Ils ne se cachent même plus, ils ne cachent pas même leurs intentions. Nous sommes prévenus. Ils veulent mettre à bas tous les acquis sociaux et revenir aux fondamentaux du système salarial.
« Ils »,
ce sont le patronat et le gouvernement qui agissent de concert et avec de plus
en plus de facilité.
Ce
que Madame Thatcher a fait brutalement, Sarko le fait avec doigté et démagogie.
SACHONS
LES ENTENDRE
Dans
la revue « Challenge », en date du 4 octobre 2007, Denis Kessler
(ancien n°2 du MEDEF) expose clairement ce que veut faire N. Sarkozy. Il précise
avec un luxe de détails, sans ambiguïté, les intentions du Gouvernement Fillon
sur la réduction des services et du personnel dans le public, et sur les mesures
limitant le droit de grève et « réformant » le système de retraites.
“Adieu
1945, raccrochons notre pays au monde ! Le modèle social français est le
pur produit du Conseil national de la Résistance. (…) Il est grand temps de le
réformer, et le gouvernement s’y emploie. Les annonces successives des
différentes réformes par le gouvernement peuvent donner une impression de
patchwork, tant elles paraissent variées, d’importance inégale, et de portées
diverses : statut de la fonction publique, régimes spéciaux de retraite,
refonte de la Sécurité sociale, paritarisme… A y regarder de plus près, on
constate qu’il y a une profonde unité à ce programme ambitieux. La liste des
réformes ? C’est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944
et 1952, sans exception. Elle est là. Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945,
et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la
Résistance ! (…) Désavouer les pères fondateurs n’est pas un problème
qu’en psychanalyse.”
On
ne peut pas être plus clair… Autrement dit, tous les acquis sociaux sont à
jeter à la poubelle….
Cela
dit, comme dirait le Gouvernement, une fois accepté cela,… on peut
négocier ! ? !
Et
ce n’est pas tout… En pleine lutte des cheminots, la présidente du MEDEF en
rajoute une couche dans Libération du 21 novembre:
S’exprimant
à propos du pouvoir d’achat, elle déclare : « C'est vrai qu'il y a
un problème de pouvoir d'achat (...), c'est un ressenti totalement objectif ».
Elle
précise « la vraie question n'est pas comment je contribue à ce qu'il y
ait plus de pouvoir d'achat, mais comment je contribue à ce qu'il y ait plus de
croissance »… ce qui, soit dit en passant, montre qu’elle a tout
compris quant à la préservation de l’environnement…
"Pour moi, il y a deux axes principaux à
travailler: comment on fait pour baisser les prélèvements obligatoires sur les
entreprises, c'est prioritaire, et deuxième chose, n'est-il pas temps d'aller
plus loin sur la question de la durée du travail ?", a-t-elle ajouté.
"Je me demande s'il ne faut pas accepter de
mettre sur la table la question de la suppression de la durée légale du
travail", a-t-elle déclaré. Tout le
monde voit bien que le mécanisme des heures supplémentaires n'est pas
suffisant".
Les dispositifs permettant déjà aux entreprises de
travailler au-delà de 35 heures par semaine sont "rébarbatifs" et
l'utilisation du contingent d'heures supplémentaires autorisé (220 heures/an)
est "très lourd, car il suppose des négociations de branche",
a-t-elle ajouté.
"Ma préconisation, c'est de rendre les choses
beaucoup plus simples en balayant tous ces mécanismes très complexes, et en
revenant à la détermination du seuil de déclenchement des heures
supplémentaires, branche par branche, ou entreprise par entreprise",
Et
elle termine : "Je sais autour de quoi certains ministres réfléchissent
depuis quelque temps, et la question de la durée du travail est un axe de
réflexion"
Autrement
dit, au nom de la Liberté (elle a bon dos !), de l’efficacité, de la
simplicité, cette déréglementation du « marché de la force de
travail » va livrer pieds et poings liés les salariés au bon pouvoir
patronal.
C’est
ça la modernité !
LE
PIEGE DES NEGOCIATIONS
Dans
ces conditions, les négociations sont un véritable piège. En effet que penser
de responsables politiques qui disent : « D’accord pour négocier,
mais de toute manière nous ne reculerons pas sur ce que nous comptons faire » ?
Quel
sens peut avoir dans ces conditions le verbe négocier.
Car
c’est bien de cela dont il s’agit aujourd’hui. La capitulation des syndicats
face à l’intransigeance du Gouvernement/patronat va faire
« jurisprudence » politique. Cette lutte de novembre 2007 va faire date en montrant que
l’intransigeance paye et en montrant qu’en face les organisations syndicales
cèdent.
La
limite entre ce qui devrait être un compromis – résultat d’une
négociation – et une compromission est bien difficile à établir. Tout se
joue sur les nuances, les déclarations… et dans l’infini des subtilités
trouvées par le Gouvernement, le patronat et les syndicats on veut nous faire
croire que l’on ne sait plus très bien qui gruge qui… chacun suggérant qu’il y
a recul de l’autre.
La
négociation n’est pour le gouvernement qu’un prétexte pour faire croire qu’il
entend, qu’il écoute et qu’il propose.
Pour
le syndicat c’est une manière de ne pas perdre la face alors qu’il y laisse la
chemise, le pantalon et même le reste.
Le
terme même de négociation perd tout son sens.
Non
seulement le gouvernement et le patronat n’ont rien à négocier, ne veulent plus
négocier, mais plus grave,… savent qu’en face, les organisations syndicales ne
font plus le poids, ne peuvent se raccrocher qu’à une « négociation »
forcément bidon et deviennent l’instrument de la démobilisation des assemblées
générales petit à petit isolées et finalement désavouée. .. ;
Le
défi, comme on le voit, dépasse largement les capacités et les stratégies
syndicalo-politiques mises en œuvre jusqu’à présent. Relever ce défi va exiger
autre chose que ces pratiques d’un autre temps que nous venons de voir dans les
dernières mobilisations. Supprimer les acquis sociaux, c’est, de fait, revenir
aux conditions sociales du 19e
siècle.
Il
est à craindre que, du côté du gouvernement et du patronat le pli soit pris et
la leçon tirée. Le grand projet de démantèlement est, si j’ose dire, sur les
rails… les conditions politiques, économiques, idéologiques et stratégiques
sont favorables aux liquidateurs. Quelle peut-être la riposte ?
Certainement pas celle que l’on connaît et que l’on pratique depuis des
décennies.
Patrick
MIGNARD
23 novembre 2007
Voir
aussi :
« ILS
NE CEDERONT PLUS RIEN »
« NEGOCIER…
MAIS NEGOCIER QUOI ? »
« MARCHANDISE :
LE RETOUR AUX FONDAMENTAUX »