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CQFD : "Ils révèlent la présence de résidus de pesticides dans le raisin alors que le secteur est en crise ! Irresponsables écolos, que la Fédération nationale des producteurs de raisin de table poursuit de sa vindicte, au lieu de s’interroger sur ses propres pratiques…
E 24 NOVEMBRE 2008, le Mouvement pour les droits et le respect des générations futures (MDRGF) publie les résultats d’une enquête menée dans cinq pays européens : 99,2 % des raisins de table analysés contiennent des résidus de pesticides ! En France, chaque échantillon affiche en moyenne huit pesticides différents, un échantillon plafonne même à seize. Conséquence, le 2 février 2009, la Fédération nationale des producteurs de raisin de table (FNPRT) assigne le MDRGF en justice pour avoir « dénigré le raisin de table » et lui réclame 500 000 euros. Le procès est prévu en septembre. Comment en est-on arrivé là ? Pour répondre, direction le Vaucluse.
Le 3 octobre 2008, Le Vaucluse agricole, hebdomadaire aux mains de la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles-Jeunes agriculteurs (FDSEAJA), écrit que « le marché national du raisin de table est dans la tourmente ». Responsables désignés alors, les grandes et moyennes surfaces, dont la politique, favorisant les importations (d’Italie principalement), serait bénie par les pouvoirs publics. Le 23 octobre, on apprend que « dans le Sud-Est on est dans la dernière semaine de ramassage et ainsi de commercialisation de raisin frais, les conditions climatiques seront déterminantes pour la qualité de ces derniers volumes ». Et justement il se met à tomber de fortes pluies. Le 21 novembre, « le commerce est resté pénalisé par les problèmes de qualité (…), engendrant de nombreux refus ». Le 28 novembre, alors que « la demande se détourne en effet progressivement du raisin », on espère seulement « écouler le maximum de raisin encore en stock et limiter les pertes de marchandise ».
C’est à ce moment-là que l’étude publiée par le MDRGF est reprise par les journaux télévisés. René Reynard, élu FDSEA de la chambre d’agriculture de Vaucluse et président de la FNPRT, monte au créneau et parle d’une mauvaise publicité qui porte « le discrédit et le coup de grâce sur la production de raisin de table ». Il est question d’un « mensonge coupable, orchestré par les ONG environnementalistes qui tronquent l’information ; un mensonge dont se rendraient complices par leurs silences l’État et les services du ministère de l’Agriculture. » La FDSEA du Vaucluse, tout au long de cette saison catastrophique, a cherché le coupable idéal. Ce sera le MDRGF, et c’est logique, c’est lui qui dénonce les dangers des pesticides. Car dans cette opération de communication, il s’agit d’abord de réécrire l’histoire : alors que l’emploi accru des pesticides a prouvé son incapacité à donner une apparence de bonne conservation aux fruits, on prétendra démontrer au contraire la nécessité des pesticides pour se prémunir des maladies. Et le danger qu’il y aurait à vouloir diminuer leur emploi.
Les paysans de la Confédération paysanne, qui pensent que, dans cette affaire, la FDSEA va se ridiculiser parce qu’il serait ringard en 2009 de défendre l’usage des pesticides, sont bien naïfs. Dans une situation de crise, la FDSEA n’essaye pas de rassurer les consommateurs, elle s’adresse aux paysans. Il s’agit pour elle de maintenir coûte que coûte la croyance selon laquelle, dans les moments difficiles (intempéries, épidémies…), les traitements chimiques sont incontournables. Combattons la maladie sans chercher à la comprendre, plutôt que d’y voir le symptôme d’un déséquilibre provenant d’une pratique sociale. Ce syndicat a lié son sort depuis ses origines à celui d’une logique industrielle et c’est sa crédibilité qui est en jeu. Un de ses dirigeants a ainsi déclaré que « lâcher sur les pesticides, c’est risquer l’explosion du syndicalisme agricole » – entendez : de la FDSEA. Comme un malheur n’arrive jamais seul, la grave crise, dite économique, qui touche l’ensemble du marché des fruits et légumes cette année, entraîne une mévente, ou vente à perte, des raisins de table dès le début de la saison. Les supermarchés, qui importent à bas prix, sont des salauds, mais il est bien connu « qu’on ne peut s’en passer ». Gageons que, dans ce procès, on aboutira à un compromis, et que les pucelles écolos effarouchées comprendront que c’est pas le moment d’emmerder une profession, prise dans la tourmente économique, avec des histoires de pesticides.
Article publié dans CQFD N°70, septembre 2009.