à des happenings organisés dans le sillage du surréalisme, du dadaïsme et du lettrisme, avec des personnalités comme Jean-Jacques Lebel : peintures sur des corps de femmes, collages, créations artistiques diverses... Après l’incendie du temple anti-fumeurs, Grootveld cherche un autre endroit pour continuer sa lutte contre le tabac et jette son dévolu sur la statue du Lieverdje, « le petit chéri », « le chérubin », équivalent du Manneken Pis belge, situé dans la grande rue centrale de la ville, le Spui, et financé par une marque de cigarettes américaines, Hunter. À partir de 1964, Grootveld réalise des happenings hebdomadaires, le samedi à minuit, devant la statue, « pour le consommateur asservi par le grand syndicat de la drogue ». Il rend ses happenings publics en y appelant par des tracts ; il en fera des dizaines dans cet endroit très fréquenté. On brûle des journaux internationaux devant la statue et la police, encouragée par une presse qui dénonce les « voyous », ne manque pas d’intervenir et de saisir de jeunes manifestants généralement nonviolents.
Le mouvement provo est également à la confluence d’autres mouvements, où l’on retrouve en partie, mais pas totalement, les mêmes personnes : la mobilisation contre la guerre du Vietnam, importante dès 1965, avec des manifestations et meetings nombreux ; la mouvance libertaire a également une tradition assez forte à Amsterdam et des anarchistes font partie du mouvement provo depuis ses origines.
Un petit groupe informel se constitue vers mars 1965, fusion des alternatives « politiques » et « artistico-écologistes ». Un tract rédigé en français et intitulé Provo, journal anarchiste, s’adresse au « provotariat », défini ultérieurement non comme une classe – car de composition trop hétérogène pour cela – mais comme une « foule d’éléments subversifs », où se retrouvent « beatniks, pleiners, nozems, teddy-boys, rocks, blousons noirs, hooligans, mangupi, étudiants, artistes, asociaux, anarchistes, anti-bombes... ceux qui ne désirent pas faire carrière, qui mènent une vie irrégulière, ceux des jungles asphaltées... ceux qui se sentent inadaptés à cette société... » ; Provo déclare :
« Aux Pays-Bas, le mouvement anarchiste “ Provo ” est né du provotariat et il souhaite que le provotariat du monde entier devienne conscient de son déclassement. Que veut l’anarchisme ? la collectivisation, la décentralisation, la démilitarisation. Une société nouvelle, une fédération de communes autonomes, dans laquelle la propriété privée sera abolie.
Chacun y sera responsable de l’existence économique et sociale. Des machines électroniques accompliront dans l’époque cybernétique qui vient la tâche des administrations (éternel prétexte de l’existence de nos politiciens).
Dans une telle société technique, décentralisée en petites communautés, la démocratie sera réellement possible.
L’ANARCHIE VEUT LA REVOLUTION !
“Provo” désespère de l’avènement de la Révolution et de l’Anarchie.
Cependant “Provo” puise son courage dans l’anarchisme : l’anarchisme est pour lui la seule conception sociale admissible. C’est son arme idéologique contre les forces autoritaires qui nous oppriment.
Si le provotariat manque (jusqu’à présent) de forces pour LA REVOLUTION, il reste :
LA PROVOCATION
La provocation, avec ses petits coups d’épingles, est devenue notre seule arme, imposée par la force des choses.
C’est notre dernière chance de frapper les autorités aux endroits sensibles et vitaux.
Par nos provocations, nous devons forcer les autorités à se démasquer. Tous les uniformes, bottes, képis, sabres, matraques, autopompes, chiens policiers, gaz lacrymogènes et tous les moyens que les autorités tiennent encore en réserve, elles devront les employer contre nous. Les autorités devront ainsi se MANIFESTER EN TANT QU’AUTORITES REELLES : le menton en avant, les sourcils froncés, la colère dans les yeux, menaçant à droite, menaçant à gauche, commandant, interdisant, condamnant. Elles se rendront de plus en plus impopulaires, ainsi la conscience des gens mûrira pour l’anarchie.
ET VIENDRA LA CRISE !
C’est notre dernière chance : LA CRISE DES AUTORITES PROVOQUEES.
Telle est la grande provocation à laquelle “Provo-Amsterdam” appelle le provotariat international.
PROVOQUEZ, FORMEZ DES GROUPES ANARCHISTES !
Attention, provos, nous perdons un monde ! »

Lire la suite ici : http://irice.cnrs.fr/IMG/pdf/Lettre_d_info_68_no13_26-02-96.pdf

lire aussi le dossier sur les origines de mai 1968

Ecrit par libertad, à 00:37 dans la rubrique "Pour comprendre".



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